.
.

Le triomphe de la vérité

.

Edito du 18 septembre 2023: Le déclin démocratique


Visits: 45

Les régimes forts sont revenus à la mode. Le vent des coups d’Etat a fait croire à beaucoup que les Africains sont désormais contre la démocratie. Il n’y a qu’à voir les manifestations monstres au profit des putschistes nigériens depuis quelques jours. Il suffit aussi de voir comment le Général Brice Oligui Nguéma est acclamé de partout par un peuple gabonais enfin libre. Et beaucoup y voient un plébiscite pour les militaires qui se saisissent des rênes du pouvoir, en plein milieu de l’expérience démocratique de leurs Etats.

Si vous faites partie de ceux qui prient pour que les putsches se multiplient en Afrique, vous risquez d’être déçu. Parce qu’ils ne sont pas des solutions nouvelles. Ni en Afrique ni dans le monde. Depuis plus de 60 ans, la plupart des Etats africains, y compris le Bénin, ont fait l’expérience des coups d’Etat. Et ces putschistes ont donné quoi ? En dehors du cas de John Jerry Rawlings qui a débouché sur un véritable changement sociétal au Ghana, tous les coups d’Etats ont plongé les Etats africains dans une spirale de pauvreté. Dans les pays d’Amérique latine, dans les années 1970-80, ils ont donné naissance aux fameuses républiques bananières, ersatz d’Etats en perdition. Certains d’entre eux continuent de trainer encore aujourd’hui les séquelles de cette période où les hommes en treillis régnaient.  

 Prenons le cas du Bénin, ex-Dahomey. Le coup d’Etat de 1972 a beau avoir mis le pays sur les rails vers la fin des années 70, il a fini par un régime autocratique  qui s’est effondré devant nous tous en 1989. Etait-ce à cause de Mathieu Kérékou qui dirigeait le régime militaire ? Tout régime politique dans lequel ne compte que la volonté d’un seul, finit par se détruire lui-même. Je m’en vais vous l’expliquer. Mais avant, prenez le temps de lire le parcours de l’ancien président du Mali, Amadou Toumani Touré (ATT). Il avait fait un coup d’Etat salutaire en 1991 pour renverser Ali Moussa Traoré. Le mot “salutaire” s’applique bien ici, si l’on sait que  le dictateur malien, lui-même militaire, cumulait à l’époque 23 ans de pouvoir. Il était parvenu au pouvoir par coup d’Etat en 1968. ATT est revenu au pouvoir en 2002, après sa retraite, quand il a été démocratiquement élu. Mais dix ans plus tard, en 2012, il sera renversé par le très sulfureux capitaine  Amadou Haya Sanogo. ATT, comme tous les autres militaires parvenus au pouvoir, a montré ses propres limites. Il a fini par être renversé, lui qui était vu en 1991 comme un demi-dieu.

En dehors donc de très rares cas, les militaires qui parviennent au pouvoir par la force des armes, installent des régimes autoritaires. Et tout pouvoir autoritaire est un danger. L’absence de démocratie obstrue le jugement de ceux qui gouvernent. Partout dans le monde, les régimes qui entrainent le progrès de leurs Etats sont des démocraties.

Oui, je vous vois venir. Le développement vertigineux de la Chine n’a été possible que grâce à un parti unique, le parti communiste chinois (PCC). Le PCC est en apparence un parti unique. A l’intérieur, il y a de multiples tendances qui manifestent une véritable démocratie interne. Mais à la différence des démocraties occidentales, le PCC a réussi à instaurer une discipline de masse. Il a intégré toute la société chinoise, les villes, les villages, les quartiers, les entreprises et toutes les élites dirigeantes. Le PCC a créé un sens de la patrie qui transcende toutes les générations, non pas à cause d’une autocratie éphémère, mais du fait d’une culture solide. Cette culture a été imposée au prix de la dictature intraitable de Mao. Il y a eu des dizaines de millions de morts à la clé.

Je me résume. Les régimes autoritaires ne sont pas viables à long terme. Ce sont des constructions éphémères qui, en Afrique, n’ont jamais réussi à générer une idéologie durable, seul gage d’un développement pour nos pays. Oui, il y a cette attirance que nous avons tous pour les dictatures éclairées. L’efficacité de ces régimes dits forts ne dure que le temps où le timonier garde encore les pieds sur terre. Si nous ne prenons que les régimes dits démocratiques du Bénin, leur efficacité commence à s’effriter au milieu du second mandat pour s’achever en médiocrité à la fin. C’est le destin de tous les pouvoirs qui durent : le temps se charge de limer leur fougue initiale. Imaginer maintenant si l’on donne à vie tous les pouvoirs à un seul individu.

Olivier ALLOCHEME

Reviews

  • Total Score 0%



Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

You cannot copy content of this page