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Le triomphe de la vérité

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Edito: La fuite des cerveaux


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Le Fonds Monétaire International (FMI) a tiré la sonnette d’alarme cette semaine. Dans son nouveau rapport sur « Les perspectives de l’économie mondiale »,  la plus grande institution financière du monde a indiqué que le  nombre de travailleurs qualifiés quittant l’Afrique subsaharienne augmente rapidement et constitue une véritable « fuite des cerveaux » qui pénalise le développement du continent. Le nombre de ces travailleurs qualifiés pourrait passer de 7 millions en 2013 à 34 millions en 2050, selon le FMI.
« L’immigration de jeunes travailleurs qualifiés fait peser un lourd tribut à une région au capital humain déjà rare », s’alarme l’institution. Quoi que l’on dise, tous ces jeunes qui s’en vont,  constituent une source importante de devises et de soutien pour leurs familles restées au pays. Si l’on ne prend que le cas du Bénin, une enquête dont le rapport a été publié en mars 2012 par l’INSAE et la BCEAO révèle  que les transferts reçus par les ménages en 2011 sont de l’ordre de 138,97 milliards FCFA. Ces fonds proviennent principalement des émigrés  salariés (44,06%) et ceux exerçant une profession libérale (34,64%).  Les transferts reçus par les ménages, proviennent essentiellement de la diaspora résidant en Afrique (62,68%) et en Europe (29,15%), principalement en France (20,06%). Pour ceux qui en doutaient encore, ces chiffres montrent clairement que nos frères et nos sœurs qui, au prix de leur vie, s’en vont chercher le bonheur ailleurs, contribuent énormément à l’économie locale. Je connais beaucoup d’élèves et beaucoup d’étudiants par exemple qui n’auraient pas pu continuer leurs études sans l’apport de celui qui est parti. Non seulement, cet apport est supérieur à l’aide publique au développement, mais il constitue également une réserve de changes pour le pays.
Il en est de même pour la plupart des pays d’Afrique subsaharienne. Au Cap Vert, pays qui a réussi à sortir de la liste des pays les moins avancés, ces fonds sont actuellement  la deuxième source majeure de devises pour le pays. En 1995, ils faisaient jusqu’à 20% environ du PIB.  Un cas tout aussi significatif, c’est le Sénégal dont les migrants ont envoyé au moins  930 milliards de  CFA francs en 2015, représentant plus de 10% du PIB, selon les données de la Banque Mondiale. Voilà un pays, le Sénégal, où les jeunes rêvent presque tous de s’exiler. Pour ce faire, ils doivent faire 1200 km à travers l’effroyable désert du Sahara, miné par des gangsters et écrasé par un soleil d’enfer, avant d’atteindre la Libye d’où ils espèrent rejoindre l’Europe. La mer Méditerranée en engloutit des milliers chaque année, compte non tenu des milliers autres qui meurent dans le désert, de soif et de faim s’ils ne sont pas tués par des braqueurs. Malgré cela, et malgré les campagnes de sensibilisation et surtout les avertissements de ceux qui ont échoué en Europe, les mirages de l’occident ne cessent d’attirer de plus en plus de jeunes déterminés.
Si ceux qui s’en vont dans ces conditions effroyables sont souvent des travailleurs non qualifiés, ceux dont parle le FMI sont des ingénieurs, des médecins, des enseignants, des avocats, des informaticiens, des banquiers… Ce sont des diplômés dont beaucoup seront chauffeurs de taxi, serveurs de bars, étudiants à vie : ils préfèrent ces métiers qu’ils ne pourront jamais exercer dans leur propre pays, au fardeau  de devoir rester sans espoir dans un pays qui sombre. Ce sont des élites formées à grands frais sur le budget national et qui, pour la plupart, ne reviendront plus jamais travailler dans leur propre pays. Ils préfèrent vivre aux prises avec le racisme primaire des blancs, affronter le rabaissement et le déni d’humanité, les injures de toutes sortes pour eux et pour leurs enfants, des outrages contre lesquels ils n’ont que la force de leurs âmes pour résister.
Ceux qui partent mais ne reviendront jamais que pour les vacances, sont pourtant la matière grise dont nous avons besoin pour lancer notre progrès. Si tous les ingénieurs s’en allaient, si nos informaticiens les plus chevronnés partaient, si tous nos médecins prenaient la route de l’exil, ce pays serait laissé à l’abandon.  Et mourrait sous les moqueries éternelles de ceux qui nous ont avilis. Cette hémorragie est simplement la traite négrière du XXIème siècle. Elle est la continuation, plus intelligente et plus insidieuse  de ce qui se passa jadis pendant trois siècles. Trois cents ans ! A quand la fin de l’éternelle mutilation ?

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