DR RAOUL GLESSOUGBE, CADRE DU PARTI LES DÉMOCRATES, INVITÉ DE « SOUS L’ARBRE À PALABRE »: «Président Patrice Talon ne peut pas être le seul redresseur de torts au Bénin »

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Dr Raoul GLESSOUGBE du parti LD

Invité pour une seconde fois de la rubrique «Sous l’arbre à Palabre» de l’Evènement Précis, Dr Raoul Glessougbé, juriste- consultant, expert Cedeao en gouvernance et Démocratie, a réagi sans langue de bois, sur de grands sujets d’actualité, dont le code électoral modifié qui défraye toujours la polémique. Cadre du parti de l’opposition, Les Démocrates, l’invité a démontré de long en large le caractère «exclusif» des modifications apportées dans ce code. A propos de la gouvernance du chef de l’Etat depuis 2016 qu’il est au pouvoir, il n’a pas caché non plus son amertume, estimant que « Le Président Patrice Talon ne peut pas être le seul redresseur de torts au Bénin ». Le seul élément que le Dr Raoul Glessougbé relève de positif du bilan qu’il dresse sur la gestion de Patrice Talon est la prouesse réalisée en ce qui concerne la digitalisation de la demande et du retrait des pièces administratives ainsi que tout autre service en la matière. Lisez plutôt.

Dr Raoul GLESSOUGBE du parti LD, Invité de « Sous l’arbre à Palabre »

Le code électoral a été modifié à l’Assemblée nationale. Quelles appréciations faites-vous des nouvelles dispositions apportées ?

Je pense qu’on ne peut pas isoler le vote de ce code des aspirations du président de la République, en ce qui concerne  la réforme du système partisan que nous subissons depuis 2019. Vous savez, le président Patrice Talon ne peut pas être le seul redresseur de torts au Bénin. Tout ce que notre pays a connu comme déviances ou traversdepuis les indépendances à ce jour, il ne peut pas être seul à les corriger. Il a beau être intelligent, voire un génie, il demeure  une personne humaine avec ses insuffisances, ses faiblesses et ses passions. Sa seule volonté ne peut pas toujours être érigée en loi. C’est pourquoi, il lui importe d’associer tous les acteurs de la vie publique pour s’assurer qu’il est en phase avec son peuplepour ne pas donner l’impression qu’il prêche dans le désert ou qu’il gouverne par voie dictatoriale à l’ombre de la loi. C’est vrai, nous avons connu des errements dans notre processus démocratique. Des errements critiques, de sorte que tout le monde était d’accord qu’il faut aller à une table de discussion pour engager des réformes. On a connu une période où on avait une multitude de partis politiques. Même si la charte des partis politiques qui date d’avant Patrice Talon avait bien prescrit que si vous ne participez pas à deux élections consécutives après votre récépissé, le ministère de l’intérieur devrait vous extirper de la liste des partis politiques. Même la question du financement des partis politiques était réglée. Ça date d’avant lui, mais il était question de mettre en œuvre ces dispositions de la charte des partis politiques pour assainir l’échiquier. Ce qui n’a jamais été fait avant son accession au pouvoir. Le code électoral tel que voté donne la confirmation si besoin en était, que la réforme du système partisan voulue par le régime du Président TALON vise un seul objectif : exclure par tous les moyens ceux qui peuvent valablement se prévaloir  à la compétition  politique pour se donner les coudées franches afin de faire un troisième mandat par soi-même ou un troisième mandat par procuration (le Président YAYI BONI appelle ça troisième mandat déguisé) !

Mais, concrètement, qu’est-ce que vous reprochez à ce code ?

Ce que je reproche à ce code personnellement  n’est pas le plus important. Ce qui est important, c’est ce à quoi aspire la classe politique toutes tendances confondues. On ne peut pas avoir un code électoral adopté par une partie de la classe politique contre l’autre partie. Le code doit être adopté dans une approche consensuelle. La constitution de notre pays et les lois électorales doivent être adoptées de la façon la plus consensuelle possible surtout que nous savons que la loi électorale est faite pour servir les élections auxquelles prendront part les différents partis politiques de l’opposition comme de la majorité présidentielle. C’est à croire que nous allons à un match de foot ball et nous laissons une seule équipe définir les règles du jeu qu’elle confie à l’arbitre pour appliquer. Si vous suivez bien la trajectoire de ce code, vous allez atterrir à des élections présidentielles en 2026 sans l’opposition comme ce fut le cas en 2021. Ce qui est néfaste pour la démocratie. C’est très bien planifié. Quel parti peut avoir 20 pour cent dans toutes les circonscriptions électorales au Bénin dans le contexte actuel ? Aucun des partis qui sont actuellement au parlement n’a pu obtenir aux dernières élections législatives du 08 janvier 2023,  20 pour cent dans toutes les 24 circonscriptions électorales. Pourquoi traduire alors dans une loi ce qui est déjà impossible dans les faits ?

