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Le triomphe de la vérité

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Edito : La tornade grammaticale


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Samedi et dimanche, les réseaux sociaux étaient en feu. Le dénouement de la polémique a permis de mesurer l’humilité des autorités qui n’ont pas hésité à corriger la faute commise, avec la rapidité requise. Mais c’était sans compter avec la perspicacité de certains malins esprits qui trouvent toujours qu’il reste des choses à corriger dans l’épigraphe du nouveau monument. Et puis lundi, c’est le tour des censeurs de l’ORTB qui ont vu « la drapeau » en plein défilé du 1er août. Et les commentaires et autres moqueries de fuser à nouveau de toutes parts. Disons la vérité : il fallait s’y attendre.

Nous redécouvrons en effet un comportement propre aux anciens Dahoméens devenus Béninois. De tout temps, et cela ne date ni de Talon encore moins de Maga, nous avons été un peuple qui prône l’excellence en ce qui concerne la langue française. Ce n’est pas pour rien que déjà en 1948, le philosophe français Emmanuel Mounier disait précisément ceci : « Le Dahomey est le quartier latin de l’Afrique. Mais cet intellectualisme fait de méchanceté et de mesquinerie est de nature à retarder le développement du pays. » Lisez bien la dernière phrase. « Quartier latin » parce que pays des érudits, peuple d’ « Akowé ». Dans la sous-région, ce statut nous a valu bien des inimitiés. Qu’on se souvienne des expulsions de Dahoméens de la Côte-d’Ivoire en 1958, du Niger et du Gabon dans les années 70.

Cette spécificité béninoise s’oppose au nouvel esprit qui veut congédier de la vie publique les grammairiens, les philosophes, les historiens et tous ceux qui s’occupent de la formation de l’esprit. C’est une vaine entreprise. Et elle doit même échouer au regard de la tempête grammaticale qui a surgi de tous les coins ce week-end. Cet épisode montre à suffisance l’importance des Lettres dans toute nation. On n’avait pas besoin de le dire dans les années 90, mais il faut le marteler en ces temps où tout est fait d’argent et de business rapide. Rien de grand en ce monde ne s’est construit sans connaissance philosophique, historique et littéraire.

Les grands mathématiciens, les grands stratèges militaires et les grands physiciens sont des philosophes, des historiens et des littéraires avertis. Je me rappelle toujours Kader, durant mes années étudiant. Il avait loué dans la même maison que moi, inscrit en génie électrique (à l’ex-CPU devenu EPAC) et simultanément en MP (Maths-Physiques) en faculté. Jusqu’à la fin de sa troisième année, Kader n’avait jamais manqué 16 de moyenne des deux côtés. Mais les rares fois où je rentrais dans sa chambre, il était constamment en train de lire les grands philosophes : Auguste Comte, Emmanuel Kant et consorts. Conspuer les Lettres, ce fut une stratégie chinoise des années Mao afin d’inciter les jeunes à aller vers la professionnalisation de l’enseignement. Mais la Chine elle-même s’est corrigée depuis longtemps. La philosophie chinoise est enseignée dans les écoles de ce pays jusque dans les écoles d’ingénieur. L’on s’est rendu compte qu’un ingénieur sans formation idéologique et philosophique est une menace pour son entreprise et son pays. De même, je me suis rendu compte qu’une bonne partie des études en finances et en économie dans les universités américaines, est basée sur l’histoire. Quand vous lirez les œuvres des prix Nobel d’économie, leurs chroniques dans les plus grands magazines et quotidiens du monde, vous serez toujours surpris (en tant que Béninois) de la forte dose d’histoire économique et financière qu’ils utilisent pour fonder leurs analyses. En est-il ainsi chez nous ? Que non !

Les nations qui veulent aller de l’avant ne rejettent pas les Lettres. Elles en font un outil essentiel de progrès, en investissant dans leur approfondissement. C’est un travail d’historien qui a permis de découvrir comment nous avons passé 60 ans à rendre hommage aux morts de la France à Placodji. Regardez les noms des opérations militaires françaises en Afrique: Turquoise, Barkhane, barracuda…Ils dénotent une fine connaissance historique et littéraire chez les officiers supérieurs français. Toute stratégie militaire répond à une histoire et à une philosophie voire à une idéologie…

J’en aurais fini si je rappelais que toutes les premières conquêtes des nations et même des entreprises sont d’abord les conquêtes de l’esprit. Orienter l’esprit d’un peuple vers une destination commune, c’est le travail des hommes d’Etat soucieux de construire pour l’avenir. La polémique de « tel » révèle que nous avons à valoriser ceux qui font œuvre d’esprit. Ce sont les véritables bâtisseurs d’avenir.

Par Olivier ALLOCHEME

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