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Le triomphe de la vérité

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Interview de Timothée Akpovo, alias “Timo, Papa La Guitare”: « Mon rêve, c’est de revenir sur la scène pour conseiller les jeunes »


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timo-la-guitareIl a fait fureur     avec son  album “Assiba” dans les années 60. Un titre issu des entrailles de ses inspirations,  à la suite de sa brutale rupture d’avec sa compagne de l’époque, Assiba.  Il s’agit de l’ancienne gloire de la musique béninoise, Timothée Akpovo, connu sous le pseudonyme de “Timo, la guitare”. Il rêve de revenir sur la scène avec de nouvelles compositions, malgré ses 82 ans révolus d’âge. Et il faut l’entendre  chanter pour comprendre qu’il a toutes les potentialités pour concrétiser ce rêve.  Un rêve qu’il a dévoilé dans cette interview qu’il nous a accordée. Une interview saisissante qui dévoile d’ailleurs tout sur l’artiste. Et ceci,  en présence de  son manager, Auguste Amoussou et de son producteur, le spiritualiste,  Maître Sylla. Découvrez donc.

L’Evénement Précis : Une certaine génération de Béninois vous connait comme une ancienne gloire de la musique béninoise. Si on doit retracer votre parcours, qu’allons-nous retenir ?

Timo, Papa La Guitare : Mon parcours, c’est très simple. Mon enfance, je l’ai passée au Congo  Kinshasa. J’avais suivi mon père qui était  un commerçant. C’est là où j’ai appris à jouer à la guitare. C’était dans les années 50. J’avais joué avec Franco et bien d’autres. Mais c’est feu Antoine Wendo  qui m’a appris à jouer la guitare.

Pourquoi vous vous faites appeler “Papa La Guitare ?

Tout simplement parce que c’est un instrument que j’adore.

Il vous a fallu combien de temps pour savoir jouer la guitare que vous aimez si tant ?

C’est en six mois que j’ai su jouer la guitare. Et si vous l’avez à la maison et que vous vous y appliquez tous les jours, vous devenez  meilleur. Et quand j’ai fini de l’apprendre, j’ai intégré le groupe qui me l’a appris. Il s’agit du groupe Ok Jazz. On est resté ensemble de 1950 jusqu’en 1960. On avait un orchestre avec lequel nous participions aux différents événements sur lesquels, nous étions invités. J’y jouais la guitare et parfois je chantais aussi. Après ce parcours, au temps de l’indépendance en 1960, je suis revenu au bercail. Arrivé à Ouidah d’où je suis originaire, j’ai constaté qu’il n’y avait pas d’orchestre. J’ai alors  posé le problème à quelques amis qui m’ont compris et m’ont acheté des instruments de musique. J’ai constitué alors un orchestre  que nous appelions “Les super Stars de Ouidah” avec eux et on a commencé par jouer. C’était en 1960. Nous avons parcouru plusieurs pays tels que le Togo, le Ghana et le Nigéria où nous étions sollicités. C’était le tout premier orchestre de Ouidah. C’est après  cet orchestre que deux autres ont été formés.  Mais avec le temps, les préoccupations des uns et des autres n’étant plus les mêmes, le groupe s’est éclipsé.  La cause fondamentale de la cassure de ce groupe, c’était surtout des questions d’argent. Les gens estimaient que ce que nous gagnions n’était pas équitablement partagé. Aussi, la musique ne nourrissait pas son homme. Or, chacun de nous avait une famille à nourrir. Il y avait eu alors des désunions et des incompréhensions au point où chacun a dû prendre son chemin. C’est ainsi que j’ai formé un autre   orchestre appelé Jazz King Band. Ça aussi n’a pas fait long feu.

Vous avez été surtout révélé au public béninois à travers votre chanson, “Assiba”. Comment avez-vous eu cette inspiration ?

Je dirai que c’est un cas vécu.