De janvier 2026 date des élections législatives et communales à avril 2026 date des élections présidentielles, il aura un grand bouleversement politique à la surprise même de ceux qui ont voté ce code et qui n’ont aucune idée de l’agenda politique qui s’y est caché.

Depuis qu’on a voté ce code, est-ce que vous avez vu un peu l’atmosphère dans le pays? Est-ce que vous avez suivi les uns et les autres ?

Comment est l’atmosphère ?

L’atmosphère est morose. Elle est critique. Toutes les composantes du pays ont donné l’alerte et appelé au consensus.

Nous n’avons vu aucune manifestation 

Il ne faut pas attendre de voir les manifestations avant d’écouter son peuple, sinon que cela risque d’être trop tard !  Approchez-vous des gens et écoutez-les. Vous devez vous dire qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans le pays. Ce régime est récidiviste en matière d’exclusion politique parce qu’il est conscient de son impopularité. Et toute tentative d’exclusion politique entraine des frustrations. De frustrations en frustrations, le Bénin risque de vivre des situations cauchemardesques que personne ne souhaite. Les séquelles des crises électorales de 2019, de 2020 et de 2021 sont encore vivaces dans notre mémoire collective.

Plusieurs pays dans notre sous-région ont connu des crises mortifères à cause de l’exclusion politique. Que ce soit en Côte d’Ivoire, au Togo et plus récemment ai Sénégal qui n’est pas encore sorti du tunnel.  Donc, ce qui importe, ce n’est pas ce que chacun de nous veut. Ce qui importe, c’est que nous devons nous asseoir pour définir ce quiest recommandable pour notre pays en termes de texte électoral pour avoir des élections crédibles, pacifiques, transparentes, gage de la stabilité et de la paix.

Est-ce que vous avez l’impression que le vote de ce code est une revanche de la mouvance contre le refus de la révision de la constitution ?

Bien sûr que j’ai cette impression. Au lendemain de l’échec de la révision de la constitution, vos confrères de l’ORTB m’avaient interviewé sur la question. J’avais partagé une fierté avec eux. La fierté d’appartenir à un pays où la démocratie qui était presque en agonie, à commencer par retrouver sa bannière de noblesse. Mais, j’ai prévenu que nous devons faire attention parce que la facture de l’échec de la révision de la constitution va être salée pour l’opposition en ce qui concerne la relecture du code électoral. Et ça n’a pas raté. Donc, c’est effectivement une façon pour la majorité parlementaire de se venger de l’échec de la révision de la constitution que de voter le code électoral de cette manière-là. Mais, est-ce que la République va être un cycle infernal de vengeance ?

Mais, vous avez gagné au premier tour et ils ont gagné au second tour.

Ecoutez, est-ce que c’est un camp qui gagne contre un autre ou bien nous devons nous comporter de sorte que tous les camps gagnent ensemble pour la grandeur de notre démocratie? Là où il est utile de gagner dans un système démocratique c’est dans les urnes. Mais pour qu’il en soit ainsi, il faut des règles justes et équitables.

Vous aviez gagné et vous aviez célébré la victoire. 

On a gagné quoi ?On a célébré quoi ?

Le rejet de la constitution.

Le rejet de la révision de la constitution est en définitive un gain pour tout le peuple y compris le premier d’entre nous et ses soutiens.

 J’ai même dit sur l’ORTB que si le vote était secret, la surprise aurait été plus grande pour l’échec de la révision de la constitution. Il est sans doute pertinent de relire notre constitution dans une approche consensuelle et non en catimini comme ce fut le cas en 2019. Je suis de ceux qui croient que nous n’avons pas une constitution au service du développement. Mais le régime qui nous dirige engage toujours des réformes suspectes sur fond d’exclusion, de sorte à douter de l’objectivité de son option. Le Chef de l’Etat pense que tout seul il peut conduire la destinée du peuple sans tenir compte des autres composantes de la société. Ce qui n’est pas vrai dans un système démocratique même si lui, il est le premier d’entre nous, le leader qui doit donner les bonnes orientations en bon père de famille. Pour autant, il n’a pas la science infuse. Il ne réalise pas encore que, quel que soit ce qu’il fera de bien pour ce pays il passera derrière les rideaux parce que les grands hommes sont passés derrière les rideauxà un moment donné. C’est pourquoi il faut qu’il donne la main aux uns et aux autres pour finir son mandat dans la grandeur et la paix.

