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Le triomphe de la vérité

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Entretien exclusif avec l’ancien président de la République et maire de Cotonou: Nicéphore Soglo fait des révélations, l’après-Yayi, la lépi, la Rb …


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Le Président-maire de la ville de Cotonou, Nicéphore Dieudonné

Le Président-maire de la ville de Cotonou, Nicéphore Dieudonné

Après quelques mois de silence, l’ancien président de la République, aujourd’hui maire de Cotonou, a accepté de se confier à la presse. C’est dans son bureau, à l’hôtel de ville, qu’il a reçu l’équipe composée de journalistes de l’Événement Précis et de Nokoué. Il s’agira d’une série d’entretien dont la première partie que voici. Occasion pour l’ancien président d’évoquer les principaux sujets de l’actualité nationale et internationale. Il affirme travailler déjà pour après le départ du président Yayi BONI du pouvoir dans le sens de contribuer à la résolution des problèmes qui se posent à la nation. Un long entretien à bâtons rompus sans état d’âme et sans langue de bois. Il n’a pas manqué d’évoquer la maladie de la présidente Rosine Vieyra Soglo, ses activités à la mairie de Cotonou, ses voyages à travers le monde.

L’Evénement Précis :  Les Béninois ne vous ont plus entendu ces derniers jours malgré les nombreuses difficultés auxquelles le pays est confronté depuis quelques années

Nicéphore Soglo: Merci de m’offrir les colonnes de vos organes de presse. Votre remarque relève peut-être d’une apparence, sinon j’ai eu une activité intense depuis plusieurs mois aussi bien pour le compte de la ville de Cotonou que pour  le pays. Les médias n’ont pas été associés à certaines initiatives du fait de leur caractère sensible. Si vous voulez parler des péripéties au sein de la classe politique, sachez que beaucoup de choses ont été faites. Personnellement, j’ai rencontré plusieurs acteurs de premier plan. Je peux vous parler de la concertation permanente entre les anciens chefs de l’Etat. Nous sommes des personnes d’un certain âge; notre rôle ne se résume pas à un activisme visant à ravir la vedette aux autres acteurs de la vie publique. Je rencontre beaucoup les populations soit ici à mon bureau à la mairie de Cotonou soit sur le terrain. Plusieurs de nos initiatives ont aidé à arranger beaucoup de choses pour les intérêts du pays sans qu’on s’épanche dans les médias.

Par ailleurs vous n’êtes pas sans savoir que la présidente Rosine Vieyra Soglo a eu quelques ennuis de santé qui ont expliqué mon absence du territoire national durant plusieurs semaines. Heureusement qu’elle se porte beaucoup mieux à présent. Mais nous n’en demeurerons pas moins, elle et moi, très préoccupés par la situation politique de notre pays.

Comment entrevoyez-vous la sortie d’impasse surtout en ce qui concerne les élections?

Je viens de vous dire que j’ai pris des initiatives avec d’autres pour que les choses puissent évoluer. L’essentiel, ce n’est pas la compétition autour des propositions ou des initiatives de sortie de crise. Vous n’attendez certainement pas de moi que je me mette à étaler devant vous des approches miracles. C’est heureux de constater que des responsables d’institution se parlent et qu’on s’achemine vers une sortie d’impasse en ce qui concerne l’achèvement de la correction du fichier électoral. Les différentes phases des opérations prévues se déroulent actuellement sur toute l’étendue du territoire national. J’ai tenu à ce sujet plusieurs séances de travail avec mes collaborateurs au niveau de la municipalité de Cotonou. Les membres du Cos/Lépi et de la Céna ont effectué des tournées sur le terrain. Quelque chose semble poindre à l’horizon et nous veillons sur l’évolution de la situation. J’en ai discuté avec le président ZINSOU il y a quelques jours seulement. N’attendez pas que j’en dise plus pour le moment.

