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Editorial: Non à une révision

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D’abord, même si la mouvance le voulait, elle ne pourra pas réviser la constitution sans l’opposition. Et pour une raison toute simple. Examinons à ce sujet l’article 154 de la constitution qui dit ceci : « Pour être pris en considération, le projet, ou la proposition de révision, doit être voté à la majorité des trois quarts des membres composant l’Assemblée nationale. » Autrement dit, pour que même le projet ou la proposition de révision de la constitution puisse être examiné par le parlement, il faut 82 députés qui soient d’accord. Actuellement, la mouvance dispose de 81 députés. Où trouvera-t-elle la voix manquante ? Auprès de l’opposition, si elle le veut.

Laissons même cet article 154. Car l’article 155 est plus contraignant. Il dit ceci : « La révision n’est acquise qu’après avoir été approuvée parréférendum, sauf si le projet ou la proposition en cause a étéapprouvé à la majorité des quatre cinquièmes des membrescomposant l’Assemblée nationale. ». Ainsi, il faut qu’au moins 87 députés l’acceptent pour qu’il y ait une révision. Là encore, ce ne sera pas possible sans l’opposition. Bien entendu, si la mouvance n’y parvient pas, elle peut recourir au référendum, c’est-à-dire passer au suffrage universel. Et à ce niveau, chaque Béninois aura la capacité de dire directement s’il accepte ou non le projet ou la proposition.

Dans un cas comme dans un autre, si la mouvance veut une réforme constitutionnelle, elle est obligée de parvenir à un compromis avec les 28 députés de l’opposition. Et compromis veut dire négociation sur la libération des prisonniers politiques, ce dont le chef de l’Etat ne veut pas entendre parler. Aller jusqu’à même parler de référendum, serait un pur suicide pour la mouvance. Ce serait offrir une revanche à l’opposition pour préparer 2026. Si vous avez regardé  la mobilisation autour de Boni Yayi  ce dimanche 14 janvier 2024 à Dogbo, sur les terres mêmes de la mouvance, vous comprenez qu’un référendum sera totalement contreproductif pour la mouvance aujourd’hui. Il se transformerait facilement en un référendum pour ou contre Talon, avec le risque  ultime de se faire Hara Kiri.

Pour toutes ces raisons objectives, je ne vois pas Patrice Talon s’engager sur la voie d’une révision constitutionnelle aujourd’hui. Mais il ne faut rien exclure. Les acteurs politiques nous ont déjà prouvé par le passé leur sens de la volteface. L’égotisme, ce venin de la superpuissance de ceux qui gouvernent, peut raffluer à tout moment.

Seulement, à quoi servirait aujourd’hui une éventuelle révision de la constitution ?  A un troisième mandat ? Pensez-vous franchement, je dis bien franchement, que s’il voulait un troisième mandat, Patrice Talon aurait mis des verrous à toute révision allant dans ce sens ?  La constitution révisée indique que nul, de sa vie, ne peut faire plus de deux mandats. Or, au moment où il avait un boulevard devant lui pour amender le texte constitutionnel à la hauteur de ses rêves d’éternité, il ne l’avait pas fait. Alors question : Pourquoi le ferait-il aujourd’hui  où il ne dispose pas d’une majorité qualifiée ?

Je suis donc convaincu que le chef de l’Etat ne tentera pas le coup d’un troisième mandat. Par contre, il a tout intérêt à ce que le pouvoir ne tombe entre les mains de l’opposition. Mais ça, c’est un autre débat.

Par Olivier ALLOCHEME

Éditorial: Pour affronter 2024

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Il y a quelques jours, je revenais de mon jogging matinal à la plage quand je suis tombé sur un homme à qui il manquait un bras. Oui, il conduisait sa moto Mate 60 de sa main gauche, le bras droit étant simplement inexistant. Une amputation ? Peut-être. Mais ce qui m’avait impressionné ce n’était pas son physique, mais ce qu’il pouvait faire de son deuxième bras : conduire une moto dans la ville. Apparemment, il était très connu dans le quartier. Il prenait le temps de blaguer avec les riverains tout en continuant son chemin. Et puis me sont revenus des noms célèbres tels que Jessica Cox, qui pouvait conduire un hélicoptère, alors même qu’elle n’avait aucun bras. Ou encore l’Australien Nick Vujicic, pratiquement sans aucun membre, ni inférieur ni supérieur, devenu pourtant chef d’entreprise et coach. Le chemin a peut-être été long pour eux, mais ils sont parvenus à des niveaux de réalisation élevés, en tournant les moqueries des autres en leur faveur, en se focalisant sur ce qu’ils voulaient.

         Les pouvoirs les plus importants de notre esprit se libèrent lorsque nous restons concentrés sur nos objectifs, qu’ils soient modestes ou surtout …fous. L’esprit mobilise des énergies cachées pour les atteindre lorsque l’on y croit à fond. Lorsque l’on s’y jette à fond, sans regarder derrière, sans même faire attention à ceux qui disent qu’on n’y arrivera jamais. La différence fondamentale entre ceux qui réussissent de grandes réalisations et les autres, ce n’est pas seulement la discipline dans l’effort, mais surtout cette capacité à ne se laisser distraire par rien ni personne sur le chemin que l’on veut suivre. Bien entendu, cela n’est pas possible sans « la foi sauvage du sorcier », comme dirait Aimé Césaire, cette espérance-vision qui voit au-delà du temps, le bénéfice qu’on est assuré de tirer des efforts d’aujourd’hui. On tombe mille fois, on se relève mille et une fois pour continuer la marche. Vous n’obtiendrez rien en lâchant prise lorsque surviennent les difficultés. En 2023, il y a une phrase qui est fréquemment venue à ma bouche, chaque fois que je vois des gens ordinaires parvenir à des résultats inattendus à force d’abnégation : il y a du génie dans la persévérance.

