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Le triomphe de la vérité

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Edito du 10 juillet 2023: De la diplomatie économique


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Ahmed Bola Tinubu a été élu hier président de la conférence des chefs d’Etats de la CEDEAO. Aussitôt arrivé aussitôt positionné, devrait-on dire. Le président nigérian qui vient de faire à peine un mois au pouvoir arrive ainsi au sommet de la diplomatie ouest-africaine, devant ses pairs plus anciens dans le job. Il est vrai que le Nigeria reste la Nigeria.

Ce qui est intéressant dans ce rapide  positionnement, c’est qu’il intervient au moment où le Bénin prône une certaine diplomatie économique. C’est-à-dire que le chef de l’Etat estime que la diplomatie ne vaut pas grand-chose si elle ne contribue pas à faire entrer des investissements dans le pays. Il n’y a pas meilleure critique à cette option que ce qui s’est passé hier à Bissau, à savoir que le cœur de l’action diplomatique n’est pas le dividende économique qu’elle apporte mais l’influence qu’elle permet à un pays d’avoir sur le plan régional, sous-régional ou international pour servir ses intérêts. Et les intérêts dont il s’agit ici ne sont pas forcément économiques. Ils sont généralement politiques. De sorte même que lorsqu’un Etat ne poursuit que des intérêts économiques dans son action diplomatique, il se rend simplement compte que la première diplomatie consiste à améliorer l’influence du pays pour sublimer les autres axes de développement du pays.

Il y a quelques années, j’ai été invité à diner avec l’ambassadeur de France, dans l’un des restaurants français de la ville. L’objectif du diplomate était simplement de vendre l’image de son pays à travers l’excellence de la gastronomie française. C’était une idée de Laurent Fabius, actuel président du conseil constitutionnel, mais à l’époque ministre français des affaires étrangères. Depuis lors, il se tient en septembre de chaque année la fête de la gastronomie française, fête qui est célébrée partout où il y a des restaurants ou des hôtels français à travers le monde. L’idée est de partir du patrimoine immatériel que constitue la gastronomie  pour développer l’influence française. Bien sûr, il y a des arrière-pensées économiques et surtout stratégiques derrière cette célébration culinaire.

Sur un tout autre registre, mais toujours dans la même veine du passage en douceur, il y a le Rwanda.   Après avoir passé son temps à attaquer la France, le pays a réussi à s’imposer non seulement à la tête de la Francophonie mais aussi du Commonwealth. C’est une prouesse diplomatique qui ne provient nullement de la force économique du pays, mais surtout de la soft power qu’il a déployée pour se faire entendre au plan international. Question : quelle résonnance ces succès diplomatiques pourront-ils avoir sur l’économie rwandaise ? Même si on ne peut répondre directement à cette question, calculatrice en main, il est évident que la visibilité que le pays acquiert par ce biais, vaut de l’or. Le président rwandais a même poussé le bouchon plus loin en faisant la promotion de son pays, à travers  de la publicité dans les clubs Arsenal de la Premier League et PSG de la Ligue 1 française. Il s’agit d’une diplomatie d’influence qui ainsi nourrit les ambitions touristiques et donc économiques du pays. Mais la première démarche est d’abord politique.

On ne saurait exiger d’un ministre des affaires étrangères de délaisser son rôle d’influence au profit du business, ce business fût-il au service du pays. Il y a un télescopage qui s’opère immédiatement lorsque la diplomatie se fait mercantile. Dans la plupart des institutions internationales, vous rencontrez à des postes clés des sénégalais, des camerounais ou des ivoiriens. Non pas parce qu’ils sont toujours les meilleurs, mais parce que depuis longtemps leurs pays ont compris comment propulser leurs citoyens dans ces instances pour peser dans les décisions qu’elles prennent. C’est une action stratégique et même tactique à maints égards.

Je ne suis pas en train de dire que la diplomatie économique est inutile. Au contraire, elle est nécessaire. Mais je veux dire qu’on ne devrait pas la mener au détriment de la diplomatie véritable qui est d’abord politique. A vouloir trop tirer sur la corde du business, le Bénin risque de n’avoir aucun mot à dire dans le concert des nations. Et rester invisible au plan régional, sous-régional ou international, c’est ne pas exister du tout.

Olivier ALLOCHEME

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