Vous semblez également très silencieux à propos du débat sur le troisième mandat du chef de l’Etat Yayi Boni et sur les tentatives de révision de la constitution

N’attendez pas de moi que je me jette dans cette querelle de bas-étage. Tous ces débats autour de la révision de la constitution m’amusent et me désolent à la fois. J’étais au cœur de toutes les tractations à la conférence nationale puis au cours de la transition et je mesure l’ampleur des sacrifices ayant abouti au consensus réalisé autour de l’actuelle constitution. Je peux me targuer de connaitre assez bien mes compatriotes aujourd’hui pour vous dire que la démarche adoptée pour aller à cette révision était vouée à l’échec. Sous le régime précédent les gens se sont rendus comptes des mêmes difficultés à réviser et ont dû abandonner le projet avant même de le soumettre à l’épreuve. Vous aurez l’occasion de découvrir la capacité de ce peuple à veiller sur ses acquis démocratiques. Moi je ne suis plus à l’étape du débat autour d’un prétendu projet de révision de la constitution. De toutes les façons, nous avons prévu deux mandats et il y aura un nouveau président en 2016. Ce n’est pas en s’invectivant autour d’un projet inopportun, mort-né et mal engagé qu’on va préparer l’alternance. L’après Yayi, ça se prépare, dès maintenant.

Mais votre parti participe à l’actuel gouvernement. Comment pouvez-vous parler déjà de l’après-Yayi alors qu’il reste plus d’un an pour la fin de mandat?

Vous pensez que l’avenir du Bénin se résume à la durée d’un mandat? On aurait dû vous apprendre que mon travail pendant des années fut de redresser les pays en difficulté pour ne pas dire les pays en faillite durant mon passage à la Banque Mondiale. Pour la petite histoire, sachez que je n’ai pas attendu la conférence nationale avant de me faire une idée sur la manière de redresser le pays en banqueroute totale et en proie à une dictature militaro-marxiste. C’est   cette prédisposition qui nous a permis de mettre le pays sur les rails dès que les délégués à la conférence m’ont désigné pour conduire la transition. Vous avez pu voir tous les chantiers ouverts en quelques mois seulement avec la remarquable équipe qui nous a accompagnés. Tout ceci en synergie avec un peuple formidable qui a retrouvé sa dignité et la foi en l’avenir.

Dès que nous avons quitté le pouvoir dans les conditions que tout le monde connaît désormais, nous nous sommes également mis au travail pour préparer notre éventuel retour aux affaires. Mais c’était sans compter avec la Cour constitutionnelle dont les tares et avatars sont encore d’actualité aujourd’hui.

Ensuite il y a eu l’arrivée de Yayi supposé proche de vous puisque c’est vous qui l’avez proposé comme président de la Banque Ouest Africaine de Développement (Boad) lorsque vous étiez président de la République. Pourquoi vous ne lui avez pas proposé votre expertise?

En effet, c’est dans la même logique de redressement national après la décennie chaotique qui a suivi mon départ du pouvoir que nous lui avons proposé un accord politique global, ensemble avec plusieurs autres forces politiques, autre que la Renaissance du Bénin. Il fallait recommencer à colmater les brèches de l’édifice fortement ébranlé à l’époque. Plusieurs indicateurs étaient ramenés au rouge et en appelaient à des mesures conséquentes. Nous avions constaté que tous les efforts entrepris déjà dès la transition de 1990 puis lors de mon mandat jusqu’à mon départ du pouvoir en 1996, tous ces efforts, disais-je, avaient été réduits à néant en 2006. Il fallait de nouvelles dispositions axées sur les problèmes des jeunes, des femmes rurales, des travailleurs, le renforcement des acquis démocratiques, la réhabilitation de nos institutions etc. C’est dans ce cadre que l’accord politique avec le nouveau pouvoir est intervenu. Nous y réfléchissions plusieurs années avant.