Pour garder cette foi inébranlable, il y a tout un état d’esprit à construire. Parfois, il faut interroger les conditions même de notre naissance pour comprendre pourquoi même les plus petites adversités nous effraient et nous déroutent, pendant que les autres les bravent et vont de l’avant. Mais il faut apprendre malgré tout à nos enfants, que les obstacles font aussi partie de la réussite. Et que nul ne réussit tant qu’il n’a pas échoué d’abord. Dans son ouvrage The obstacle is the way (L’obstacle est le chemin) publié il y a dix ans, l’écrivain américain Ryan Holliday a dégagé dix leçons permettant de surmonter les difficultés avec foi. Je m’en vais les résumer très schématiquement :

1. Notre perception façonne notre réalité : La façon dont nous percevons les obstacles peut avoir un impact significatif sur la façon dont nous les abordons et les surmontons. En changeant notre perspective, nous pouvons transformer les obstacles en opportunités.

2. L’action plutôt que l’inaction : Au lieu d’être paralysé par l’adversité, agissez. Même de petits pas peuvent faire la différence pour surmonter les défis.

3. Le pouvoir de la persévérance : La résilience et la persévérance sont la clé du succès. Continuez même lorsque vous êtes confronté à des revers ou à des difficultés.

4. Adoptez le processus : Le parcours pour surmonter les obstacles est aussi important que la destination. Acceptez les difficultés et apprenez-en.

5. Préparez-vous à l’inévitable : anticipez les obstacles et mettez en place un plan. Cette approche proactive peut minimiser leur impact.

6. Concentrez-vous sur ce que vous pouvez contrôler : Concentrez-vous sur les choses sous votre contrôle, car dépenser de l’énergie sur ce que vous ne pouvez pas changer est contre-productif.

7. Adaptabilité : Soyez flexible et prêt à ajuster vos stratégies en cas de besoin. La rigidité peut entraver le progrès.

8. Maintenez votre calme : Dans les situations difficiles, maintenir le contrôle émotionnel et son sang-froid est essentiel pour prendre des décisions rationnelles.

9. Transformez les revers en avantages : utilisez les échecs comme des opportunités de croissance et d’amélioration.

10. Apprendre de l’histoire : Étudiez les expériences et la sagesse de ceux qui ont été confrontés à des obstacles similaires dans le passé. L’histoire est un professeur précieux.

Editorial: La mémoire et l’oubli

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A partir des années 1830, les Britanniques et les Français ont imposé à la Chine des guerres violentes. C’étaient les guerres dites de l’opium, un conflit né de la volonté des Occidentaux d’ouvrir coûte que coûte le marché chinois à leurs produits. Et pour le faire, ils n’ont rien trouvé d’autre à faire que de  déverser des tonnes de drogue, notamment de l’opium, dans le pays. Le but avoué était d’abêtir la population chinoise avec la consommation massive d’opium pour conquérir le pays et exploiter ses richesses. L’empereur de Chine s’y oppose et la guerre se déclenche. La Chine perd et est obligée de s’ouvrir aux influences étrangères. Des églises s’ouvrent dans le pays, au grand mécontentement des nationalistes. En 1900, des révoltes populaires ont lieu pour chasser les étrangers de Chine. C’est la guerre des Boxers. Elles débouchent sur le massacre de 30.000 chrétiens chinois. Plus jamais les autorités chinoises n’auront de relations stables avec le Vatican.  Et jusqu’aujourd’hui, le simple fait pour le pape (y compris le pape François) de survoler le ciel chinois lors de ses voyages dans d’autres pays, est considéré comme un événement.

Autre chose. En 1945, le monde entier découvre abasourdi les horreurs de l’Allemagne nazie contre les juifs. Après six ans de guerre, l’Allemagne nazie a éliminé principalement dans ses chambres à gaz, environ six millions de juifs. Depuis lors, les peuples juifs à qui un lopin de terre nommé Israël a été concédé, ont conservé jalousement la mémoire douloureuse de cet épisode traumatique. Il n’arriverait jamais à l’idée de qui que ce soit en Israël de demander l’oubli de l’holocauste.

A partir du XVIème siècle et jusqu’au XIXème siècle, l’Afrique a été victime de la pire tragédie de l’histoire humaine. Des dizaines de millions de Noirs sont déportés de force vers l’Amérique. A la fin de la tragédie, on s’est mis à réécrire l’histoire en jouant sur les mots. A la place des rapts ou des déportations forcées, on a écrit dans tous les livres d’histoire qu’il s’agit de traite, c’est-à-dire de commerce. Et pourtant, on sait par exemple que les navires négriers étaient des navires de guerre. Le premier navire négrier britannique, dénommé le « Liverpool Merchant », était un navire de guerre. Et jusqu’aujourd’hui, si vous allez au fort portugais de Ouidah où les Noirs étaient parqués avant leur départ pour les Amériques, vous verrez que c’est un ouvrage fortifié entouré de canons.  Et pourtant, on disait que nos ancêtres ont vendu leurs enfants, leurs cousins, leurs neveux. Qu’ils étaient tellement méchants qu’ils ont vendu les leurs pour des miroirs ou des perles. Les ancêtres des Africains sont les seuls de toute l’histoire humaine à être des démons. Pendant près de quatre siècles.

