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L’Honorable Assan Séibou ne retirera pas sa proposition de loi sur la révision de la constitution. C’est ce qu’il n’a de cesse de clamer depuis la conférence de presse du Chef de l’Etat. Patrice Talon a laissé entendre qu’il ne soutiendra aucune initiative allant dans le sens d’une quelconque révision. Soit, mais cette proposition en elle-même est une initiative du député avant d’être celle de son parti ou même de la mouvance présidentielle. Et le résultat, c’est qu’elle sera programmée dès cette semaine et sera examinée par la commission des lois avant de passer en plénière.
Les deux partis de la mouvance présidentielle ont déjà apporté leur soutien à cette proposition. Mais des oppositions internes s’observent au sein de la mouvance. Il y a ceux qui comme Lazare Sèhouéto le disent ouvertement, mais il y a ceux qui le murmurent lors des réunions ou qui se taisent carrément, attendant le dernier moment pour sortir leurs griffes. Le Chef de l’Etat lui-même connait cette versatilité du personnel politique qui forme sa majorité. L’élément nouveau ici, c’est la variable Olivier Boco. En disgrâce auprès de Patrice Talon, l’homme d’affaires est fortement soupçonné de le combattre en utilisant les députés qui lui sont proches. La guéguerre actuelle entre les deux anciens amis a déjà provoqué des dégâts collatéraux que sont : la dissolution de l’ABERME qui lui a fait gagner quelques milliards par le passé ainsi que les retraites d’office des forces de défense et de sécurité. Patrice Talon a les preuves que son ancien allié entretient des relations trop poussées avec des hauts gradés de l’armée et de la police. Sous Yayi, il sait comment et par qui il était parvenu à contrôler certains hauts gradés, au point de tenter un coup d’Etat en son temps. Depuis le vote de la loi portant statut particulier des forces de défense et de sécurité, il a la possibilité de se débarrasser de tous ceux qui pouvaient lui causer de mauvaises surprises.
En dehors de ces tensions internes, Patrice Talon sait que l’opposition ne soutiendra pas la proposition de révision. Non pas forcément parce qu’elle a des raisons objectives de le faire, mais parce qu’elle tient à se démarquer du pouvoir. Le problème c’est qu’en l’espèce, les députés eux-mêmes ont leurs intérêts en jeu. Ne pas réviser, c’est courir le risque de ne pas pouvoir parrainer pour les prochaines présidentielles. Dans la constitution actuelle, ce sont les députés élus aux prochaines élections législatives qui auront à parrainer les candidats aux présidentielles. Il y a en fait deux risques, celui de ne même pas être candidat et celui d’être candidat mais de ne pas du tout être réélu. Ce que la proposition Séibou fait, c’est de permettre aux députés actuels d’échapper à toutes ces incertitudes. Dès maintenant. Il est probable que sa proposition soit retoquée. Et là, malgré les assurances de Patrice Talon qui a écarté toute volonté de profiter des virgules ou des points placés de-ci ou de-là dans la constitution, pour se maintenir au pouvoir.
Dans tous les cas, la proposition n’ira nulle part si l’opposition dans son ensemble vote contre. Maintenant, regardez-moi très bien : nous sommes au Bénin, pays où on peut être pour le matin et contre le soir. C’est pourquoi, je reste convaincu qu’Assan Séibou a dû avoir pris toutes les précautions avant de se lancer dans cette aventure périlleuse. Malgré tout, si elle ne passait vraiment pas, celui qui aura tiré son épingle du jeu, c’est Patrice Talon. Premièrement, il n’est plus parrain de cette proposition de loi, ce qui lui donne l’image d’un président soucieux de sauvegarder la constitution. Il sort indemne de la défaite annoncée, avec une image rehaussée. Deuxièmement, il a obligé ses adversaires tapis au sein de la mouvance à se dévoiler, même contre leur propre volonté. Qu’ils soient au sein des deux partis de la mouvance représentés à l’Assemblée nationale ou en dehors, il sait désormais qui est qui.
Quelque chose me dit pourtant que tout cela est trop beau pour être vrai. Et qu’il y a autre chose qui a motivé cette proposition de révision. Que ce soit Assan Séibou ou Patrice Talon, ces deux acteurs politiques sont trop futés pour ne pas avoir anticipé les déboires actuels. J’ai ma petite idée sur le sujet. La patate de la révision avait seulement l’air chaude.