En 2011, également l’UN s’était paré des meilleurs instruments pour s’attaquer aux questions du développement à la base. Dès le premier conseil des ministres après la victoire, la nouvelle équipe pouvait se lancer automatiquement à l’assaut des nouveaux défis sans tâtonner. Mais hélas; on ne va pas refaire l’histoire.

Je suis dans la même logique par rapport à 2016 pour l’après-Yayi pour lequel les réflexions sont assez avancées aussi bien avec des compatriotes qu’avec des amis à l’étranger. Ce n’est pas que je me propose d’être à nouveau candidat ou que je présage de soutenir forcément un candidat. Mais quel que soit le nouvel élu, il aura besoin qu’on lui apprenne le travail sans prétention aucune. Sur ce plan, il n’y a pas de place pour la tergiversation, l’amateurisme ou le marchandage. Il faut avoir les outils par lesquels on peut aborder les problèmes d’une nation en difficulté et tout de suite. A lui de décider par la suite de passer outre ou d’en tenir compte. Cela concerne tous les prétendants désireux d’assurer l’alternance en 2016. Ce n’est pas une fois élu qu’il faut chercher par où commencer.

Mes nombreuses activités à travers le monde me donnent l’opportunité de travailler sur la résolution des problèmes de développement partout sur la planète. Le devoir me commande de rester collé aux réalités de chez moi et d’anticiper en matière d’orientation des politiques nationales.

Et pourquoi cela n’a pas marché en 2006 avec le président Yayi ?

Je vous ai dit que nous avons obtenu avec lui un accord politique qui devrait servir de base à notre collaboration. Personnellement je ne cherchais et ne cherche d’ailleurs aucun poste dans cette affaire. Mais je vous avais dit que les mécanismes de redressement d’une économie nationale en crise étaient mon job. Je l’ai pratiqué à la Banque mondiale pendant plusieurs années. Il nous a fallu longtemps pour comprendre pourquoi ça n’a pas marché avec le gouvernement de Yayi BONI. Surtout avec l’apparition des contentieux judiciaires de plus en plus nombreux entre des entreprises privées et l’Etat, les scandales, les tensions sociales et politiques. Apparemment, les accords avec les acteurs politiques avaient été rangés dans les placards au profit d’autres accords avec des hommes d’affaires. L’argent est rentré dans tout et nous voici dans des tourments.

Vous pensez que cela marchera avec le prochain président?

Je ne pourrai jamais cesser de me préoccuper des réalités socio-économiques de mon pays. J’ai consenti d’énormes sacrifices personnels en m’occupant d’autres pays. Ce n’est pas avec mon pays que je ménagerai mes compétences. J’ai déjà dit qu’il appartient au futur président de tenir compte de mes avis ou de s’en passer. Mais j’aurais eu le mérite de lui avoir dit comment cela se fait et comment nous avions fait entre 1990 et 1996 pour redonner la dignité aux Béninois et offrir l’opportunité à beaucoup d’entreprises de gagner de l’argent honnêtement. N’oubliez pas que le frémissement de la société civile encore embryonnaire avait commencé à cette époque.

Que diriez-vous, au président de l’après-Yayi, comme vous dites?

Laissez-moi vous dire que moi aussi j’ai un patron. Il s’appelle Nelson Mandela. Je me suis beaucoup imprégné de sa doctrine à travers son combat, ses écrits et sa vie d’homme tout court. Je dirai au nouveau président de faire comme Mandela l’a fait dès qu’il est venu au pouvoir et que j’avais eu le privilège de faire avant lui. La première des choses c’est de ne jamais mentir à son peuple. Ce n’est pas le président de la République qui fait le développement mais l’ensemble du peuple. Et pour y arriver il faut le langage de vérité. Lorsque je suis arrivé au pouvoir je n’ai de cesse de rappeler à mes compatriotes d’où nous sommes partis : les 600 milliards de CFA non dévalués de dette, les 17 années de dictature sanglante, la vétusté de l’appareil administratif ainsi que le traumatisme de l’esclavage sur un peuple qui a connu 4 siècles de déportation. Je ne manquais jamais de le rappeler dans tous les discours. Certains s’en agaçaient. Il paraît que cela m’a même valu mon poste mais je me devais de rappeler cette réalité au peuple qui m’a tant soutenu lors des épreuves les plus douloureuses de ma vie. Il fallait définir une base claire à notre engagement réciproque.