Et donc il y a un mois, Patrice Talon est allé inaugurer une œuvre d’art installée au Conseil économique, social et environnemental (CESE) de France. « Pour nous le passé est loin » disait-il devant son auditoire séduit avant d’ajouter que les relations franco-béninoises « ne sont pas polluées par les affres de l’histoire à cause des compétitions entre les communautés humaines. Que ce qui a pu se passer il y a 200 ans, 100 ans ou 60 ans, que tout cela est bien derrière nous parce que nous voulons qu’il soit derrière nous, et qu’il n’est pas utile de se cramponner au passé pour polluer les relations actuelles qui sont indispensables au développement communautaire. » A l’époque, j’avais trouvé qu’il est bien difficile de diriger un pays victime à la fois de l’esclavage et de la colonisation. Parce qu’il prenait là la responsabilité de banaliser un crime contre l’humanité reconnu comme tel même en France à travers la loi Taubira votée en mai 2001. Même les Français n’en demandaient pas tant.

Mais voilà que la semaine passée, il tient presque le même discours, cette fois en Martinique même, devant les victimes directes de ce crime et principalement dans la résidence même de l’un des bourreaux d’hier, à la Fondation Clément. Arguant de sa volonté, en tant que responsable « de construire quelque chose » malgré les douleurs du passé, il a minimisé les cris et pleurs des associations antillaises demandant un peu de respect pour la mémoire de leurs aïeux. Je me demande si Benyamin Netanyahou peut oser un jour tenir de tels propos sur l’un des sites de la Shoah, par exemple à Birkenau où des milliers de juifs ont été gazés. Tout le monde, sauf lui. Et surtout pas là. C’est à lui de veiller à notre identité et à notre histoire. Mais on voit bien qui les galvaude selon les besoins du business.

Par Olivier ALLOCHEME

Editorial: L’entourloupe de Faure

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Il  y a un projet d’assassinat en vue contre les dirigeants actuels du Mali, du Niger et du Burkina-Faso. En tout cas, les services secrets russes ont donné l’alerte depuis quelques jours, laissant penser que les jours d’Abderahmane Tiani, Ibrahima Traoré et Assimi Goïta sont comptés. Et si le coup réussissait, ces trois pays vont entrer dans une nouvelle ébullition.

La semaine écoulée, l’actuel homme fort de Niamey a fait un pied-de-nez non seulement à la CEDEAO, mais surtout à Patrice Talon. Sa visite à Lomé sanctionnée par des accords bilatéraux,  n’a fait qu’embarrasser davantage le chef de l’Etat béninois roulé dans la farine par ses pairs de la CEDEAO. Aujourd’hui, le Bénin apparait comme le seul pays qui subit les affres des sanctions contre le Niger. Et comme si cela ne suffisait pas, le Togo en profite pour arracher des contrats au profit du port de Lomé. Remarquez bien que pendant que le Niger est sous sanction, Faure Gnassingbé ne s’est pas embarrassé pour recevoir le général Tiani avec tous les honneurs d’un chef d’Etat. Et mieux, ce dimanche, lors du sommet des chefs d’Etat de la CEDEAO, le même Faure s’est arrangé pour se retrouver dans le trio choisi par l’institution pour servir de médiateur de la même CEDEAO avec les nouvelles autorités de Niamey, au même titre que Patrice Talon et Julius Maada Bio de la Sierra-Leone. J’appelle ça du grand art ! Faure a beau être le dictateur sanguinaire qu’on connait, en matière de géostratégie, il a une très grande longueur d’avance sur ses pairs de la sous-région. Il sait simplement où se trouvent les intérêts de son pays.

Le résultat c’est qu’actuellement le port de Cotonou enregistre une baisse drastique de son trafic. Les autorités portuaires de Cotonou ont cru participer à la lutte anti-Niger en décidant unilatéralement de ne plus traiter les marchandises allant à Niamey. Une connerie historique ! Voilà que Faure a décidé de tirer les larrons du feu, raflant toute la mise jusqu’à se positionner dans la médiation à la CEDEAO. Vous allez faire quoi maintenant ? Vous suicider ? Allez-y seulement.

En fait, le Bénin est victime de la décision prise par Talon dès le début de son premier mandat de fermer la plupart des ambassades du Bénin. Seule une petite dizaine a trouvé grâce à ses yeux, là où il a positionné des parents et amis. Tout le reste a été fermé. Par exemple, l’ambassade de Niamey a été fermée, les locaux abandonnés dans un état lamentable. Lorsque le projet de pipeline Niger-Bénin a pris corps, l’on s’est ravisé. L’ex-député Gildas Agonkan a été nommé mais n’a jamais eu le temps de s’installer, avant les événements du 26 juillet dernier. La conséquence immédiate, c’est que le chef de l’Etat n’a pas pu écouter les  avis des diplomates en poste à Niamey sur la situation réelle de nos intérêts là-bas avant de sauter dans le premier avion venu pour aller annoncer au pied de Tinubu fraichement venu au pouvoir, que le Bénin et la CEDEAO feront tout ce qu’il faut pour déloger les putschistes. Je répète que Patrice Talon a un profond mépris pour les diplomates et que même s’ils lui avaient demandé de tempérer ses ardeurs, il les aurait probablement ignorés. Qu’à cela ne tienne, ce qui s’est passé encore hier à Abuja, montre qu’il a en face de lui des chefs d’Etat qui sont de véritables artistes en géostratégie, pendant que le Bénin joue encore à la crèche en cette matière.

