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Le triomphe de la vérité

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Réflexion de l’Ambassadeur Jean-Pierre Edon: « Si l’appellation Bénin n’est pas satisfaisante, on peut la changer mais pas pour readopter Dahomey »


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Ambassadeur Jean-Pierre Adelui EDON

RHETORIQUE INOPPORTUNE DU RETOUR DU BENIN AU DAHOMEY
La presse nous apprend que la cour constitutionnelle s’est déclarée incompétente pour apprécier le changement de la dénomination du Benin pour revenir à l’ancienne appellation DAHOMEY. Le Béninois moyen se pose la question de savoir l’intérêt de cette rhétorique à un moment où le pays est confronté à beaucoup d’autres préoccupations telle que la flambée des prix des produits alimentaires, la restauration de la paix, la reconstruction de l’unité nationale qui a pris un coup durant ces dernières années.
Je voudrais rappeler que le nom DANHOME (Dans le ventre de Dan) que le colon a transformé à Dahomey ne concernait que les royaumes d’Abomey, Allada et Porto¬ Novo, comme l’a si bien souligné le professeur Leon Bio Bigou. A un moment donné, même Porto-Novo ne se sentait pas à l’aise dans la dénomination “Dahomey” propre à la zone du Zou actuel. C’est la raison pour laquelle le Président Sourou Migan Apithy avait au programme de changer le nom du pays mais malheureusement l’instabilité politique permanente ne lui a pas permis de le faire.
Le régime révolutionnaire qui a pris le pouvoir en Octobre 1972, a senti à la suite de trois années d’exercice du pouvoir, la nécessité de changer le nom du pays. En dehors d’autres régions du Sud, tout le Nord du Benin à partir de Dassa ne se reconnaissait pas dans “Dahomey”.
Une tentative de sécession du pays avait même été envisagée par la partie septentrionale qui voulait se constituer en un pays différent du Dahomey. Le nom du nouveau pays circulait déjà de bouche à bouche, ce qui n’était pas une bonne chose. Il fallait y mettre fin et réconcilier tous les enfants du pays.
C’est dans ce cadre que, soucieux de faire vivre en harmonie le peuple béninois dans sa diversité, et de réaliser l’unité nationale, en se débarrassant des vestiges de la colonisation, le régime révolutionnaire a procédé en Novembre 1975 au changement du nom pour adopter “Benin”. Selon l’historien Bio Bigou, c’est pour « limiter certaines frustrations et construire une véritable nation ».
Cette dénomination n’a pas été adoptée au hasard. Elle a un sens et relève d’un fait historique important. En effet avant la colonisation, l’empire du Benin couvrait une bonne partie de l’Afrique de l’Ouest s’étendant du Nigéria jusqu’au Mali. Puissant et bien organisé, cet empire, bouleversé par la colonisation, jouissait d’une brillante civilisation. C’est en sa mémoire que les Autorités d’alors ont décidé de donner ce nom à notre pays. Le Nigeria a même une ville dénommée Benin City, ce qui prouve l’attachement de beaucoup de pays de notre aire géographique à ce passé historique glorieux.
Tout pays de la région ouest africaine comme le Togo, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Libéria etc. … pouvait, a juste titre, se réclamer du Benin. D’ailleurs, le Togo s’apprêtait à se renommer “Benin” quand en Novembre 1975 le Dahomey l’a innocemment devancé. A cette occasion, le Président Gnassingbé Eyadema, malgré sa solide amitié avec son collègue du Benin, avait boudé le Président Mathieu Kérékou pour être allé plus vite que lui. Ce n’est pas pour rien qu’à sa création en 1968 l’université du Togo s’appelait Université du Benin. C’était un processus qui aboutirait à changer Togo en Benin.
Je partage le juste point de vue du professeur Leon Bio Bigou lorsqu’il a exprimé son opinion en disant que : « le nom Dahomey a été une imposition de la puissance coloniale française que n’acceptaient pas les royaumes du bas et moyen du pays, encore moins ceux de l’ensemble du vaste territoire du Nord. C’est l’une des raisons de l’instabilité politique chronique que le pays a connue. C’est aussi l’origine de l’ethnocentrisme et du régionalisme en politique nés à Porto-Novo avec les Goun à l’égard des Fon d’Abomey ».
Tout est dit ici par le professeur historien et ce serait dommage de ne pas en tenir compte si tant est que l’on est réellement attaché à l’unité nationale. Le citoyen qui a saisi la cour constitutionnelle de cette question semble, à première vue, être animé de bonne intention, mais il a évoqué des raisons légères non convaincantes et non valables. C’est à juste titre que la cour s’est déclarée incompétente. Tout laisse à croire que derrière ces raisons se cachent d’autres motifs inavouables qui ne sont rien d’autres que le régionalisme et l’ethnocentrisme. Or ces deux maux avaient été bien réglés pendant la période révolutionnaire.
Dans la vie il faut éviter de vivre dans le passé pour avancer. Celui qui n’avance pas recule, dit-on. Evitons donc à notre pays de reculer au moment où le Chef de l’Etat fait tout pour assurer un véritable développement de la nation béninoise.
Il ne faudrait pas que les oiseaux de mauvais augure poussent le Chef de l’Etat à tomber dans ce piège qui n’honore personne. Je le connais très intelligent pour éviter de mettre les pieds sur un terrain mouvant qui mettrait en péril l’unité nationale.
Je ne suis pas a priori opposé au changement de nom du pays, encore que cela ne sert à rien de le faire tout le temps. Si l’appellation “Benin” n’est pas satisfaisant, on peut le changer mais pas pour réadapter DAHOMEY dans lequel tous les Béninois ne se retrouvent pas.
On peut trouver une autre appellation à connotation réellement nationale. Ceci ne signifie pas que je partage l’idée de la débaptisation du pays. Ce n’est qu’une illustration. Du reste, cet exercice n’est aujourd’hui ni une nécessité, ni une priorité, encore moins une réforme salutaire. Si c’était nécessaire et digne d’intérêt, la conférence nationale de 1990 l’aurait souverainement décidé et ce serait fait depuis lors, comme ce fut le cas du drapeau national.
On semble oublier que le changement de nom à un pays a un coût. Pourquoi ne pas faire économie de cette incidence financière pour résoudre certains problèmes d’ordre social dans un pays où le taux de chômage est élevé et certains citoyens ont du mal à s’assurer un repas par jour.
Le retour du Bénin au Dahomey est inopportun et inutile. Il est source de frustrations. Évitons d’en distraire le Chef de l’Etat en ce moment où il s’organise pour conférer à son second mandat un caractère hautement social en cette période où la paix et l’unité nationale connaissent d’importantes perturbations.
Par les temps qui courent il s’avère important de nous atteler aux tâches qu’appelle le développement et de mettre de côté tout ce qui pourrait constituer un goulot d’étranglement à la reconstruction nationale.

Jean-Pierre EDON
Ambassadeur, spécialiste des questions internationales

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