La Cour constitutionnelle a validé le code dans toutes ses dispositions qu’en dites-vous ?

LE PRESIDENT PATRICE TALON NE PEUT PAS ETRE LE SEUL REDRESSEUR DE TORTS AU BENIN. Il  ne réalise pas encore que, quel que soit ce qu’il fera de bien pour ce pays il passera derrière les rideaux parce que les grands hommes sont passés derrière les rideaux à un moment donné. C’est pourquoi il faut qu’il donne la main aux uns et aux autres pour finir son mandat dans la grandeur et la paix.Si vous suivez bien la trajectoire de ce code, vous allez atterrir à des élections présidentielles en 2026 sans l’opposition comme ce fut le cas en 2021.Ce qui est néfaste pour la démocratie.Aucun des partis qui sont actuellement au parlement n’a pu obtenir aux dernières élections législatives,  20 pour cent dans toutes les 24 circonscriptions électorales. Pourquoi traduire alors dans une loi ce qui est déjà impossible dans les faits ?Toutes les fois que ce régime  n’est pas sûr de gagner les élections à travers les urnes, il met en place des mécanismes pour les usurper avec des lois injustes d’exclusion. C’est de l’imposture. En définitive, ce régime manque d’élégance démocratique !Je ne dirai pas que ce gouvernement n’a rien fait ou ne fait rien.  Gouverner un pays n’est pas chose facile. Pour autant je mesure et salue les efforts de gouvernance, pour autant je regrette et dénonce la violation des principes démocratiques.En tout état de cause, sur le chemin de compromission des principes démocratiques ou d’actes attentatoires aux droits de l’Homme, il se trouvera toujours des citoyens pour s’insurger quoi que cela coûte. C’est pourquoi, il est toujours recommandé dans les démocraties fragiles de privilégier le compromis politique, le consensus national dans certains contextes plutôt que de se prévaloir d’une majorité mécanique au parlement.

Avec ce code voté, le parti Les Démocrates craint-il de ne pas décrocher un grand nombre de sièges aux prochaines élections du fait de l’élévation du seuil de partage des sièges qui passe de 10% à 20%?

Lorsque vous posez la question de cette façon, vous allez faire croire que les convictions du parti Les Démocrates ne tiennent compte que des intérêts du parti Les Démocrates. Ça n’est pas vrai. Je ne sais pas si vous avez l’occasion de suivre le président du groupe parlementaire Les Démocrates, l’honorable NourénouAtchadé. Il l’a dit et ça a été publié. La position du parti, c’est de ramener le pourcentage électoral d’attribution de sièges à 5% pour permettre aux autres partis d’avoir aussi des représentants. 10, 15, même 20%, le parti Les Démocrates les aura. Et les autres partis ? Nous avons opté à la conférence nationale pour un multipartisme intégral. Tout ce qui va empêcher cet acquis est un mépris pour la démocratie. Je suis d’accord pour le renforcement des partis politiques mais cela n’équivaut pas à l’exclusion des partis politiques. Il faut permettre aux gens d’aller compétir. Ils peuvent compétir et échouer. Ecoutez, depuis la conférence nationale, on dénombre plus de deux cents partis dans notre pays mais la plupart du temps, combien de partis ont eu des députés au parlement ? En moyenne c’est cinq partis ou coalitions de partis sur les plus de deux cents partis. Cela veut dire que le peuple lui-même a sa manière d’exclure les partis fantaisistes. Il ne revient pas au législateur ou à un chef d’Etat de les exclure par la loi. Il faut laisser le peuple jouer sa partition. C’est cela l’expression de la souveraineté. Toutes les fois que ce régime  n’est pas sûr de gagner les élections à travers les urnes, il met en place des mécanismes pour les usurper avec des lois injustes d’exclusion.C’est de l’imposture. En définitive, ce régime manque d’élégance démocratique !

Que pensez-vous des 15% du collège électoral pour le parrainage ?

Oui on est passé de 10 à 15%, l’objectif c’est quoi ? C’est d’exclure !