Et pourtant, de tous les pays de la CEDEAO, le Bénin est le seulfondé à dire et clamer partout qu’une fermeture des frontières avec le Niger est un danger pour toute son économie. Même en dépit des sanctions de la CEDEAO, le Bénin devrait ouvrir unilatéralement les frontières et se proposer comme médiateur dès qu’il était devenu clair que l’armée française se retirait du Niger. Mieux, qu’est-ce que cela coûte au gouvernement d’organiser les têtes de pont de la communauté nigérienne au Bénin pour aller plaider la cause de notre pays auprès des hommes forts de Niamey ? Avec l’accord de Lomé la semaine dernière, seule la mort de Tiani pourrait faire revenir Niamey au port de Cotonou.

Je ne vois aucune stratégie visible du Bénin dans la crise nigérienne. On se laisse mener en bateau.

Olivier ALLOCHEME

Edito du 13 novembre 2023: Un Rawlings béninois ?

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Trois ans après la disparition de Jerry John Rawlings, l’Afrique s’est souvenue hier de l’homme d’Etat exceptionnel qu’il fut. S’il devait sa réussite à son charisme extraordinaire, l’ancien président ghanéen fut aussi et avant tout un panafricaniste exigeant.

Il fut un temps où l’on comparait Patrice Talon à ce bâtisseur d’avenir. Et il faut dire que les deux ont des méthodes presque similaires. L’un, Rawlings, a passé par les armes des officiers dont trois anciens chefs de l’État  avant d’organiser une purge sévère de l’armée et de la haute fonction publique. L’autre, Talon, a adopté une stratégie plus soft, mais tout aussi redoutable : contraindre à l’exil ou enfermer une bonne partie de l’opposition radicale. Rawlings a osé la lutte contre la corruption, a organisé des déguerpissements (un peu comme Talon), la destruction des débits de boissons, la confiscation des biens mal acquis de nombreuses personnalités et de nombreux entrepreneurs laissant derrière eux des bâtiments inachevés que l’on voit encore à Accra ou à Tema. Beaucoup parmi eux ont dû fuir le pays. Jerry John Rawlings, c’était une discipline militaire  avec l’interdiction formelle des costumes et cravates dans les bureaux, l’obligation faite aux femmes  de porter de pagne sous peine parfois de vindicte populaire. Avec Patrice Talon,  il y a les déguerpissements, la discipline de fer instaurée dans la fonction publique avec l’interdiction (ou presque) des grèves, les syndicalistes mis au pas et surtout un système partisan rigoureusement contrôlé.

Tel que cela se passe actuellement au Bénin, il ne pourra plus y avoir plus de 4 partis politiques représentés au parlement. Les autres peuvent bien animer la vie politique nationale, mais accéder au parlement relève pour eux du rêve. Sauf à se fondre dans les grands partis pour y exister en tant que tendance interne. 

 La grande différence de Rawlings avec Talon, c’est le panafricanisme catégorique affiché par le président défunt. Cité par les panafricanistes comme un modèle, l’ancien président laisse un héritage idéologique qui lui a survécu. Question : Verra-t-on un jour une idéologie estampillée Talon ? J’en doute beaucoup. Interpellé il y a quelques années sur la question, le chef de l’Etat avait sobrement répondu qu’il est pragmatique. Il n’a donc aucune idéologie. Sinon, s’il en avait une, ce serait celle de l’efficacité de la gouvernance. Le président béninois est abonné absent aux grands débats idéologiques africains. Pas de grands idéaux sur la culture africaine, sur l’unité africaine encore moins sur le développement du continent.  Jerry John Rawlings était connu pour être un grand pourfendeur de la CEDEAO, Patrice Talon s’est illustré ces derniers mois par des prises de position en faveur d’actions inqualifiables de la même institution au Niger. L’un a laissé un nom dans les annales de l’histoire africaine, l’autre s’apprête à partir incognito.

                Au fond, entre le pilote militaire impulsif et l’homme d’affaire calculateur froid et rusé, il y a une opposition de styles, mais des résultats économiques similaires. Le Ghana laissé par Rawlings après 19 ans de pouvoir est un pays transformé et redressé. Celui que conduit actuellement Patrice Talon aligne des chiffres macroéconomiques flatteurs, avec un assainissement marqué des finances publiques. Bien sûr, la pauvreté ne recule en rien. Un voile épais d’incertitude frappe le coton. On s’attend à la campagne 2023-2024, à 550.000 tonnes de coton, le plus faible tonnage enregistré depuis sept ans. La chute est, pour ainsi dire, brutale.  

Plus de deux décennies après la fin du régime Rawlings, les conséquences heureuses de son passage à la tête du Ghana ont été vendangées. Nana Akuffo-Ado, l’actuel président ghanéen, multiplie les contreperformances économiques. L’économie ghanéenne est aujourd’hui citée comme de celles qui croulent actuellement sous la dette publique, l’inflation incontrôlable, la corruption et une grave crise monétaire.  Héritage économique plus que jamais en souffrance. Mais il reste que ce militaire singulier aura laissé une conscience nationale ghanéenne plus forte que jamais. Et, selon vous, quel sera le plus bel héritage de Patrice Talon ?   

Olivier ALLOCHEME

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Edito du 30 octobre 2023: La nécessaire fusion

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L’équation au sein de la mouvance aujourd’hui, c’est comment réussir ce qui hier était considéré comme une hérésie : la fusion de tous les partis soutenant Patrice Talon. Il ne faut pas être un visionnaire avant de voir que l’unité de l’opposition n’est plus une vue de l’esprit. Elle se concrétise de plus en plus après le congrès du parti Les Démocrates à Parakou.

