.
.

Le triomphe de la vérité

.

Edito : De la raison d’Etat


Visits: 52

Karim Urbain Da Silva s’est proprement fourvoyé en répondant à un communiqué déjà démenti. Je l’avais dit ici la semaine dernière avant que le président Soglo ne publie son communiqué de démenti en bonne et due forme. Les proches de l’ancien président, qui ne sont pas à leur coup d’essai, ont raté cette fois-ci, et de façon flagrante, leur jeu d’imitation du style du vieux. Karim Urbain Da Silva a sauté dans une piscine vide. Ce n’est donc pas sa lettre ouverte (somme toute inutilement  incendiaire) qui me préoccupe. Ce qui me préoccupe dans son brûlot, c’est l’argument ultime qu’il donne pour justifier le maintien en prison de ReckyaMadougou et Joël Aïvo. Voici ce qu’il dit, en s’adressant au président Soglo : « Vous, plus que quiconque, ne devriez pas troubler l’action de votre successeur, connaissant la particularité de sa tâche, ses difficultés et ce qu’est la raison d’Etat. » Raison d’Etat. C’est au nom de la raison d’Etat qu’on maintient en prison des citoyens condamnés sans aucune preuve à dix ans et vingt ans de prison !

Comprenons-nous très bien. Je ne dis pas que Joël Aïvo ou ReckyaMadougou n’ont JAMAIS rien tenté de délictuel en 2020-2021. Mais j’attendais toujours les preuves des soupçons légitimes ( ???) ayant conduit aux lourdes condamnations qui les ont frappés. Et voilà que le sage de Porto-Novo nous sort le mot. Raison d’Etat. Si je comprends bien, au nom de la raison d’Etat, la justice de notre pays peut condamner un citoyen à dix ou vingt ans de prison, sans exhiber la moindre preuve. Les moyens de droit mis en œuvre par la justice pour jeter ces deux acteurs en prison, relèvent simplement de la suspicion. Et en l’espèce, on peut (peut-être) condamner un citoyen sur la base de simples soupçons. Mais en arriver à une peine de 10 ou 20 ans de prison, il y a un arbitraire pire que l’arbitraire lui-même.

Ce que je veux dire, c’est que nous avons mis fin à la raison d’Etat à la conférence nationale. Pour ceux qui seraient tentés d’en douter encore, il faut rappeler des principes très simples. Au Bénin d’après 1990, aucun magistrat n’a le droit de vous condamner s’il ne détient les preuves irréfutables de votre culpabilité. Les autorités politiques peuvent mener toutes les manipulations possibles. Les acteurs politiques impliqués dans les manœuvres les plus intelligentes ou les plus sordides, ont le droit d’invoquer la raison d’Etat. Mais pas un magistrat assermenté ! C’est à la porte du juge que tombent toutes les manœuvres politiciennes attentatoires à la loi. Le magistrat est ainsi le dernier rempart à l’injustice. Il lui appartient de dire le droit, contre vents et marées.

Oui, il peut être sujet à toutes les formes de pression. Lorsque le juge Angelo Houssou prenait les ordonnances de non-lieu qui ont sauvé Patrice Talon, il était sous toutes les formes possibles de pression. Et en ce moment-là, nous savions qu’il y avait des centaines de millions de FCFA qui circulaient. Le magistrat, quoi qu’en soit ce qu’on peut lui reprocher aujourd’hui, a dit le droit, envers et contre le pouvoir en place à l’époque. Il s’est résolu à ne dire que le droit en son esprit et en sa lettre. Que sont les juges devenus aujourd’hui ? Des caisses de résonnances à la solde du pouvoir ? Des minables en quête de postes juteux ou de prébendes ? Ou encore des professionnels engagés pour une véritable justice ?

Qui nous sauverade cette justice aux ordres ? Cette question devrait préoccuper tout le monde aujourd’hui. Les actuels mouvanciers se retrouveront tôt ou tard dans une autre posture demain. Tôt ou tard, ils subiront, j’en suis convaincu, les affres de la raison d’Etat qu’ils brandissent aujourd’hui. Et c’est vrai que nous avons là l’une des raisons pour lesquelles beaucoup d’intellectuels refusent d’entrer en politique.

Regardez donc ce qui se passe actuellement au Sénégal. En 2012, MackySall est parvenu au pouvoir en provoquant une véritable indignation populaire contre Abdoulaye Wade. Regardez donc l’opposant d’hier et le président d’aujourd’hui. Autrement dit, les opposants d’hier reprennent et raffinent les méthodes arbitraires de leurs prédécesseurs. C’est un éternel recommencement. Tant qu’il y aura des Karim Urbain Da Silva, c’est-à-dire, des citoyens qui estiment que la raison d’Etat est suffisante pour jeter un citoyen en prison pour dix ou vingt ans, il faut craindre pour l’avenir du pays.

Par Olivier ALLOCHEME

Reviews

  • Total Score 0%


Plus sur ce sujet

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

You cannot copy content of this page