 Ailleurs,  les citoyens inscrits sur une liste électorale peuvent parrainer. Au Togo, une liste de 2000 citoyens inscrits sur la liste électorale peut parrainer des candidatures indépendantes à l’élection présidentielle. C’est pareil au Sénégal. Patrice Talon a été candidat en 2016 sans avoir un seul élu reconnu ou estampillé en son nom sauf ceux qui auraient transhumé à son profit. Si cette disposition existait, est-ce qu’il aurait été candidat à l’élection de 2016 jusqu’à la remporter? Mais lorsqu’on a gagné de cette manière une élection, quand on vient, on renforce le dispositif.  Personne n’espérait son élection en 2016 face au candidat du présidentYayi Boni en exercice du pouvoir alors que les deux ne s’accordaient plus. Mais l’environnement politico-institutionnel était fiable au point où lui il a quitté l’exil à six mois des élections présidentielles et a pu les remporter. Cela veut dire que la démocratie n’était pas si mauvaise au temps des autres régimes. C’est le régime actuel qui a rendu l’environnement politique de notre pays délétère au grand dam de ceux qui ne partagent pas la même vision que le Président Patrice TALON et qui du reste ont le droit d’avoir des opinions qui le contrarient.

Selon la mouvance présidentielle, toutes ces dispositions sont de nature à renforcer l’unité nationale. Avez-vous la même impression ?

On peut leur donner raison parce qu’ils ont tout fait pour exclure tout le monde tout le temps pour couvrir seul le territoire national. A vaincre sans péril on triomphe sans gloire. EN 2019, l’UP-R et le BR étaient les seuls partis politiques candidats aux élections législatives. En 2020, ils étaient  les seuls auxquels on a ajouté FCBE, UDBN, PRD, MOELLE BENIN pour aller aux élections communales. Quand vous faites comme cela, et que vous vous moquez du taux de participation, vous allez croire que vous couvrez tout le territoire national. Quand Les Démocrates ont été aux élections passées, vous avez vu ce qui s’est passé. C’est un rêve de dire que chaque parti pourrait avoir 20%  de l’électorat dans chaque circonscription pour prétendre être un parti d’envergure nationale. Mais je pense que sa réalisation va être difficile. Le plus important, c’est ce qui est déjà prévu pour la constitution d’un parti politique. La charte des partis politiques dispose qu’il faut au moins dix par département. C’est cela le renforcement de l’unité nationale. Je pense même qu’on peut davantage corser de sorte que les dix par département soient sélectionnés dans toutes les communes du département. C’est déjà suffisant. Le reste, il revient au peuple qui détient la souveraineté à travers les urnes de dire quel est le parti qui est représentatif dans le pays. Cela ne se décrète pas. Ce n’est pas à travers .une loi, c’est à travers les urnes.

Quelle est la disposition qui tend à l’exclusion ?

Lorsque vous dites que pour le collège électoral, il faut passer de 10 à 15%, et  que c’est les élus d’aujourd’hui qui vont parrainer les candidats de 2026, cela veut dire que tous ceux qui  n’ont pas d’élus aujourd’hui, quelles que soient leurs ambitions politiques, ils ne pourront plus être candidats en 2026. Cela s’appelle de l’exclusion !

Lorsque le code dispose qu’il faut avoir 20 pour cent dans toutes les circonscriptions électorales avant d’être attributaire de sièges, la conséquence c’est qu’un parti peut être premier au plan national au regard des suffrages qui lui sont exprimés et déclaré non attributaire de sièges. C’est exactement ce qui s’est passé contre le PRD en 2020 aux élections communales à Porto Novo où il était le premier mais à cause des 10 pour cent non obtenus au plan national, il n’a pas de conseillers qui siègent à la municipalité de Porto Novo. Quelle est cette réforme ? L’objectif c’est d’exclure l’opposition à l’élection présidentielle de 2026.

Comment se fait-il que pour les élections communales par exemple, où on discute des sièges au plan local, on demande d’avoir 20% des suffrages dans la circonscription ? Cela rime à quoi ?