Parlez-nous-en

En réalité, “Assiba est une fille que j’aimais beaucoup. A l’époque, on était des copains et copines. Quand j’allais jouer quelque part, elle me suit toujours. Je travaillais, cumulativement avec ma carrière musicale, dans une boulangerie. Mon patron me reprochait de poursuivre deux lièvres à la fois. Ce qui n’est pas bien selon lui. Il me demandait de choisir entre la musique et mon travail de boulanger. J’avoue qu’à l’époque, la musique  m’absorbait beaucoup, au point où parfois, je ne viens pas au boulot. Il m’observait et me faisait toujours des reproches. Un jour, après une énième absence, il m’a viré. C’était en 1964. J’avoue que je ne m’y attendais pas du tout.  J’étais donc vraiment surpris par cette décision de licenciement prise par mon patron. Arrivé à la maison, j’ai informé Assiba de mon licenciement. On avait parlé mina.  Et pour toute réponse, elle m’a servi sèchement : « Qui va rester dans ça ? Tu as donc effectivement perdu ton travail ? S’il en est ainsi, alors, moi je suis partie. Je te quitte». Moi, je prenais ça pour de la blague. Effectivement, sur le champ, elle n’est pas partie. Nous avons continué de faire le chemin ensemble. Un jour, revenu d’une prestation à Lagos, au Nigeria, je lui ai apporté du pain et bien d’autres choses comme j’en ai l’habitude. Au dehors, j’ai vu ma feue, ma maman et je l’ai saluée. C’est alors qu’elle m’a informé qu’Assiba était venue avec voiture et a ramassé tout ce qui se trouvait à l’intérieur de notre chambre et est partie. Je n’y croyais pas toujours. C’est ainsi que j’ai ouvert la porte et effectivement, j’ai découvert qu’il n’y avait plus rien dans la chambre. Alors, j’ai interpellé ma maman : « maman, et ma guitare » ? Et elle m’a répondu : « tu as de la chance. Regardes derrière la porte. Ta guitare est là ». J’étais complètement effondré. Tous les objets que j’avais dans ma main étaient tombés. C’était vers 1964. Quand je viens à la maison, je vois un vide dans la chambre. Pour autant, je ne me suis pas découragé. C’est dans cette solitude que je me suis rappelé du mot de passe qu’elle et moi avions.  Elle me disait : « Timo, ne me quitte pas ». Et moi aussi je lui retourne : « Assiba, toi aussi, ne me quittes pas ». C’est ainsi qu’un matin, j’ai pris ma guitare et j’ai commencé par la  pincer. J’entends dans les notes, le refrain suivant : “mais l’amour ne s’achète pas”. J’ai repris ça trois fois et j’ai chanté par la suite : « Assiba, tu m’as quitté, mais l’amour ne s’achète pas ». Voilà comment j’ai banalement composé cette chanson qui a accroché tous les mélomanes. Lorsque que je l’entonne dans mes prestations, les gens se rapprochaient de moi pour me demander de le mettre sur support. On avait à l’époque un producteur à qui j’ai fait appel pour lui soumettre le projet. Il a accepté et on a sorti un album de 10 titres. J’ai donné comme titre à cet album, “Assiba, l’amour ne s’achète pas”. Ça a été réalisé sur un support de 45 tours utilisé à l’époque.

Suite au succès qu’avait connu cet album à l’époque, quelle avait été la réaction d’Assiba ?

Elle m’avait condamné d’avoir clairement utilisé son prénom comme titre de cette chanson phare. Elle m’avait dit que j’aurais pu utiliser le prénom Akouavi et d’autres. Et je lui ai dit que j’ai juste utilisé son prénom parce que c’est ainsi qu’elle s’appelle. Elle avait envie de revenir, mais je me suis dit que le temps passé ne revient plus. Finalement, elle est décédée, en 1993.  Je dis paix à son âme. Je précise que nous avions, je veux parler des “Supers Stars de Ouidah”, à notre actif, trois différents albums. Mais c’est Assiba qui a réellement eu du succès.

Qu’avez-vous gagné sur cet album qui a connu un franc succès ?

En termes d’argent, je dirai qu’on a rien gagné. Mais ça nous a permis de rendre plus visible les Supers stars et de donner plus de visibilité à notre ville qu’est Ouidah.

Visiblement, vous êtes en train de revenir sur la scène. Quelles sont vos motivations ?

