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Le triomphe de la vérité

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Entretien avec Moussa Seck, président du PANAAC: « L’agriculture est fondamentale pour tout développement »


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Moussa Seck netPartant du rôle important du secteur privé dans l’économie d’une nation, Moussa Seck, président du Consortium panafricain d’Agrobusiness et d’Agro-industrie (PANAAC) estime que l’agriculture est le socle de tout développement.

L’Evénement Précis : Quel rôle conférez-vous au secteur privé dans l’économie d’un pays ?
Moussa Seck : Depuis les indépendances, toute la puissance publique est gérée par l’Etat dans son rôle régalien. Mais si on regarde la configuration économique de près, le secteur privé contrôle 75% de la richesse et pour cela, il doit payer des taxes, l’impôt à l’Etat qui ne contrôle que 15 à 25% des richesses. Connaissant le rapport des forces, c’est effectivement le secteur privé qui crée les emplois, ce sont les entreprises qui créent les emplois. En partant de ce fait, si le secteur privé avance, c’est le pays qui va avancer parce qu’il constitue l’essentiel du PIB à travers le secteur primaire, les agriculteurs, les éleveurs, les pêcheurs, à travers le secteur secondaire et le secteur tertiaire. Donc partout, c’est le secteur privé qui domine. Si le pays avance, c’est parce que son secteur privé avance et s’il n’avance pas, c’est parce que son secteur privé n’a pas avancé. C’est la raison pour laquelle dans le partenariat qui se développe entre les pays, il faut dépasser le partenariat bilatéral qui est plus ou moins important. Mais, c’est le partenariat privé qui permet aujourd’hui la construction des écoles et qui permet aux marchés de se développer. Donc, le secteur privé doit jouer un rôle fondamental. C’est le secteur privé qui joue ce rôle dans n’importe quel autre pays dans le monde. Pour autant, l’Etat joue son rôle régalien.

Vous voulez dire qu’en Afrique et dans les PMA, le secteur privé ne joue pas encore son rôle puisque ces pays sont demeurés pauvres ?
Parce que ce sont des pays où l’Etat est resté le principal acteur. C’est l’Etat qui gère les marchés et quand il ne marche pas effectivement, le pays traine. Le premier pourvoyeur d’emplois et d’hommes du marché, c’est l’Etat. Alors que ça doit être le contraire. C’est le secteur privé que doit courtiser un Etat fort. Le secteur privé sans l’agriculture est quasiment inexistant parce que la masse rurale qui est restée paysanne ne s’identifie pas encore au secteur privé alors que c’est la base du secteur privé. Donc, il faudrait qu’en ce moment, on puisse redéfinir le rôle de l’agriculture dans une économie nationale car, l’agriculture ne doit plus être une production pour la consommation personnelle et individuelle pourvu qu’elle amène à un gouvernement, qu’on soit petit ou grand. Donc, nous avons tout de suite une grande partie de la population qui se transforme en secteur privé, qui ne se laisse plus considérer comme un pauvre paysan. Quand l’Etat donne 10 millions de FCFA pour accompagner la production agricole, cela ne veut rien dire alors que ces paysans cherchent 100 millions de FCFA pour acheter des machines, avoir des intrants. Il faut équiper toute la chaine des valeurs. Aujourd’hui, nous devons regarder les problèmes qui font que ces pays n’ont pas avancé et c’est parce que la question agricole n’est pas encore réglée. Quand vous avez 100% de la population qui ne parvient pas à se nourrir correctement, si vous avez 60% dans le monde rural, vous n’avez que 40% de populations actives pour faire autre chose. Voilà aujourd’hui ce qui retarde la plupart des pays les moins avancés. C’est parce que la chose fondamentale n’a pas encore été réglée. Alors que dans les puissances monétaires mondiales, la question fondamentale qui a d’abord été réglée est la question agricole.

Est-ce que le problème de l’Afrique n’est pas dû au fait que les produits qui sont cultivés sur ce continent ne sont pas suffisamment transformés ?
Il y a une chaine de valeurs qu’il faudra conserver dans le domaine de l’agriculture. Vous pouvez transformer vos produits qui donnent de la valeur à vos produits, vous pouvez les vendre sur le marché local comme vous pouvez les exporter. Mais il faudra être sûr et certain que vous avez donné assez de produits dans le pays pour que tous les Béninois, les Camerounais, les Sénégalais aient à manger. C’est le premier rôle de l’agriculture. Le premier système de production en Europe n’était pas l’agriculture, mais la chasse et la cueillette où toute la famille allait cueillir toute la journée. Mais maintenant avec l’agriculture, vous avez tout dans le grenier. Voilà le rôle fondamental qui libère le bras du temps. L’aspect du bras et du temps sera converti en personne et jour qui va nous permettre de construire les écoles, les immeubles, les routes, la médecine, la santé. C’est ça le rôle fondamental de l’agriculture dans une économie qui vous libère. Aux Etats-Unis, c’est 10% seulement de la population qui est dans l’agriculture alors qu’ici, nous avons 60%.

