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Le triomphe de la vérité

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Edito : Le nouveau Talon


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Voyez vous-même les concessions que Patrice Talon a commencé à faire. La semaine dernière seulement, le gouvernement a décidé d’annuler la décision prise en 2019 de radier 305 enseignants. Fin décembre, la Cour constitutionnelle a (miraculeusement) décidé d’ouvrir le jeu électoral au parti Les Démocrates. Toujours dans la même période, un projet a été lancé pour faire des transferts monétaires aux filles scolarisées issues de familles en situation difficile. Plus de neuf milliards de francs CFA ont été mobilisés à cet effet à travers le projet d’Autonomisation des Femmes et Dividende Démographique au Sahel (SWEDD), sur une durée de trois ans pour accompagner trente mille filles identifiées sur toute l’étendue du territoire national. Pour un régime qui s’est présenté ces dernières années comme capitaliste pur et dur, c’est un revirement de paradigme. Et ça n’a pas l’air d’être anodin. Et puis il y a l’augmentation des salaires des fonctionnaires avec effet immédiat. C’était largement au-dessus de ce que les syndicats pouvaient espérer.  Cela a-t-il servi la cause du gouvernement dans le jeu électoral ? Il faut en douter. Les fonctionnaires ne semblent pas avoir mordu à cet hameçon-là.

Mais il faut admettre que Patrice Talon a mis de l’eau dans son vin. Il n’est plus le président tout feu tout flamme capable de prendre les mesures notoirement impopulaires qui ont caractérisé la première partie de son règne. La dimension sociale (j’allais dire humaine) de son régime n’apparait réellement que ces deux derniers mois. Même s’il ne tambourine ni ne fanfaronne pas vraiment autour de ces mesures, on voit bien un virage social qui cache un remord du passé.

Prenons l’exemple des 305 enseignants rappelés mercredi dernier. Dès le départ, tout le monde savait qu’on n’évalue pas un enseignant en situation de classe comme on le ferait d’un élève. Le processus est connu et codifié depuis longtemps. Malgré cela, il avait été décidé de soumettre une certaine catégorie d’enseignants à une évaluation qui avait englouti des centaines de millions de FCFA. Le bilan aujourd’hui est celui d’un énorme gâchis doublé de souffrances sans nom infligées à des familles déjà pauvres. Si même l’Etat décide de leur payer le rappel des salaires, comment réparer tant de dégâts familiaux, tant de blessures encore béantes ? Comment pardonner ? Je plains déjà les chefs d’établissement qui auront la lourde mission de gérer ces travailleurs frustrés. Ils reviennent auréolés de la triste gloire d’avoir vaincu l’Etat…et Talon.

Nous vivons clairement un revirement politique important. Oui, on peut admettre que malgré l’ouverture, la mouvance présidentielle conserve une majorité confortable au parlement. Ce qui signifie que quel que soit ce qu’elle fera, l’opposition n’aura pas les moyens de faire plier la politique gouvernementale, dans quelque sens que ce soit. Elle se contentera de protester. Et si les mauvais génies de 2019 ne l’amènent pas à appeler au boycott du parlement, elle pourra siéger, ne serait-ce que pour offrir des parrainages à son candidat de 2026. Si elle joue la politique de la chaise vide, ce boycott ferait rebattre les cartes. Mais en même temps, il débouchera sur un vrai boulevard pour la mouvance présidentielle en 2026. Sans parrainage, l’opposition n’aura que ses yeux pour pleurer. L’ouverture de l’élection ne sécurise pas la prochaine présidentielle pour la mouvance. Elle jette un voile sur le dauphinat.  

C’est pour tout cela qu’il faut se demander ce qui se passe dans la tête de Patrice Talon actuellement. A mesure que la fin de son dernier mandat approche, la question de la sauvegarde de ses acquis devient cruciale. Il ne s’agit plus de partir sous les hourras du triomphe dont il avait rêvé. Il s’agit plutôt de ne pas laisser un régime hostile le remplacer. Et pour y arriver, il faut encore une rupture avec les anciennes méthodes qui ont fait gagner l’opposition dans les grands centres urbains du pays. Malgré les milliards investis dans ces grandes villes, on voit simplement que peu de gens sont satisfaits …

Dans tous les cas, le nouveau Talon qui apparait sous nos yeux est celui qui a compris que les mutations socio-économiques et politiques ne sont pas imposables, comme dans une salle de classe ou au sein de l’armée ou d’une entreprise. Le nouveau Talon est celui de la flexibilité.  

Par Olivier ALLOCHEME

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