En réalité, je n’ai jamais cessé de composer des chansons. Mais je suis en train de revenir sur la scène parce qu’un jour, un cousin à moi, est venu me voir pour me proposer de passer sur l’émission “Hanlissa” de la télévision Canal3, animée par Aubin Akpohounkè. Etant donné  que c’est une émission qui recevait les anciennes gloires de la musique béninoise qui sont encore en vie. Ce que j’ai accepté. L’équipe de Hanlissa est alors venue chez moi et j’ai entonné la chanson “Assiba”. Ils étaient tous étonnés d’apprendre que c’est moi qui l’ai composée. Ils m’ont fait comprendre que beaucoup me donnaient pour mort déjà. Je leur ai alors expliqué toute l’histoire de cette chanson. Après l’émission, j’ai été encore invité sur une autre émission sur Ado.TV. Et c’est là que j’ai fait la connaissance  d’un autre producteur qui, épaté par mes nouvelles chansons, a pris la décision de me reproduire. Nous avons déjà beaucoup évolué sur ce projet et je crois que bientôt, mon nouvel album va sortir.

Que peut-on retenir de cet album que vous vous apprêtez à sortir ?

Cet album est pratiquement le “petit frère de l’album “Assiba”. Le titre phare de cet album est baptisé “Zèdémè”. Il est fait de la rumba et de la salsa. C’était des rythmes qui ont beaucoup influencé notre génération et dont nous ne pouvons plus nous départir.

Ne pensez-vous pas, qu’il est important aujourd’hui que, de par vos expériences, vous vous inscriviez dans la logique d’une musique de recherche pour pallier le manque d’identité musicale que vit le Bénin depuis des années, maintenant que vous voulez revenir sur la scène ?

Je suis d’accord avec vous. Mais je vous donne un exemple. Comment voulez-vous qu’un menuisier aille réparer une voiture à la place d’un mécanicien, et vice versa ?  C’est pour vous dire tout simplement que ça va être très difficile pour nous autres. Surtout que nous avons un âge très avancé.

Avec votre permission, nous allons nous intéresser un peu à votre vie privée. Après cette rupture brutale avec Assiba, vous avez certainement refait votre vie, n’est-ce-pas ?

(Il rit un long moment et répond à la question) : Oui, tout à fait. Vous savez que nous les artistes, nous sommes comme des abeilles non ?

Voulez-vous dire que vous êtes polygame

(Il rit encore longuement et répond) : Oui, je le suis. Je suis un polygame très heureux d’ailleurs.

 Ah bon ? Parlez-nous-en alors

Je le dis simplement parce que je pense que lorsque vous disposez de votre foyer, il faut être bien ferme sur certaines choses.

Voulez-vous dire que le polygame doit être dictateur ?

Non. Je voudrais dire qu’il  de la rigueur. Ça passe ou ça ne passe pas.

Vous avez combien de femmes ?

S’il faut parler de femme, j’en avais jusqu’à cinq.

Combien vivent-elles actuellement sous votre toit?

C’est une seule femme. Mais malheureusement, elle  est aussi décédée. (Il respire profondément et poursuit) : elle est décédée des suites d’une complication d’accouchement. L’enfant aussi est mort. Et elle  m’avait  laissé une fille de trois ans.  Cette fillette de l’époque est actuellement en 4ème année  à  l’Université et je me suis personnellement occupé d’elle depuis son enfance jusqu’à ce jour.

Depuis le décès de cette seule  femme qui a fini par rester avec moi, j’ai juré de ne plus m’épouser. J’ai en tout, 10 enfants. Il y a un qui est décédé, paix à son âme. Donc, il me reste aujourd’hui 9 enfants, 5 filles et 4 garçons.

Vos enfants vous comblent-ils bien ?

Ils me comblent très bien. La preuve, là où je vis actuellement, ce sont eux qui me l’ont construit. Si vous y entrez, vous croirez chez Obama. Mais ce qui me fait mal chez eux, c’est qu’ils ne sont pas en train de réaliser ce qui était un rêve pour moi. C’est-à-dire qu’aucun d’entre eux ne s’intéresse à la musique. J’ai tout dit, mais personne parmi eux ne veut m’emboiter les pas. Ce qui veut dire que quand je mourrai, j’emporterai ma guitare.

Quel est votre plus grand rêve aujourd’hui ?

Mon rêve aujourd’hui, c’est de sortir tout ce que j’ai actuellement comme composition pour conseiller les jeunes sur les comportements à adopter pour vivre une vie comblée. C’est-à-dire que je veux revenir sur la scène.  (A ces propos, il entonne le morceau phare de son album “Zèdémè” qu’il s’apprête à sortir. En résumé, il s’agit d’un coup de gueule contre la femme infidèle qui promet d’accrocher les mélomanes).

 Propos recueillis par Donatien GBAGUIDI

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