Mais dans les PMA, le développement est encore à espérer ?
Il y a des marges pour le développement. Les marges sont maniables. Il suffit que les PMA règlent ce problème seulement et vous allez voir ce qui va se passer. Ce ne sera plus des PMA mais des PTA, des pays très avancés.

Vous l’espérez pour quand?
C’est une question de compréhension. Quand la Chine et la Corée du sud l’ont compris, le développement s’est passé très vite. Sachez que le développement actuel s’est fait depuis les années 60, 70. Donc, l’Afrique a le temps de se rattraper parce qu’elle est pauvre dans un monde qui n’a jamais été riche. Le PIB de l’Afrique, c’est 2600 milliards de dollars alors que celui du monde, c’est 80 mille milliards de dollars. Ça veut dire que tout ce qui a pu développer l’Afrique existe déjà.

Il reste aussi la question de la mécanisation agricole
Bien sûr. La mécanisation répond aux exigences de l’agriculture. Il faut faire ce qu’il faut faire. C’est révolu le temps de prendre une daba pour aller gratter la terre alors que le tracteur te permet de le faire en une heure au lieu de dix jours  avec la daba. Alors que ce tracteur, vous le payez 25.000F pour l’hectare ce qui va vous rapporter 500.000 ou 600.000F. Ce qui a aujourd’hui traumatisé et vieilli notre monde rural, ce sont les travaux rudes, quasiment de l’esclavage que procure l’usage de la daba alors que la technologie existe.

La nouvelle technologie exige aussi des moyens
L’agriculture c’est les moyens. Si vous acceptez de sophistiquer votre Ministère des Finances avec  une Mercedes dernier cri et un bureau entièrement automatisé, pourquoi ne voulez-vous pas sophistiquer votre agriculture. C’est l’agriculture qui nous permet de rester et de marcher debout.

Quels qu’en soient les Etats ?
Allez à l’Assemblée nationale voir comment on vote le budget de l’agriculture. La santé passe devant l’agriculture, l’éducation 4 fois plus que l’agriculture. Pensez-vous que c’est normal ? Ce n’est pas comprendre le rôle que joue l’agriculture dans une économie nationale. Si vous saviez que c’était l’agriculture qui détermine tout, vous pouvez gagner du temps. On devrait régler la question agricole depuis les années 60. A l’heure actuelle, on ne devrait plus parler de nourriture et de famine en Afrique parce que tous ceux qui l’ont compris, l’ont réglé avant les années 60.

L’état de sous-développement des PMA n’est pas seulement dû au fait que le colon continue d’exercer une pression sur les données économiques de ces pays ?
Nous sommes libres et indépendants. Nous demandons à l’autre ce que nous n’avons pas et tout ce que nous avons on le fait. Si on avait compris que l’agriculture était fondamentale et devrait passer avant les autres, on l’aurait réglé depuis longtemps. Si on savait que c’est à cause de l’agriculture qu’aujourd’hui nous sommes en retard parce que le monde du Bénin, du Sénégal est dans le monde rural. Que font 70% de ce monde dans le monde rural alors qu’ils ne peuvent pas se nourrir ? Si on avait compris qu’il faut les libérer par la nourriture pour qu’ils envahissent d’autres secteurs, le tour serait joué. C’est aussi simple que ça. Le remède c’est de ne plus consacrer le temps à la recherche de la nourriture parce que le développement agricole est le degré zéro de toute stratégie de développement. Tout est une fondation et il faut partir de là. Quand nous n’avons pas nourri tout le Bénin et le Sénégal au stade zéro, comment peut-on imaginer aller développer des industries et d’autres secteurs alors qu’on n’a pas réglé le fondamental ? L’agriculture est vitale, c’est le premier droit de l’homme. L’agriculture ne doit pas être considérée comme une priorité comme la santé, l’éducation. L’agriculture est une conditionnalité.

Entretien réalisé par la rédaction

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