Certes, il ne faut pas se leurrer. Il y a un vent violent anti-Yayi qui a soufflé dans la salle du congrès, lorsqu’il était apparu que l’ancien président avait décidé de prendre les choses en main. Eric Houndété écarté, une bonne partie de ses partisans ne le digèrent toujours pas. Contrairement à ce que l’on peut penser, il y a des déchirements internes qui peuvent exploser à tout moment. Mais au congrès de Parakou, l’unité a été sauvée, contre vents et marrées. Car il ne faut pas être dupe : aucun groupe politique, quel qu’il soit ne peut se prévaloir de zéro conflit. Le fait que Houndété ait accepté malgré tout de devenir numéro deux du parti, en cédant son poste de président tout en demeurant dans le bureau, est le signe que pour le moment, il ravalera ses ambitions. Pour combien de temps encore ? Bien malin qui pourrait le dire. Il Suffirait d’une étincelle pour allumer le volcan de la contestation au sein du parti. Parce que les informations qui me parviennent de son entourage sont claires : Eric Houndété se prépare pour être candidat en 2026. Et il n’a pas tort. De tous les potentiels candidats qui pointent leur tête dans le parti, il est le plus expérimenté. Mais personne n’ignore qu’il faudra avoir l’onction de Yayi pour la moindre action au sein du parti. Et si son propre fils Chabi est intéressé présidentiel, il le mettra dans le duo de 2026. Je ne vois pas Yayi agir en calculateur politique. Son instinct lui parle plus que toutes les logiques mathématiques du monde politique.

Au sein de la mouvance par contre, les choses sont moins claires. Le plus difficile, sera de conserver le semblant d’unité qui y règne,  jusqu’aux échéances de 2026. Je suis même convaincu que pour sauver leur poste, les acteurs politiques feront les ânes jusqu’aux législatives, de façon à être sûrs d’être positionnés sur une liste gagnante. Avec le pouvoir en main, l’échec aux élections au Bénin  n’intervient que lorsqu’on a perdu toute lucidité. Et il faut espérer que Patrice Talon n’en est pas encore arrivé là. Quoique…

La réalité, c’est que le système des microcrédits a mis en place un véritable maillage politique permettant de toucher directement les couches les plus défavorisées. Ce sont ces gens qui forment le plus gros de l’électorat béninois. Ce sont des milliers de femmes et d’hommes qui trouvent directement leur bonheur dans ces prêts. On ne va pas se mentir : les microcrédits constituent une redoutable arme politique aux mains du pouvoir. Maintenant, rappelons ce qui s’est passé en 2015-2016. Malgré un système de micro-crédits non remboursés massivement octroyés à la population en son temps, le régime Yayi avait perdu et les législatives de 2015 et les présidentielles de 2016. Il y a longtemps que les Béninois savent se moquer des politiciens qui pensent les acheter. Et puis s’il ne fallait compter que sur les constructions d’infrastructures, la prétendue lutte contre la corruption ou encore sur la bonne gouvernance, les élections de janvier dernier ont démontré une nouvelle fois que le Béninois vous juge rarement à vos résultats. 

Cette Realpolitik sera utile pour 2026. En se positionnant président de son parti, Yayi veut engager le combat de la revanche. Et si la mouvance fait l’autruche en comptant sur les belles fleurs de la présidence ou sur la statue de l’Amazone, il y a de mauvaises surprises qui l’attendent. Les voix comme celle de Me. Jacques Migan qui appellent à la fusion de toute la mouvance, ne viennent pas du néant. Elles rappellent que toute dispersion des voix pour la présidentielle sera du pain béni pour l’opposition. Bien sûr, pour le moment, la seule voix que les égos surdimensionnés de la mouvance peuvent encore écouter, est celle du chef de l’Etat. Mais s’il attend le dernier jour pour mettre sa troupe en ordre de combat, c’est là où il aura sa dernière surprise.

Olivier ALLOCHEME

Editorial: La nouvelle humiliation

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La France a fini par comprendre que ses positions sur le Niger sont irresponsables. Emmanuel Macron a annoncé hier que Paris va rappeler son ambassadeur et rapatrier les éléments de sa base militaire de Niamey. C’est tout ce que demandaient les autorités actuelles du Niger.

Bien sûr, cette décision fait suite aux conditions de plus en plus difficiles imposées non seulement aux militaires français sur place, mais aussi à l’ambassadeur Sylvain Itté. Les putschistes nigériens ont instauré un blocus sévère aussi bien sur la base française que sur l’ambassade de France à Niamey. La position d’Emmanuel Macron, tentant d’instaurer en Afrique une démocratie à la sauce occidentale, constitue un paternalisme rétrograde. Et les Africains en ont marre de cette attitude qui, depuis 63 ans, a contribué à arriérer nos Etats.

Ce qui s’est passé au lendemain du coup d’Etat du 26 juillet 2023 n’a pas servi de leçon à Paris. Dans les coulisses, on sait que l’armée nigérienne était prête à livrer bataille pour défendre Bazoum au lendemain du coup de force. Se jetant dans une précipitation maladroite, Paris avait ordonné à ses hommes d’intervenir pour libérer le président déchu. Bazoum lui-même aurait sollicité l’aide française à cet effet. C’est sans compter avec la colère de l’armée qui s’est sentie trahie par son chef, au moment où elle était prête à le défendre. Les chefs de l’armée avaient alors tourné casaque, dégoûtés par ce qu’ils ont perçu comme une trahison impardonnable. Le contre-coup d’Etat n’aura jamais lieu. La garde présidentielle a réussi à rallier avec elle l’armée nigérienne dirigée jusqu’alors par des proches du président déchu. Paris devait prendre leçon de l’échec de sa politique interventionniste. Il a préféré se rabattre sur la CEDEAO pour imposer au Niger les sanctions les plus iniques, allant jusqu’à la menace d’une intervention militaire pour imposer Mohammed Bazoum. Seul le Bénin paie aujourd’hui le prix de cette erreur historique.