Dites-nous alors à quoi se résume la vérité de l’après-Yayi puisque vous dites y avoir déjà réfléchi?

Cette vérité c’est d’abord l’affaire ICC services. Il s’agit de près de 156 milliards de CFA prélevés sur l’épargne privée selon une étude de la Banque Mondiale. Il ne saurait y avoir une restauration des grands équilibres économiques sans qu’on ne s’y penche sérieusement. Chaque citoyen concerné doit savoir s’il doit y renoncer définitivement et le classer dans les pertes ou s’il pourra recouvrer la totalité ou partie de son argent. Tant que vous n’avez pas soldé ces sujets-là, ils vont hanter tout votre mandat. Je ne parle pas de procès ou de chasse aux sorcières mais de vérité tout simplement. Lorsqu’on a fini de découvrir toute la vérité on peut choisir d’en faire ce qu’on veut.

Ensuite il y a les nombreux contentieux juridiques pour lesquels on évoque des centaines de milliards de dommages et intérêts à payer à des entreprises privées ou à des individus. Si vous n’intégrez pas ces données-là dans votre programme et que c’est en cours d’exercice qu’on vous sort des décisions de justice condamnant l’Etat à verser ces faramineux dommages et intérêts à des particuliers, c’est la catastrophe. Là aussi il faut chercher la vérité et le dire au peuple quoi que cela coûte et envisager la suite.

Il en est de même des scandales, du train de vie de l’Etat, des institutions budgétivores etc.

Vous pensez que tout cela est possible sans grincement de dents?

C’est le prix à payer pour avoir un mandat réussi. Il faudrait bien s’adresser aux différents interlocuteurs afin de susciter leur adhésion au programme mis en route. Les partenaires techniques et financiers, les partenaires sociaux, les jeunes au chômage, les femmes rurales, les exclus du système de production, tout le monde a droit à un minimum de transparence et de vérité.

Vous avez vu en France ce qui se passe ? Pendant que j’étais avec la présidente pour ses soins à l’hôpital à Paris, il n’y a pas ce jour-là où une catégorie de travailleurs ne descende dans les rues. Un jour, ce sont les médecins, le jour d’après ce sont les éleveurs, un autre jour les coiffeurs etc. Tous les jours, ce sont des remous sociaux. Hollande à son arrivée au pouvoir a caché aux Français que le pays croulait sous une dette record de plus de 200 milliards d’Euros, laissée par ses prédécesseurs. Il a fait croire à tout le monde que ce n’était qu’un problème de chômage et de croissance et qu’il était capable d’inverser la courbe. Il disait qu’il suffisait de faire payer les riches et tout ira bien dans le pays. Alors qu’il revenait à tous les français de se saigner pour rétablir les comptes de la République.

Après la vérité au peuple, que faut-il faire d’autre?

Là, je vous renverrai encore une fois à mon mandat dont le socle reposait sur le devoir de mémoire. La vérité, c’est pour lancer votre programme de gouvernement. Mais il faut redonner la dignité à vos compatriotes en leur rappelant leurs origines et leurs identités. Pour nous les Africains, c’est très important de s’imprégner des sacrifices de nos aïeux qui ont été déportés durant plus de 4 siècles. L’holocauste n’a duré qu’une dizaine d’années à peine et pourtant il est présent dans toutes les célébrations en Europe, aux Etats-Unis, en Israël partout en occident. Ne parlons pas des Japonais et des Chinois toujours en immersion permanente dans leurs passés respectifs. C’est dans ce cadre que mon gouvernement avait initié plusieurs actions à propos du devoir de mémoire notamment le festival Ouidah 92, la réactivation des projets sur la traîte négrière, la revalorisation des religions ancestrales avec l’instauration du 10 janvier consacré à ces divinités.