La loi est votée pour l’avenir

En bon juriste vous m’apportez un argument de taille. La loi dispose pour l’avenir, elle ne devrait pas rétroagir notamment en ce qui concerne les lois pénales de fond plus sévères, même si la question de rétroactivité de la loi a évolué en Allemagne et en France où la cour constitutionnelle et le conseil constitutionnel admettent que des lois non pénales pourraient rétroagir pour des motifs d’intérêt général. En l’espèce, chacun pourra apprécier si cette loi électorale qui devrait  disposer pour l’avenir et qui a pour prérequis ce qui s’est passé en 2020 (les Maires) et en 2023 (les députés) est d’intérêt général alors qu’elle met en œuvre l’exclusion d’une bonne partie de la classe politique. Au demeurant, qu’est-ce que la cour constitutionnelle a demandé de faire pour le cas d’espèce ? D’une part la correction d’une erreur matérielle entre l’article 49 dernier alinéa de la constitution qui dispose qu’en cas d’annulation, il est procédé à un nouveau tour de scrutin dans les 14  jours et l’article 142 de la loi électorale qui disposequ’en cas d’annulation, il est procédé à un nouveau tour de scrutin dans les cinq jours sans que personne n’est vu cette incohérence du bas jusqu’au sommet de la pyramide de la cour constitutionnelle qui a déclaré ce code électoral conforme à la constitution. D’autre part, la cour demande d’assurer l’égalité de parrainage des Maires pour l’élection présidentielle de 2026. L’assemblée nationale est-elle autorisée à statuer ultra petita en se référant à ce que la cour a demandé de faire ? La réponse est évidemment non.

Quand on dit qu’un élu ne peut que parrainer le candidat de son parti, c’est aussi une exclusion ?

Cette mesure permet d’éviter les transhumances politiques. Mais pour qu’il en soit ainsi, il faut permettre que tous les partis aient la possibilité d’avoir d’élu. Vous n’allez pas enfermer les partis qui ont déjà des élus aujourd’hui dans une case pour demander aux autres qui n’en ont pas d’attendre le prochain tour. Ce n’est pas politiquement correct. Mieux, le parrainage des députés et Maires n’est pas le seul régime de parrainage politique.

Le président NourénouAtchadé dans sa proposition a demandé la suppression du parrainage. N’est-ce pas une manière de ramener le désordre qui existait avant?

Le Président NourénouAtchadé n’a pas demandé la suppression du parrainage par rapport au parti Les Démocrates. Il y a des ambitions qui peuvent naître chez des gens qui n’ont pas d’élus aujourd’hui. Comment régler leur cas ?Ne perdez pas aussi de vue que la constitution de notre pays prescrit l’égalité de droits pour tous les citoyens.

 Comme je le disais plus haut, ailleurs dans d’autres pays, vous pouvez être parrainé par un certain nombre d’élus. Mais lorsque vous n’avez pas d’élus, on vous donne la possibilité d’avoir des électeurs qui vous parrainent au regard de la liste électorale. Donc, le parrainage par les élus n’est pas le seul mode de parrainage dans une démocratie. Il ne faut pas dire que ce sont les élus seuls qui peuvent parrainer. Je suis en phase avec NourénouAtchadé, le président du groupe parlementaire LD. Le parrainage peut se faire en dehors des élus, parles électeurs inscrits sur la liste électorale… Il y a plusieurs paramètres qu’on pouvait mettre en place pour le parrainage pour que les gens qui ont l’ambition de diriger ce pays puissent avoir la possibilité d’être candidats.

Le parti Les Démocrates comme les autres formations politiques a encore deux ans devant lui pour bien préparer le terrain et affronter les prochaines élections avec ce code modifié. Ne vaudrait-il pas mieux pour ses membres d’engager le combat dans ce sens que de continuer à dénoncer cette loi électorale qui s’impose à tous désormais ?

Pensez-vous que le parti Les Démocrates ne travaille pas assez sur le terrain ? Si vous travaillez et que vous ne veillez pas au dispositif légal, tout le travail que vous auriez fait sera annihilé le moment venu par des lois scélérates. C’est cela qui a été fait en 2021 où l’opposition n’a pas pu avoir de candidat alors qu’un travail de mobilisation se faisait depuis 2018. Puisque le dispositif légal ne permettait pas à l’opposition d’avoir de candidat aux élections présidentielles de 2021, elle n’a pas pu avoir de candidat. La conséquence est que plusieurs de nos compatriotes croupissent en prison.Aujourd’hui la bataille de terrain est effective. Si elle n’avait pas été faite, le parti n’allait pas avoir les 28 députés qu’on lui a attribués. Moi j’ai été candidat dans la 23ème Circonscription électorale. Le parti a enlevé un siège. Je sais tout ce qui s’est passé. Si la mobilisation n’avait pas été au top, nous ne pouvions pas aller à une première élection alors qu’il y a les deux partis qui tenaient l’arène politique depuis 2019 et obtenir ce résultat.

Déjà 8 ans de gouvernance du président Patrice Talon. Quel bilan faites-vous?