Le Nigeria n’applique pas les sanctions de la CEDEAO. Les 1500 km de frontière entre le Niger et le Nigeria sont des passoires qu’aucun douanier, aucun militaire ni aucun policier nigérian ne contrôle. Au vu et au su des forces de l’ordre, les usagers circulent de jour et de nuit dans les deux sens sur les axes secondaires. Et pour une simple raison : il n’y a pas un seul point de passage comme à Malanville et plus encore, il n’y a pas une barrière naturelle comme le fleuve Niger entre les deux pays. Du coup, les Béninois se retrouvent seuls à supporter les conséquences nées des décisions de la CEDEAO, une institution désormais vue comme vassale de la France.

La base française bientôt démantelée, pourra-t-elle être redéployée au Bénin, son point d’ancrage le plus proche ? Rien n’est moins sûr. Paris avait cherché par tous les moyens à les installer au Bénin, suite à la débâcle malienne. Le refus manifeste de Patrice Talon a obligé Paris à se rabattre sur Niamey. Il est fort probable que le chef de l’Etat maintienne sa position, pour ne pas donner raison à ceux qui le disent valet de l’Elysée. Dans ces conditions, le Tchad est la destination la plus probable, encore que le pays abrite déjà une base française, comme d’ailleurs le Sénégal et la Côte-d’Ivoire.

Dans tous les cas, on assiste à la débâclede la France au Sahel, et débâcle est un bien faible mot pour désigner cette série de reculades.

Les nouvelles autorités de Niamey peuvent dès lors se frotter les mains. Comme je l’ai déjà dit ici, les régimes militaires ne sont pas plus efficaces que les régimes civils sans vision et sans idéologie. AbdourahmanTchianifera-t-il exception à la règle ? Je le souhaite vivement, pour que le Niger retrouve la stabilité et la prospérité qu’il mérite après tant de décennies de pauvreté, d’instabilité  et d’insécurité.

Quant à Patrice Talon, il faut se demander comment il pourra se sortir de la mauvaise passe où il s’est embourbé tout seul. Il est difficile de le conseiller en matière diplomatique et géostratégique, lui qui pense depuis toujours que les diplomates et autres spécialistes en relations internationales sont inutiles. Si la crise nigérienne ne lui a pas enseigné de s’entourer au plus tôt de conseillers diplomatiques dignes du nom, c’est qu’on ne peut plus rien pour lui.

Par Olivier ALOCHEME

Edito du 18 septembre 2023: Le déclin démocratique

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Les régimes forts sont revenus à la mode. Le vent des coups d’Etat a fait croire à beaucoup que les Africains sont désormais contre la démocratie. Il n’y a qu’à voir les manifestations monstres au profit des putschistes nigériens depuis quelques jours. Il suffit aussi de voir comment le Général Brice Oligui Nguéma est acclamé de partout par un peuple gabonais enfin libre. Et beaucoup y voient un plébiscite pour les militaires qui se saisissent des rênes du pouvoir, en plein milieu de l’expérience démocratique de leurs Etats.

Si vous faites partie de ceux qui prient pour que les putsches se multiplient en Afrique, vous risquez d’être déçu. Parce qu’ils ne sont pas des solutions nouvelles. Ni en Afrique ni dans le monde. Depuis plus de 60 ans, la plupart des Etats africains, y compris le Bénin, ont fait l’expérience des coups d’Etat. Et ces putschistes ont donné quoi ? En dehors du cas de John Jerry Rawlings qui a débouché sur un véritable changement sociétal au Ghana, tous les coups d’Etats ont plongé les Etats africains dans une spirale de pauvreté. Dans les pays d’Amérique latine, dans les années 1970-80, ils ont donné naissance aux fameuses républiques bananières, ersatz d’Etats en perdition. Certains d’entre eux continuent de trainer encore aujourd’hui les séquelles de cette période où les hommes en treillis régnaient.  

 Prenons le cas du Bénin, ex-Dahomey. Le coup d’Etat de 1972 a beau avoir mis le pays sur les rails vers la fin des années 70, il a fini par un régime autocratique  qui s’est effondré devant nous tous en 1989. Etait-ce à cause de Mathieu Kérékou qui dirigeait le régime militaire ? Tout régime politique dans lequel ne compte que la volonté d’un seul, finit par se détruire lui-même. Je m’en vais vous l’expliquer. Mais avant, prenez le temps de lire le parcours de l’ancien président du Mali, Amadou Toumani Touré (ATT). Il avait fait un coup d’Etat salutaire en 1991 pour renverser Ali Moussa Traoré. Le mot “salutaire” s’applique bien ici, si l’on sait que  le dictateur malien, lui-même militaire, cumulait à l’époque 23 ans de pouvoir. Il était parvenu au pouvoir par coup d’Etat en 1968. ATT est revenu au pouvoir en 2002, après sa retraite, quand il a été démocratiquement élu. Mais dix ans plus tard, en 2012, il sera renversé par le très sulfureux capitaine  Amadou Haya Sanogo. ATT, comme tous les autres militaires parvenus au pouvoir, a montré ses propres limites. Il a fini par être renversé, lui qui était vu en 1991 comme un demi-dieu.

