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Le triomphe de la vérité

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Editorial: Le piège nigérien


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Si donc les forces de la CEDEAOparviennent  à libérer Mohamed Bazoum demain mardi 08 aout 2023, comment pourra-t-il  rester au pouvoir ? Avec quelle garde présidentielle compte-t-il assurer sa propre sécurité, étant entendu que l’actuelle garde présidentielle est celle-là même qui l’a renversé ? Imaginons même qu’il dissolve la garde présidentielle. Avec quelle armée pourra-t-il défendre le pays, l’armée actuelle s’étant rapidement et clairement liguée contre lui ? Il est proprement impossible de gouverner un pays avec une armée ouvertement hostile. Alors sur quelle armée pourra-t-ilcompter dans un pays engagé dans une guerre contre le terrorisme ?

Je pose toutes ces questions pour que l’on voit commentse fourvoient proprement les organisations sous-régionales désireuses de redonner le pouvoir coûte que coûte à Bazoum. Imaginons même que les armées de la sous-région aient pu rassembler les moyens pour atteindre Niamey. Il est impensable de croire que les putschistes puissent gentiment le laisser au palais présidentiel. Je serais à leur place que j’irais le cacher dans un coin bien perdu du vaste Niger. Car le Niger, c’est environ 1million 200.000 km2, c’est-à-dire dix fois plus grand que le Bénin. Aucune opération militaire ne peut réussir à exfiltrer un Chef d’Etat déchu ayant contre lui sa garde présidentielle et son armée.

Attention ! Je ne suis pas en train de dire que le coup d’Etat contre Bazoum est une bonne chose. Les putschs militaires sont des facteurs de déstabilisation des pays africains. J’ai été contre les prises de pouvoir successives au Mali, au Burkina comme en Guinée. Ce qui se passe aujourd’hui, tout au moins au Mali et au Burkina-Faso me donne raison. L’armée disait pouvoir résoudre le problème du terrorisme rapidement. Elle a simplement réussi à aggraver ses propres errements. L’un des signes évidents de la dégradation de la situation sécuritaire au Burkina, c’est le débordement qui a lieu actuellement vers le Bénin et le Togo. Et ce débordementn’aurait jamais eu lieu si les militaires au pouvoir à Ouagadougou, avaient réussi à arrêter l’avancée des terroristes comme ils l’ont promis. Ils ne l’ont pas réussi au Burkina, pas plus qu’ils ne l’ont fait au Mali. Ce n’est pas dans un changement de régime que réside la solution à une crise sécuritaire. Mais dans une meilleure maitrise du territoire, un équipement conséquent des forces de défense et de sécurité et une plus grande coopération transfrontalière.

Ce qui est évident dans le cas nigérien, c’est que la CEDEAO est allée trop vite en besogne en menaçant d’une intervention militaire. Celle-ci n’a jamais réussi en Afrique de l’Ouest à rétablir un président déchu. Son échec en Guinée, au Mali et au Burkinadevrait l’obliger au respect de ses propres textes qui prévoient une réponse graduelle aux crises de ce genre. Il est vrai qu’en l’espèce, le putsch nigérien est le sixième réussi dans la sous-région depuis août 2020 : au Mali (août 2020, mai 2021), en Guinée (septembre 2021) et au Burkina-Faso (Janvier et fin septembre 2022). Les chefs d’Etats de la sous-région ont raison de craindre une contagion. A ce rythme, personne ne sait le prochain sur la liste. Dans un contexte où les défis sécuritaires s’accumulent, les militaires ont beau jeu d’en prendre prétexte pour renverser qui ils veulent.

Mais regardons les choses en face. Est-ce que le Bénin a les moyens de faire une guerre au Niger ? Non. Ni le Togo, le Sénégal, la Côte-d’Ivoire ou le Ghana. Au Nigeria, les sénateurs ont déjà dit non. Depuis 2009, le pays fait face à BokoHaram, en plus des autres groupes armés qui écument le territoire. Le Nigeria est la définition d’un Etat failli.

Si elle tient vraiment à une interventionmilitaire, il est fort probable que la CEDEAO ait recours à la France ou aux Etats-Unis qui ont des bases militaires dans le pays. Le schéma libyen va se répéter. Sauf que cette fois, le groupe Wagner est en embuscade dans le sahel. La Russie ne ratera pas cette occasion pour montrer sa proximité avec le peuple nigérien. Plus que jamais, le sahel sera en proie à des forces de déstabilisation. Surtout qu’en l’espèce, la France ne veut pas perdre le Niger. Pour l’ancienne métropole, perdre le Niger, c’est perdre la face. Et l’on voit pourquoi elle s’active en poussant la CEDEAO dans le piège.

Non, la solution à la crise nigérienne est tout sauf militaire. Et elle n’est certainement pas dans le retour au pouvoir de Bazoum.

Par Olivier ALOCHEME

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