L’Afrique d’aujourd’hui se comporte comme si elle n’a jamais eu de passé, de culture ou de religion avant l’arrivée de l’étranger. Chaque fois que je passe par le Japon, mes amis de là-bas m’interrogent sur les raisons qui motivent les Africains à s’entretuer sur la base des religions venues de gens qui dans le passé les ont maltraités. En Centrafrique, on se tue au nom de l’islam et du christianisme, des religions de nos anciens maîtres. Jamais on ne se bat sur des croyances locales.

En plus de cette plongée en plein cœur de nos réalités culturelles, le prochain président doit poser la problématique de l’autosuffisance alimentaire par la production agricole. C’est en produisant pour nourrir les populations qu’il faut dégager du surplus destiné à la transformation, à l’industrie et éventuellement à l’exportation. La vérité, la culture puis l’agriculture ne se déroulent pas l’une sans l’autre; c’est un socle pour sortir le Bénin de ses difficultés économiques et sociales. Et je n’attends pas qu’on me sollicite avant d’y travailler. Je pars actuellement en Suisse pour le conseil d’administration de la fondation Sassakawa très connue dans le monde entier pour son implication dans le domaine de l’agriculture dans les pays pauvres. Son expertise a permis au Bénin de faire de grands progrès dans la culture des produits vivriers. Son appui nous a été très utile pour relancer la filière coton pour lequel nous avions été l’un des plus grands producteurs d’Afrique il y a encore quelques années. Cette fondation a été créée par trois personnalités de rang mondial dont l’un des plus célèbres ingénieurs que le monde ait connu, feu Norman Borlaug considéré comme le père de la révolution verte, puis l’ancien président des Etats-Unis, Jimmy Carter et enfin l’homme d’affaires japonais Ryoichi Sassakawa. C’est dire qu’en plus de mobiliser nos compatriotes à l’œuvre de redressement national nous devons taper aux bonnes portes.

Mais pourquoi attendre l’après-Yayi pour réaliser tout cela?

Ces préoccupations ne sont pas ignorées du gouvernement actuel. Il connaît mon engagement dans d’autres pays aussi bien africains qu’au-delà sur la dynamique du développement. Je vous ai parlé tantôt de l’accord politique avec des partis qui a été rangé au profit d’autres accords avec des hommes d’affaires. Mais ces déconvenues ne sauraient arrêter la réflexion et la marche du monde. Dans ce combat ce n’est pas la ville de Cotonou dont je suis le maire qui pourrait s’en sortir toute seule. Il faut que tout cela puisse s’intégrer dans une vision nationale et globale. Tous ceux qui ont choisi de s’investir dans cette dynamique devraient se rendre disponibles à tout moment. Mais vous comprenez que dans le contexte actuel où le pays court après des élections en retard on ne peut que se projeter sur le futur de la jeunesse. Notre responsabilité est de redonner espoir à ces jeunes et de les insérer dans la dynamique du salut national.

Mais en attendant il n’y a rien à faire pour cette jeunesse?

Il ne s’agit pas de distribuer de l’argent à nos étudiants ou diplômés sans emploi, comme cela se fait de nos jours à l’occasion de la propagande politique. Je parle plutôt d’un programme de gouvernement qui implique tous les citoyens. C’est impossible d’appliquer des solutions au cas par cas. Nous allons nous en sortir collectivement ou sombrer ensemble; c’est cela la crise économique et sociale. Lorsque la superstructure est atteinte, rien n’est épargné. C’est maintenant plus que jamais qu’il faut faire passer des messages aux futurs dirigeants pour que demain, ils ne disent pas qu’ils ne savaient pas. Même s’ils ne savaient pas, qu’ils sachent qu’il y a des gens qui savent et qui sont disposés à contribuer au nouvel ordre.

