.
.

Le triomphe de la vérité

.

Arrestation de 49 militaires ivoiriens à Bamako: Les suggestions de Jean-Pierre Edon pour la sauvegarde des intérêts   maliens


Visits: 9

La sous-région ouest africaine est depuis juillet 2022, sous le coup d’un véritable malentendu entre deux pays : la Côte d’Ivoire et le Mali. Et pour cause, l’arrestation de 49 militaires ivoiriens sur le sol malien.  Environ deux mois après, aucune des négociations et démarches n’a encore abouti à la libération des soldats ivoiriens excepté les trois femmes militaires qui ont recouvré leur liberté.

Dans une démarche de préservation de la paix dans la sous-région, le diplomate béninois et spécialiste des questions internationales, l’ambassadeur Jean-Pierre Edon, porte ses réflexions sur ce sujet d’intérêt sous régional et suggère au Mali de libérer les militaires ivoiriens sans conditions. Ceci, dans le but d’éviter son isolement au sein de la communauté ouest-africaine et internationale.

LA LIBERATION DES MILITAIRES IVOIRIENS DETENUS AU MALI : PREOCCUPATION SOUS-REGIONALE

En juillet 2022 s’est produit un malentendu entre deux pays voisins, la Côte d’Ivoire et le Mali, au sujet de l’arrestation de 49 militaires ivoiriens à Bamako. Les versions des faits diffèrent d’un pays à l’autre. Si pour l’un ils sont en mission dans le cadre du maintien de la paix au sein du MINUSMA, pour l’autre ce sont des mercenaires. A ce jour les multiples négociations entreprises, notamment par la médiation togolaise n’ont permis que la libération de trois femmes du contingent.

En vertu de la paix dans la sous-région déjà éprouvée par le terrorisme djihadiste, des concessions de part et d’autre sont nécessaires pour une issue heureuse dans les meilleurs délais. La situation au Mali depuis Août 2020 s’apparente à une révolution, un changement radical du paradigme lié tant à la politique intérieure qu’extérieure. Des actes inattendus et incroyables dans les rapports bilatéraux et internationaux, notamment avec l’ancienne puissance coloniale, ont été posés par les nouvelles Autorités, à la satisfaction de nombreux Maliens et Africains.

Ce sentiment de satisfaction découlerait du fait que les actes posés sont de nature à libérer le pays de la domination étrangère, du néo- colonialisme, de l’exploitation disproportionnée, voire frauduleuse des ressources du sol et du sous-sol maliens. Ce réveil de conscience relève d’un fait : neuf (9) ans de lutte contre le terrorisme par les forces françaises, européennes et onusiennes, n’ont pas réussi à vaincre les djihadistes envahisseurs, malgré le degré élevé de leurs équipements militaires, l’efficacité notoire et indiscutable de la qualité de leurs services de renseignements.

Il est alors apparu évident qu’aucune force étrangère ne peut défendre le pays mieux que les forces armées maliennes soutenues depuis un moment, par de nouveaux partenaires ayant une vision des relations bilatérales différentes de celle des partenaires traditionnels. Les faits semblent donner raison à la nouvelle équipe dirigeante qui reconnait et déclare que depuis le changement de stratégie de lutte, les résultats sur le terrain sont meilleurs que ceux enregistrés de 2012 à 2021.

A peine la levée des sanctions de la CEDEAO contre le Mali est intervenue qu’une autre difficulté est apparue, relative à la détention de 49 soldats ivoiriens dont la mission évoquée par Abidjan s’inscrit dans le cadre du maintien de la paix au Mali sous les auspices de l’ONU.

Les contradictions entre les versions des différents acteurs africains et internationaux impliqués, n’ont pas permis de clarifier la situation dont l’évolution vient de prendre une nouvelle dimension. Toutefois, au cours de l’interview accordée le 18 Septembre 2022 à New-York aux journalistes de France 24 et RFI, le Secrétaire General des Nations-Unies, Monsieur Antonio Guterres a fermement déclaré que ces militaires ivoiriens ne sont pas des mercenaires. Or, comme élément nouveau, Bamako lie leur libération à l’extradition vers le Mali des opposants maliens ayant trouvé refuge en Côte d’Ivoire et frappés d’un mandat d’arrêt international.

Ce nouvel élément a permis à Abidjan de déclarer qu’en vérité les militaires ivoiriens détenus au Mali, ne sont pas des mercenaires mais plutôt des otages, ce qui justifie la position initiale ivoirienne. La Côte d’Ivoire a alors décidé le 14 septembre d’en saisir l’organisation régionale. A ce stade la situation se complique alors que la libération des trois femmes du groupe, nourrissait l’espoir que le processus du règlement du différend était bien engagé pour une issue heureuse dans les meilleurs délais.

