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Le triomphe de la vérité

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Editorial: Dire non à la France


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Les Béninois ont commencé à fuir le Niger. Menacés sur place par la population, ils paient le prix des déclarations du chef de l’Etat qui disait que la CEDEAO allait user de tous les moyens pour rétablir l’ordre constitutionnel. Et précisément, il y a au Niger actuellement une véritable révolte populaire contre la CEDEAO et la France.

Les putschistes ont clairement réussi à avoir le peuple de leur côté. Dans ce genre d’exercice, il ne sert à rien de faire comme si la démocratie était plus importante que la paix. Malgré nos appels à la démocratie, le peuple nigérien soutient les putschistes. Où est notre problème ?

La position défendue par Patrice Talon était non seulement précipitée mais aussi et surtout dangereuse. Précipitée parce que la CEDEAO n’avait pas encore eu le temps d’amorcer l’action diplomatique avant de prononcer la sentence finale : l’intervention militaire. Comme je l’ai déjà dit ici lundi, il est impossible de réussir une quelconque exfiltration encore moins une réinstauration de Mohamed Bazoum au pouvoir. La seule négociation à faire, c’est sa libération. Il a perdu et sa garde présidentielle et son armée. Il n’y a même pas eu un seul coup de feu tiré par la gendarmerie ou la police pour ne serait-ce que faire semblant de le défendre un peu. Comment peut-on réinstaller un tel homme au pouvoir ? Je le rappelle encore : personne n’est favorable aux coups d’Etat. Dans leur nouvelle constitution adoptée il y a quelques jours, même les putschistes maliens ont pris soin de criminaliser les coups d’Etat, en précisant qu’il s’agit d’un crime imprescriptible. Dans tous les cas, il ne faut pas infantiliser tout un peuple. Les Nigériens sont les seuls à pouvoir trouver les ressources du dialogue et de la réconciliation pour gérer leurs crises. Ni la CEDEAO, ni l’UA encore moins l’ONU ne sont capables de leur imposer des choix politiques engageant leur avenir. Il s’agit pour ces organismes de jouer les bons offices pour que ces solutions soient pacifiques et répondent aux aspirations profondes des populations.

Je disais que la position du Chef de l’Etat est aussi dangereuse. Dangereuse pour lui-même. Envoyer des soldats béninois faire la guerre au Niger, c’est risquer un coup d’Etat à Cotonou. Pour une raison simple. Les opinions publiques sont partout opposées à l’idée d’une intervention militaire à Niamey. Et les militaires béninois sont encore plus engagés dans cette opposition que les civils. Les envoyer combattre contre leur gré, c’est préparer le terrain d’abord pour l’échec et ensuite pour une révolte. Ahmed Bola Tinubu a vu venir le danger en sollicitant l’avis du sénat nigérian. Et la réponse des sénateurs est allée dans le sens de l’opinion publique. Le pire pour le Bénin, c’est que nos deux armées sont engagées dans des opérations conjointes de sécurisation de nos frontières. Si vous demandez à des gens habitués à travailler ensemble de commencer à s’entretuer, ce n’est pas sur eux-mêmes qu’ils tireront, mais sur vous !

Cette position est aussi dangereuse parce que toute intervention militaire expose la région déjà fragile à un risque d’embrasement. Le Niger a été relativement épargné ces dernières années par le terrorisme, quand on le compare avec le Burkina-Faso sur la même période. Toute escalade militaire serait suicidaire pour le Bénin.

Mais n’oublions pas non plus les relations économiques entre Cotonou et Niamey. Si l’on ne prend que le pipeline Bénin-Niger long de 687km au Bénin, il représente le plus important investissement privé jamais réalisé au Bénin depuis 1960. On parle bien de plus de 600 milliards de FCFA. Toute intervention militaire dans ce contexte, constitue une menace sur l’achèvement de ce projet. Sans compter déjà les conséquences sur le port de Cotonou. Contrairement à ce que laisse entendre France 24 depuis hier, le Port de Cotonou n’est pas désert. Ceux qui connaissent le port savent que depuis quelques années, il y a des jours où il n’y a aucun navire en rade. Mais actuellement, il y a au moins six navires qui attendent d’être déchargés. Toutefois, il est évident que l’embrasement du Niger aura des répercussions directes sur l’économie maritime béninoise.

Plus précisément, je veux dire que les Béninois menacés au Niger et qui commencent à revenir au pays, paient le prix d’une diplomatie mal réfléchie. Nous n’avons aucun intérêt à sanctionner le Niger, un pays qui a longtemps été le plus pauvre de la planète alors qu’il bénéficie de nombreuses ressources naturelles. Lorsque demain jeudi les chefs d’Etat de la CEDEAO se retrouveront, il leur appartiendra de dire non à la France qui veut coûte que coûte une guerre dans la région pour les raisons que l’on sait.                    

Par Olivier ALOCHEME

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