En dehors de ce message d’exhortation, qu’avez-vous encore à partager avec vos compatriotes?

Nous avons beaucoup de choses à partager. Vous aurez constaté que nous avons très peu parlé de la politique des villes et de la décentralisation au cours de cet entretien. Ce sont pourtant des domaines dans lesquels nous avons acquis une expertise énorme que nous mettons à la disposition de beaucoup de villes dans le monde mais que nous ne parvenons pas à exploiter chez nous du fait des blocages rétrogrades. J’étais encore, la semaine dernière à Kinshasa puis à Brazzaville. Le lundi prochain il y a une forte délégation de la ville japonaise de Yokohama, premier port japonais ; c’est l’une des plus grandes villes du monde avec qui Cotonou va entrer en relation de jumelage et de coopération. Le cadre de cette interview ne suffit pas à explorer tous les aspects du développement urbain. Une délégation de la ville de Cotonou séjourne en ce moment à Séoul en Corée du Sud. Vous pouvez vous poser la question de savoir à quoi servent toutes ces expériences accumulées alors que Cotonou croule sous les immondices, l’incivisme et le manque de moyens. J’aurai l’occasion de m’exposer plus longuement sur tous ces sujets directement face aux populations, pas dans une logique de propagande électorale mais dans un langage de vérité, conformément à l’option que je me suis faite de l’action politique.

Un mot sur la situation au Burkina Faso et sa révolution qui risque de faire tâche d’huile partout où il existe des velléités de modification des lois fondamentales en Afrique?

Une révolution? C’est vrai que j’ai entendu beaucoup de concepts depuis les événements en Tunisie jusqu’aux soubresauts à Ouagadougou. Je précise que le Burkina est une sorte de démocratie que les manifestants burkinabés entendent préserver grâce à l’effectivité de l’alternance. Si le régime n’avait pas cherché à forcer la révision de la constitution, le deuxième et dernier mandat de Blaise Compaoré, selon la constitution, serait allé à son terme prévu pour dans un an. C’est parce que les citoyens sont opposés à la modification des règles du jeu démocratique, qu’il y a eu ces événements douloureux. Apparemment le dialogue est renoué entre les différents acteurs pour sortir le pays de la crise.

Il est vrai que les violences ont fait dire qu’il s’agit d’une révolution. Je constate le penchant de la presse à trouver des printemps partout où il y a violence comme ce fut le cas du printemps arabe. Pourtant ce n’est qu’en Tunisie qu’on a observé quelques timides avancés diplomatiques depuis les soulèvements de Tunis. En Libye comme en Égypte, ce fut un fiasco total. Un printemps finalement bien limité.

Par contre, le Bénin a connu une vraie révolution en 1990 qui a impacté toute l’Afrique au sud du Sahara et même au-delà. Notre conférence nationale a été dupliquée dans plus d’une dizaine de pays avec des fortunes diverses. Aucun pays de la zone n’a pu échapper au multipartisme. Mais à l’époque, on ne parlait pas de printemps peut-être parce qu’il n’y a pas eu des morts et des casses dans les villes béninoises. Même le Burkina a connu son ouverture à la démocratie grâce à la révolution tranquille survenue au Bénin en 1990. Donc tous les régimes qui voudraient remettre en cause ces acquis majeurs vont être confrontés aux mêmes réactions que celles observées auprès des jeunes ouagalais en octobre dernier.

L’Afrique a d’autres défis plus grands que les trucages de constitution. Les statistiques nous promettent une augmentation de la population jusqu’à plus de 2 milliards d’habitants d’ici 2030. Il faut bien nourrir tout ce monde. Le conseil d’administration de Sassakawa prévu pour cette semaine en Suisse va se pencher sur cette question. Ce n’est donc pas le moment de distraire les peuples avec ces entraves à la démocratie dont l’une des règles principales demeure l’alternance au pouvoir.

 Réalisée par les rédactions des journaux L’Événement Précis et Nokoué

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