.
.

Le triomphe de la vérité

.

Edito  du 30 mai 2023: Le Nigeria et nous


Visits: 57

Buhari est parti du pouvoir sans avoir résolu le problème principal pour lequel il a été élu il y a huit ans : en finir avec Boko Haram. Non seulement Boko Haram n’a pas été vaincu, mais en plus d’autres groupes armés se sont multipliés dans le pays. Le Nigeria est clairement devenu un Etat failli, notamment en faillite sécuritaire. Mais ce qui m’intéresse c’est de voir comment cette faillite a impacté le Bénin.

On était le 19 août 2019. Un ami habitué comme moi à suivre l’actualité nigériane, m’informe que les frontières nigérianes viennent d’être fermées avec le Bénin. Quelques coups de fil à gauche et à droite m’ont permis de me rendre compte que c’était bien réel. Mais, alors que mon ami paniquait pratiquement, j’ai laissé échapper, sans vraiment y croire : « Buhari croit pouvoir nuire au Bénin, mais il va échouer. » Quatre ans plus tard, cette prévision s’est réalisée au-delà de mes attentes. Non seulement le Nigeria s’est plongé dans la récession en 2020 en partie à cause de la folle mesure de son président, mais encore Buhari s’est vu obligé de rouvrir tout seul toutes les frontières  début 2022. C’est-à-dire que sans que personne ne lui demande quoi que ce soit, il a été obligé de ravaler ses propres vomissures. Il a résisté pendant longtemps aux supplications de Patrice Talon, lui laissant penser qu’il ne le ferait pas. On se rappelle que l’hôte d’Aso Rock, le palais présidentiel d’Abuja, avait signifié à son homologue béninois qu’il ne rouvrirait « sa chose » que lorsque le Bénin aurait interdit tout commerce de réexportation sur le Nigeria, concernant certains produits. Parmi ces produits, figuraient bien sûr le riz, les huiles alimentaires, les voitures d’occasion, les produits congelés et toutes sortes de biens. On avait aussi interdit au Bénin de stocker du riz dans ses magasins, surtout dans les localités proches des frontières nigérianes. Le Bénin a fini par se convaincre qu’il peut vivre sans le Nigeria. Et les théories d’hier disant le contraire, sont tombées à l’eau.

Je disais donc que Buhari a échoué. Mais ce n’est pas parce que la réponse du gouvernement  a été particulièrement efficace. Il a échoué parce qu’aucune fermeture de frontières ne saurait arrêter le commerce entre le Bénin et le Nigeria. Les acteurs ont simplement trouvé de nouvelles voies de contournement des postes de contrôle officiels.  J’étais dans un village frontalier lorsque Buhari avait fermé les frontières pour la première fois, en 1985. C’était la première fois qu’il arrivait au pouvoir. Et je me rappelle bien distinctement comment les villageois s’étaient organisés pour déjouer toute l’armada mise en place aussi bien par l’armée nigériane que par l’armée béninoise. Tant qu’il était resté au pouvoir, il n’avait jamais rouvert les frontières avant d’être balayé par un coup d’Etat .

C’est que le désormais ancien président nigérian ne croit qu’en une chose en matière économique : le protectionnisme. Pour lui, le Nigeria doit vivre en autarcie pour exister et prospérer. C’est une conception qu’il a voulu appliquer dès son arrivée au pouvoir en 2015. C’est-à-dire qu’après 30 ans, Muhammadu Buhari n’a pas changé d’un iota sa conception économique. Elle est basée sur une obsession constante : amener les Nigérians à se fermer aux autres. En plein XXIème siècle, c’est une injure à l’intelligence. Et il a été servi au-delà même de ce qu’on pouvait imaginer. Le pire, c’est l’avènement de la COVID-19 pendant ce temps. Cette pandémie  a révélé à tous l’incapacité du régime Buhari à maîtriser l’inflation record qui touche les marchés et qui ne faiblit guère.  Et pendant que son régime n’arrivait pas à juguler la crise, le Bénin s’en sortait. Le Bénin a fait partie des pays cités en référence par les institutions financières internationales pour illustrer la bonne gestion des fonds COVID-2019. Tous ces facteurs ont probablement agi pour la réouverture incognito  des frontières. Buhari l’a appris trop tard : on ne développe pas un pays en se fermant aux autres.

Faut-il espérer mieux avec Tinubu, le nouveau président ? Telle est la question qui taraude tous les esprits. Le milliardaire hissé au pouvoir depuis hier, sait déjà que tout protectionnisme est voué à l’échec.

Olivier ALLOCHEME

Reviews

  • Total Score 0%



Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

You cannot copy content of this page