En dehors donc de très rares cas, les militaires qui parviennent au pouvoir par la force des armes, installent des régimes autoritaires. Et tout pouvoir autoritaire est un danger. L’absence de démocratie obstrue le jugement de ceux qui gouvernent. Partout dans le monde, les régimes qui entrainent le progrès de leurs Etats sont des démocraties.

Oui, je vous vois venir. Le développement vertigineux de la Chine n’a été possible que grâce à un parti unique, le parti communiste chinois (PCC). Le PCC est en apparence un parti unique. A l’intérieur, il y a de multiples tendances qui manifestent une véritable démocratie interne. Mais à la différence des démocraties occidentales, le PCC a réussi à instaurer une discipline de masse. Il a intégré toute la société chinoise, les villes, les villages, les quartiers, les entreprises et toutes les élites dirigeantes. Le PCC a créé un sens de la patrie qui transcende toutes les générations, non pas à cause d’une autocratie éphémère, mais du fait d’une culture solide. Cette culture a été imposée au prix de la dictature intraitable de Mao. Il y a eu des dizaines de millions de morts à la clé.

Je me résume. Les régimes autoritaires ne sont pas viables à long terme. Ce sont des constructions éphémères qui, en Afrique, n’ont jamais réussi à générer une idéologie durable, seul gage d’un développement pour nos pays. Oui, il y a cette attirance que nous avons tous pour les dictatures éclairées. L’efficacité de ces régimes dits forts ne dure que le temps où le timonier garde encore les pieds sur terre. Si nous ne prenons que les régimes dits démocratiques du Bénin, leur efficacité commence à s’effriter au milieu du second mandat pour s’achever en médiocrité à la fin. C’est le destin de tous les pouvoirs qui durent : le temps se charge de limer leur fougue initiale. Imaginer maintenant si l’on donne à vie tous les pouvoirs à un seul individu.

Olivier ALLOCHEME

Edito du 04 septembre 2023: Le départ est proche

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Je ne vois toujours pas comment la base militaire française du Niger pourrait être maintenue. L’ambiance électrique créée par les manifestations antifrançaises de ces deux derniers jours, ne laisse pas d’autre option à l’Elysée. La logique de l’affrontement choisie par la présidence française contre les putschistes de Niamey, a été savamment exploitée par ceux-ci. Ils ont déchainé les foules sur la base militaire française de Niamey depuis quelques jours. Et si j’étais à leur place, je ne relâcherais jamais la pression jusqu’à ce que Paris cède. Hier encore, les foules étaient autour de la base. Et si le scénario catastrophe que je prévois se réalise, elles briseront tout bientôt pour faire irruption à l’intérieur. Imaginez ce qui se passerait. Imaginez le carnage. Imaginez surtout les réactions partout en Afrique et dans le monde.

La France a perdu le Sahel. Elle tient à y maintenir sa présence militaire, signe de son influence géostratégique, pour consolider les positions de ses entreprises dans la région. Mais les événements actuels dépassent toutes les prévisions. Les nouveaux régimes qui s’installent sont résolument antifrançais et le resteront tant que Paris arborera une posture d’infantilisation des Africains. Je veux me faire plus clair. Les putschs militaires, en dehors de ceux du Gabon et de Guinée, vont contribuer à fragiliser davantage des Etats déjà fragiles. Les militaires qui montent dans les salons présidentiels en délaissant le front, font partie du problème sécuritaire que nous déplorons. Si je ne prends que l’exemple du Burkina-Faso, il est clair que l’avènement d’Ibrahim Traoré n’a en rien entrainé le recul des terroristes. En dehors de la communication populiste qui se déploie, l’armée burkinabè et ses supplétifs, ne sont pas plus efficaces aujourd’hui qu’hier, lorsqu’il y avait Rock Marc Christian Kaboré. Ibrahim Traoré a beau se positionner en nouveau Sankara, ses hommes se font quotidiennement massacrer par les terroristes. Tous les jours, la terreur djihadistes sévit sur les routes, dans les villes et les campagnes burkinabè. Il en sera de même au Niger, si les militaires ne règlent pas vite les problèmes créés par leur avènement pour se consacrer au défi sécuritaire.

Cela dit, les positions sont en train de bouger. L’Union Européenne a clairement demandé à la CEDEAO qu’elle soutient, de privilégier la solution diplomatique. L’Union Africaine aussi. Le président en exercice de la CEDEAO, Bola Ahmed Tinubu, a lui aussi laissé entendre que personne ne veut d’une intervention militaire. Et comme je l’ai déjà dit, la haute hiérarchie militaire lui a fait savoir par des voies détournées, qu’elle lui fera un coup d’Etat s’il tente la solution belliqueuse voulue par Macron. Du coup, la France se retrouve isolée sur la scène, en défendant le non-sens absolu d’une intervention militaire.

L’épidémie des coups d’Etat en Afrique francophone constitue un nouveau défi pour les chefs d’Etats. Au Togo, au Cameroun et au Rwanda, les mises à la retraite d’office et les redéploiements des hauts gradés observés la semaine dernière, ne règlent le problème que de façon partielle. Le danger ne vient plus des casernes, mais des palais présidentiels. C’est-à-dire des proches parmi les plus proches. Dans ces conditions, suivre de façon moutonnière  l’option militaire prônée par la France, c’est préparer tôt ou tard l’avènement d’un putschiste dont l’alibi est tout trouvé. Regardez la manifestation monstre de Niamey samedi. Ce sont des dizaines de milliers de protestataires qui en veulent à la France. Leur déferlement quotidien basculera bientôt une fermeté aveugle de Paris qui se comporte en gendarme de l’Afrique.