Le bilan pour moi depuis 2016, c’est le déguerpissement des abords des routes des couches vulnérables qui sont mises en détresse. Certains compatriotes sont passés de vie à trépas pour cette action regrettable de déguerpissement. Je connais une dame qui avait son restaurant au carrefour 3 banques. Elle avait fait un prêt pour construire ce restaurant. Et moins de 3 mois après, sans préavis, on est venu déguerpir son maquis. Les gens l’ont appelée pour venir voir ce qui se passe. Dès qu’elle est venue, elle est tombée en syncope et mort s’en est suivie. Cette situation aurait pu dégénérer. La révolution Tunisienne a commencé le 17 décembre 2010, par l’immolation par le feu de Mohamed Bouazizi vendeur de fruits et légumes dont la marchandise a été confisquée par la police. L’invasion de Veracruz au Mexique par la France a commencé par Louis Philippe suite à l’injustice subie par un pâtissier français dont la pâtisserie a été détruite sans réparation par une escouade militaire du Mexique dont les soldats ont profité pour piquer plein de ses gâteaux. C’est vous dire que c’est de petites injustices qui engendrent de grandes échauffourées.

Le bilan de ce régime, ce sont les acquis au plan médical qui ont été sapés. Vous savez, les cas de dialysés dans les centres publics de santé qui depuis le régime du président Mathieu Kérékou étaient pris totalement en charge par l’État. Mais depuis l’arrivée de ce régime, les dialysés ne bénéficient plus de l’accompagnement de l’État. Tous les jours on dénombre des cas de décès dans le rang des dialysés qui n’ont pas les moyens et qui ne sont pas agents permanents de l’Etat qui eux, sont pris en charge. Les agents permanents sont combien dans le pays? Le reste des citoyens ont-ils cessé d’être Béninois parce qu’ils ne sont pas agents permanents de l’État ?Le bilan de ce régime c’est la persécution sans cesse des compatriotes pour le port de casque, l’expropriation au mépris des normes. Le bilan c’est des citoyens qui peuvent la veille rentrer chez eux comme agents de l’Etat en activité et sans préavis, se lever le lendemain matin comme retraités. Le bilan de ce régime c’est la détresse des producteurs agricoles qui ne savent plus où se donner la tête.

Le bilan c’est la caporalisation de toutes les institutions de la République sans aucun compromis en violation de tous les principes démocratiques !

Bref le bilan du régime actuel est critique et ne devrait laisser personne dans l’indifférence.

Pourquoi vous ne relevez que les choses qui n’ont pas marché ? Voulez-vous nous dire que rien de positif n’existe dans le bilan du Gouvernement du président Patrice Talon ?

J’ai l’avantage de répondre aux questions que vous me posez. Alors, laissez-moi dire le bilan que moi je fais de la gouvernance actuelle de notre pays.

On ne peut pas faire des omelettes sans casser des œufs. On a de belles routes.

Donc pour construire des routes, il faut ce bilan-là ?  On  nous vante des routes comme si les gouvernements qui se sont succédé n’ont pas fait de route dans ce pays. Chaque gouvernement fait ce qu’il peut pour la construction de notre pays.Mais pour les infrastructures routières, je suis tout de même surpris que le président Patrice TALON qui avait dénoncé  au début de son premier mandat, que le régime de YAYI BONI a endetté le pays à hauteur de 1200 milliards rien que pour des routes alors qu’il y a d’autres priorités, finisse aussi par faire cette option sans pouvoir justifier son choix au peuple. En conclusion, on ne réussit toujours pas à réinventer la roue dans la gestion d’un pays.

Dites-nous en toute franchise ce qui vous a marqué positivement sous Talon depuis qu’il gouverne le Bénin ?

Pour être honnête avec vous, la chose pour laquelle je suis en phase avec le régime, c’est la digitalisation. Aujourd’hui vous pouvez en ligne avoir votre casier judiciaire, votre certificat de nationalité, beaucoup de choses en ligne. Je pense pour ma part que c’est un pas en avant que de faire cette réforme. Les infrastructures routières aussi sont à saluer dans la continuité de l’administration des gouvernements qui précédent le régime actuel.

Je ne dirai pas que ce gouvernement n’a rien fait ou ne fait rien. Gouverner un pays n’est pas chose facile. Pour autant je mesure et salue les efforts de gouvernance, pour autant je regrette et dénonce la violation des principes démocratiques.

Abomey est devenu petit Paris

Vous revenez toujours sur les infrastructures routières. Apparemment c’est le trophée en matière de gouvernance du régime du président Patrice TALON. Mais il ne vous aura pas échappé que l’assainissement de la ville d’Abomey a commencé par Agence de réhabilitation de la cité historique d’Abomey (ARCHA) sous le régime de YAYI BONI, programme dont nous avons été le concepteur par le lobby que nous avions constitué à l’époque.