Aujourd’hui tout le monde s’imagine ce qui s’est passé, et la vigilance malienne est à saluer quand bien même il y aurait eu une probable erreur d’appréciation. Quelles que soient la vigilance et la force d’un sujet de droit international, l’existence de plusieurs adversaires ou ennemis, est à éviter autant que possible. Mieux le propre d’un dirigeant est de savoir alterner à bon escient à des moments donnés, la fermeté et la flexibilité, sinon l’intention peut être bonne, mais l’acte mauvais avec des conséquences imprévisibles.

La condition posée par les Autorités de Bamako est compréhensible, mais osons croire que c’est la technique de négociation consistant à demander beaucoup pour avoir peu. La sagesse, surtout l’amitié et la fraternité séculaires entre les deux peuples, recommandent que la partie malienne n’insiste pas sur son exigence difficile à satisfaire. En effet, en vertu des droits de l’homme, du droit international humanitaire, de l’hospitalité séculaire propre aux Africains ainsi que de la nécessité de porter assistance à une personne en danger, le Président ivoirien ne peut pas extrader les mis en cause vers Bamako.

L’usage en la matière consiste à avoir des Autorités ivoiriennes l’interdiction formelle à ces exilés politiques de se livrer sur le territoire ivoirien aux activités politiques de nature subversive et déstabilisatrice contre leur pays d’origine. En d’autres termes, ils seront astreints au silence, c’est-à-dire à l’obligation de réserve. Abidjan serait disposé à prendre de telles mesures et cela suffirait pour la libération des 46 soldats restants.

Au point où en sont les démarches et négociation entreprises par diverses personnalités, des structures africaines et internationales, il est recommandé que Bamako fasse des concessions en les libérant le plus tôt possible, surtout que l’ONU par la voix de son porte-parole, sources dignes de foi, vient de confirmer que la version malienne n’est pas juste. La CEDEAO abondera certainement dans le même sens au cours de sa prochaine réunion.

 Une initiative pouvant également contribuer au dégel rapide de la situation, serait que le président ivoirien fasse preuve d’humilité et de chef d’Etat pétri d’expériences, en entreprenant à ce sujet un entretien téléphonique fraternel avec son homologue et jeune frère du Mali. Le manque de dialogue au sommet favorise aussi  la complication de ce dossier qui aurait pu être réglé depuis longtemps.

L’implication actuelle du Nigéria dans le règlement de cette affaire par l’envoi de son ministre des Affaires Etrangères à Bamako la semaine dernière, mérite une attention particulière dans le sens de la prise en compte des propositions du Président Buhari, favorables à la mise en liberté sans conditions des intéressés. Toutes les interventions enregistrées à ce jour convergent à leur libération, en dépit des raisons certainement insuffisantes qui sont celles de la partie malienne.

A ce stade-ci, l’intérêt du Mali voudrait que ses dirigeants dont beaucoup d’Africains admirent le courage et la ferme détermination de défendre la souveraineté et l’indépendance réelle du pays, soient flexibles en libérant les frères ivoiriens. Il est temps que ce chapitre soit clos, afin de permettre à Bamako de se consacrer entièrement à la situation sécuritaire qui secoue le pays depuis 9 ans. Elle est d’autant plus grave qu’elle affecte l’intégrité territoriale et la souveraineté du pays. Mieux il s’avère important d’éviter un autre ultimatum de la Communauté ouest-africaine suivi de sanctions en cas de non- exécution, comme résultat issu des travaux du prochain sommet demandé par la Côte d’Ivoire.

Dans cette perspective, la politique de bon voisinage est de mise, et tout Etat qui ne l’intègre pas dans sa vision, entretient une entreprise suicidaire.  En effet, nul ne peut vivre en autarcie, en ignorant les apports directs et indirects des Etats voisins au bienêtre de ses populations, notamment dans les domaines économique, énergétique, social et de la sécurité. Or il est de l’intérêt de notre continent que l’expérience en cours dans la patrie du célèbre panafricaniste Modibo Keita, soit couronné de succès. La présente analyse peut être considérée comme une contribution, une suggestion inspirée du réflexe du diplomate, pour la sauvegarde des intérêts nationaux maliens qui auront un impact certain sur le devenir de l’Afrique. En tout état de cause, il est de l’avantage du Mali d’éviter son isolement au sein de la communauté ouest-africaine et internationale.

Jean-Pierre A. EDON

Ambassadeur, spécialiste des questions internationales.

Reviews

  • Total Score 0%



Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

You cannot copy content of this page