Emmanuel Macron se comporte actuellement comme la grenouille qui veut péter plus haut que l’éléphant. Nous ne sommes plus au temps du pré-carré français, l’époque où tous les coups tordus étaient permis contre des masses africaines craintives, timorées et non informées. Les jeunesses africaines sont désormais informées et prêtes à l’affrontement. Vous verrez ce qui se passera dans quelques jours à Niamey si Paris continue avec son arrogance. Ces jeunesses ne veulent plus du tout d’une quelconque assistance française. Tout au plus, on acceptera ce que la France fait actuellement en Ukraine : aider les Etats en leur fournissant des armes et de l’assistance technique si nécessaire. La présence des troupes françaises en Afrique est une injure à nos Etats. Elle les empêche au surplus de développer des capacités domestiques, en instaurant une vassalisation sécuritaire qui sert aujourd’hui d’argument au Sahel.

Répétons-le : si les troupes françaises restent encore jusqu’en 2024 à Niamey, c’est qu’il y a eu négociation pour leur départ. 

Olivier ALLOCHEME

Editorial: La CEDEAO se plonge

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C’est ce que je disais la semaine dernière. L’armée nigériane a publiquement annoncé samedi qu’elle recevait des appels incessants pour renverser le président Tinubu à cause de sa volonté d’intervenir militairement au Niger. Ne soyons pas dupes. Il s’agit probablement d’une orchestration du haut commandement militaire pour menacer Tinubu de putsch au cas où il ne changerait pas de position sur le Niger. Cette fumée, pour banale qu’elle puisse paraitre, annonce le grand feu à venir. J’avais dit ici la semaine dernière qu’au cas où la CEDEAO privilégierait la solution militaire, Patrice Talon n’a qu’à se préparer à un coup d’Etat. On en voit les prémices au Nigeria.

Après le sommet de jeudi à Abuja, je suis convaincu que la désapprobation généralisée a obligé les Chefs d’Etat de la sous-région à privilégier la voie diplomatique. Le reste n’est que de l’agitation pour faire croire à la France et aux Etats-Unis que l’on s’active pour la démocratie à Niamey. Les deux pays disposent de bases militaires au Niger et tiennent à leur présence sur place pour des raisons géostratégiques. Il faut coûte que coûte contrer l’avancée russe dans le Sahel. La perte de Niamey, après la débâcle malienne, sonnerait pour la France comme le signe définitif de sa perte d’influence en Afrique. D’où un déploiement sans précédent de stratagèmes pour obliger les Chefs d’Etats de la CEDEAO à intervenir à Niamey.

Je suis même surpris de ce que j’entends sur les médias français chaque jour à propos du Niger. Ces gens sont convaincus que le salut de ce pauvre pays est de leur ressort. Les Français sont plus déterminés à réinstaller Bazoum que les Nigériens eux-mêmes. Ce qui est intéressant, c’est que l’avalanche d’enfantillages que l’on entend sur ces médias a fini par retourner l’opinion publique de nos Etats contre la France. 99% des gens que je croise, de ceux qui commentent les informations de ces mêmes médias sur les réseaux sociaux, sont désormais vent debout contre la France. Il y a un virage historique qui a lieu sous nos yeux : le rejet généralisé de la politique africaine de Paris d’abord et de Washington ensuite. Disons-le : les erreurs de ces deux Etats n’ont jamais été aussi lourdes. Dans un contexte de montée en puissance de la Russie au sahel, ces erreurs et ses fautes auront de lourdes répercussions sur l’avenir. Les médias français peuvent faire l’apologie d’une intervention militaire au Niger, ils ne réussiront pas à changer l’image prédatrice de la France désormais répandue dans les villages les plus profonds d’Afrique. La crise nigérienne a généralisé le sentiment anti-français dans toute la région. Nous sommes à l’orée d’une prise de conscience historique.  

Ce samedi, des manifestations ont eu lieu à Kano, au nord du Nigeria pour dire non à une intervention de la CEDEAO au Niger. Les manifestants dénonçaient surtout la main occidentale derrière les positions de l’institution. Et là-dessus, c’est l’une des rares fois où la CEDEAO fait l’objet d’une manifestation populaire pour la conspuer. Elle a raté une occasionessentielle pour redorer son blason. La voilà accusée de conspiration avec l’ennemi. Il n’y a pas pire déconvenue pour une institution censée défendre les intérêts d’un peuple.

Dans tous les cas, il faut être aveugle pour ne pas voir que Mohamed Bazoum ne peut plus se faire réinstaller président de la République. La voie diplomatique que tout le monde appelle, est la seule capable de lui sauver la vie. Les gens oublient vite. On oublie que c’est dans ce même Niger que Ibrahim BaréMaïnassara a été assassiné en avril 1999  alors qu’il était encore au pouvoir. Les éléments de la force en attente de la CEDEAO peuvent bien atterrir à Niamey s’il plait à la CEDEAO de n’écouter personne, de ne rien respecter, y compris ses propres textes qu’elle foule aux pieds allègrement. Mais il ne faut pas demander à la garde présidentielle ni à l’armée nigérienne de rester sourdes à la raison comme elle. Et cette raison qui relève d’une logique élémentaire m’amène à me poser une question simple : quel sera le sort de Mohamed Bazoum et de sa famille au milieu d’une intervention militaire où les militaires qui le tiennent risquent leur vie ?

Par Olivier ALOCHEME