Mieux, les prouesses pour moi en matière de gouvernance,  c’est que les Béninois doivent avoir les trois repas par jour, avoir accès aux soins, à l’éducation. On nous a parlé du projet assurance maladie à travers ARCH, qu’est-ce que c’est devenu ? Est-ce que vous avez expérimenté ça vous autres ? Qui de vous a expérimenté l’assurance maladie avec satisfaction ? On nous a brandi ça comme mesure sociale phare. J’ai suivi quelqu’un qui disait à la télévision que cela ne prend en charge que les maladies de routine : maux de tête, maux de ventre et quand il y a complication, ce n’est pas éligible. Je n’ai pas besoin d’être assuré pour les maux de tête ou pour les maux de ventre. Ce pour quoi j’ai besoin d’être assuré, ce sont les maladies auxquelles je ne peux pas faire face c’est-à-dire les pathologies compliquées. Mais l’assurance maladie proposée par le gouvernement ne les prend pas en charge encore que pour les maladies moins onéreuses, cette assurance peine toujours à prendre.

Quels regards portez-vous sur les réformes en cours dans le secteur de la décentralisation ?

J’avoue que pour avoir été à l’opérationnel, je peux vous dire que c’était nécessaire de revoir le socle juridique de la décentralisation dans notre pays. Mais le gouvernement est passé à côté.  La décentralisation a deux objectifs : l’exercice de la démocratie à la base et le développement local. L’exercice de la démocratie à la base c’est l’organisation des élections à tous les échelons du pouvoir local. Ils ont fait une réforme et en plein processus électoral face à des difficultés, ils sont allés au parlement pour voter une loi interprétative afin que les maires soient désignés par les chefs des partis. De sorte qu’on a des maires de deux régimes juridiquesdifférents aujourd’hui. Un régime juridique de maires élus par les conseillers communaux  et un régime juridique de Maires désignés par des chefs de partis. Ils ne se sont pas arrêtés là, ils sont allés plus loin en adoptant la loi sur l’administration territoriale qui a promu les secrétaires exécutifs qui ont désormais le pouvoir d’ordonnateur de budget et de nomination aux emplois autrefois dévolus aux Maires. Je crois que l’évaluation de cette réforme nous permettra de savoir si nous sommes sur la bonne voie.

Depuis quelque temps, grâce aux réformes sur  la décentralisation, il n’y a plus de scandales dans les mairies 

C’est trop tôt de le faire croire. Mais c’est le souhait de tous. La stabilité pour une bonne gouvernance  au service du développement local. Ce qui est sûr, il y a moins de velléités de destitution de Maires. Parce que la sécurité est désormais à triple tours pour les Maires : il faut d’abord réunir le quorum nécessaire au conseil communal (premier tour), obtenir l’approbation du préfet(second tour) et maintenant s’assurer d’être désigné par le chef du parti majoritaire quand la destitution sera faite (troisième tour). C’est dissuasif !

La cellule de suivi des réformes au niveau de la décentralisation a présenté un bilan largement positif, il y a quelque temps ?

C’est tant mieux !

Mais les cadres de la cellule de suivi ne remplacent pas dans les mairies ceux qui gouvernent. Ils sont juste des conseillers et non des opérationnels. Espérons que ce bilan dont vous parlez ne cache pas des bévues qu’on aura à découvrir plus tard.

Face à ce tableau sombre que vous venez de décrire à propos de la gouvernance Talon, qu’est-ce qui empêche l’union sacrée de l’opposition ?

Est-ce que c’est trop tard ?  Je ne le crois pas. Nous sommes encore à un peu moins de deux ans de 2026. Les bonnes choses viennent au dernier moment. A quelle échéance vous avez vu une opposition s’organiser plus tôt et gagner l’élection présidentielle. L’Union Fait la Nation s’est organisée plus tôt avant l’échéance de l’élection présidentielle de 2011 mais le candidat Adrien HOUNGBEDJI avait perdu l’élection dès le premier tour.

