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Le triomphe de la vérité

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Edito: Un leader s’en est allé


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J’ai remarqué une chose singulière lors de la cérémonie d’hommage organisée pour les adieux à John Pombe Magufuli. Dans toute la foule venue saluer le président décédé, très peu portaient de masques. Et pourtant, le président tanzanien était mort de la Covid-19. Son décès n’a donc pas suffi à convaincre ceux qui l’adulent pour qu’ils comprennent la dangerosité de cette pandémie.
C’est en ce moment que vous voyez l’emprise des leaders sur leurs peuples. Les peuples suivent généralement leurs leaders, même jusque dans l’absurde. Et pour sûr, le défunt président a laissé un héritage impressionnant dans son pays. Parvenu à la tête de la Tanzanie en 2015, il a réalisé en cinq ans des œuvres gigantesques qui parlent encore en son nom : des ponts, des routes, des hôpitaux de haut standing, des barrages… Et tout cela en cinq ans. Son travail le plus impressionnant reste la gouvernance. John Magufuli a drastiquement réduit le train de vie de l’Etat tanzanien dès son accession au pouvoir. Il a ainsi divisé par six son propre salaire de président de la République en le ramenant de 12000 dollars à 2000 dollars (moins de deux millions de FCFA). Non seulement il n’était jamais allé dans un pays occidental durant ces cinq années, mais encore lors de ses rares voyages dans les pays africains, le Président tanzanien prenait un vol commercial, comme tout le monde. Au lieu des jets privés, il se mettait dans la foule des voyageurs, se faisant volontiers prendre en photo par des admirateurs surpris. Ne parlons même pas de ses ministres. C’est que cet homme a fait le pari de la différence, au point de susciter un concept de gouvernance appelé, « magufulication », un alliage de fierté nationale, de rigueur et d’humilité. Il fait pièce au concept Ujama na Kujitegemea (ou socialisme de la confiance en soi) inventé par le fondateur de l’ancien Tanganyika, le Mwalimu Julius Nyerere. Ce que Magufuli apporte à ce pays de près de 50 millions d’habitants, c’est ce rêve de grandeur et cette efficacité à toute épreuve. Un peu comme s’il était la version moderne de Nyerere. Nyerere se faisait appeler le Mwalimu, lui Magufuli se fit appeler Tinga-Tinga (Bulldozer en langue Swahili), un surnom né du temps où il était encore ministre des transports et construisait routes et ponts avec la hargne d’un vrai bulldozer.
Dans un pays vaste de près d’un million de km2 (plus exactement 945.000 km2) et très riche en ressources minières, il a rapidement compris ce qu’il pouvait tirer des contrats miniers accordés aux multinationales occidentales. Leurs contrats ont été drastiquement revus à l’avantage de l’Etat tanzanien. Les entreprises qui n’ont pas accepté les nouvelles conditions ont été priées de s’en aller. Tout compte fait, les redevances payées et la lutte implacable menée par Bulldozer contre la corruption, ont permis à la Tanzanie de sortir de la liste des pays pauvres et de construire des infrastructures de qualité, sans recourir à l’endettement extérieur. Le président a ainsi permis à son pays d’échapper à tous les schémas d’endettement extérieur, y compris les aides aux conditions très avantageuses offertes par les bailleurs de fonds occidentaux. Aujourd’hui, le plus grand barrage hydroélectrique d’Afrique ne se trouve ni en Ethiopie, ni au Nigeria ou en Afrique du Sud, mais bien à Rufiji en Tanzanie.
En matière de gouvernance, sa lutte contre la corruption fut sans pitié. John Magufuli a été capable de licencier d’un coup 10.000 fonctionnaires accusés de faux diplômes. L’envers du décor, c’est bien la mise en berne de la démocratie. Il avait la main lourde contre l’opposition et les médias et se faisait tancer régulièrement par les organisations de défense des droits de l’homme. Mais Bulldozer assumait bien le recul des droits de l’homme, soulignant que la démocratie telle qu’appliquée en Occident ne pouvait jamais être répliquée en Afrique. Et ce qui l’a emporté, c’est cette dénégation de la pandémie du coronavirus. C’était selon lui une maladie de blancs et il suffisait de respecter quelques gestes barrières et surtout de prier dans les mosquées et les églises pour l’éloigner. Il paya le prix de son aveuglement. Un vrai gâchis, mais un modèle de leadership pour les dirigeants africains.

Par Olivier ALLOCHEME

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