Ce qu’on observe est que lorsque la révision de la constitution a échoué, vous avez applaudi des deux mains. Mais quand vos propositions n’ont pas prospéré au niveau du code électoral, vous avez crié au scandale

Si vous aviez bien suivi tout ce que j’ai décrit tantôt comme des manœuvres d’exclusion à travers la relecture du code, vous auriez constaté par vous-même  que ce code électoral est un facteur d’exclusion. C’est heureux que toute la classe politique soit d’accord pour la relecture du code électoral. Mais c’est malheureux que quelques-uns se mettent ensemble pour traduire leur volonté en texte au grand dam du reste. Je vais vous donner un exemple sur le code. Aux dernières élections législatives, la CENA étant monocolore, il n’y a eu que des représentants désignés dans le camp majoritaire comme coordonnateurs d’arrondissements et agents électoraux. Le Président Patrice TALON avait promis en tenir compte quand les leaders du parti LD lui avaient posé le problème à leur rencontre. Moi, je m’attendais dans la relecture  que cela soit corrigé. Mieux, le PrésidentNourénouAtchadé a proposé qu’on mette en place une commission d’arrondissement, pour que cela ne soit plus une seule personne par arrondissement qui tienne  tous les dossiers électoraux de cet arrondissement. Mais les députés de la majorité présidentielle n’ont pas cru devoir tenir compte de ces réalités. Ce qui les intéresse, ce sont les mécanismes à mettre en place pour empêcher la compétition en 2026 et plonger le pays dans une crise électorale.

Votre mot de fin !

Je voudrais vous remercier de votre invitation et vous dire tous mes encouragements pour ce que vous faites pour la grandeur de notre démocratie et le respect de la liberté d’expression dans un contexte de séparation des pouvoirs.

Je prierais le Président Patrice TALON à prendre la mesure de sa responsabilité en ce qui concerne la préservation de la paix dans notre pays. Notre pays a vécu des périodes sombres sous son règne alors qu’on les croyait derrière nous  depuis la conférence nationale : le sang a coulé en 2019, le sang a coulé en 2021 et des morts ont été enregistrées parmi nos compatriotes qui défendaient la démocratie et les droits de l’Homme !

Sans doute que le président de la République  a une  vision pour notre pays. Mais il ne saurait la porter seul. Il a besoin de  partager cette visionavec l’ensemble du peuple avant de  l’implémenter pour le bonheur de tous. Cela ne devrait pas se faire à la force des bras.

Pour avoir été l’un des principaux bénéficiaires de la démocratie béninoise,  le Président Patrice TALON pourrait en tenir  compte pour aller à un dialogue national, gage de la paix et de la stabilité.En tout état de cause, sur le chemin de compromission des principes démocratiques ou d’actes attentatoires aux droits de l’Homme, il se trouvera toujours des citoyens pour s’insurger quoi que cela coûte. C’est pourquoi, il est toujours recommandé de nos jours dans les démocraties fragiles comme celles des pays ouest-africains, de privilégier le compromis politique, le consensus national dans certains contextes plutôt que de se prévaloir d’une majorité mécanique au parlement.

Le Président Patrice TALON peut prendre exemple sur ce qui s’est passé au Sénégal.

Dieu Inspire et Eclaire le Président de la République dans sa gouvernance !

Je vous remercie.

ETAT CIVIL :

Docteur Erasme Raoul Glessougbéjuriste et Manager des organisations, consultant et expert en gouvernance et démocratie. Il a été assistant exécutif au département des affaires politiques, paix et sécurité de la CEDEAO.Originaire d’Abomey, il a obtenu l’essentiel de ses diplômes au Bénin et en France. Ainsi, il fait son Bac série D au Lycée Houffon d’Abomey On était en 1994. Il obtient une maitrise en droit des affaires et carrières judiciaires en 1998 et soutient sa thèse de doctorat en droit privé. Entre-temps, Erasme Raoul Glessougbé est passé par le cycle 2 de l’Ecole nationale d’administration du Bénin où il a obtenu son diplôme de Management des services publics et par l’Ecole nationale d’administration de Paris en France.  Secrétaire général de la mairie d’Abomey-Calavi de 2013 à 2016, il est consultant de plusieurs organismes. De la politique, on peut retenir qu’il en a une vision bien précise et estime qu’elle doit être au service du développement et de la justice sociale. Membre du parti Les Démocrates, il a été candidat tête de liste aux législatives de janvier 2023 dans la 23ème circonscription électorale (Abomey, Bohicon, Agbangnizoun et Djidja). Même s’il ne fut pas officiellement élu, il garde de cette expérience de précieuses leçons pour la suite de sa carrière politique. 

INTIMITE

Marié et père de trois enfants, Raoul Gléssougbé garde étonnamment la ligne. Il pratique du sport tous les jours presque. Si vous l’invitez à table, il préfère les mets de chez lui : sauce légumes avec pour accompagnement la pâte ou du haricot arrosé de bon vin.

Comme distraction il aime la piscine, les petites fêtes amicales avec de bonne musique.

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