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Le triomphe de la vérité

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Spécial Dossier Sport 3: Salaires de misère, athlètes peu performants


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  • Sport au Bénin, les blessés abandonnés à leur sort

Ramanou1Ramanou Bissiriou a vu sa carrière s’arrêter  brusquement. En cause, une série de blessures qui ont contraint cet ancien sociétaire des Dragons de l’Ouémé à abandonner le gazon vert. Pourtant, Bobiza, comme on l’appelle affectueusement, avait une belle carrière. 1m90,  attaquant virevoltant et surtout doué d’une bonne pointe de vitesse, il a même été sélectionné à plusieurs reprises en équipe nationale pour les éliminatoires  de la coupe du monde et de la Coupe d’Afrique des nations. Mais aujourd’hui, l’homme est réduit à  faire de petits jobs pour vivre.
Un fatal accident
Arrivé aux Dragons en 1986, Ramanou Bissiriou va y passer 15 années de sa vie. Sa première blessure, il l’a eue lors d’un match de championnat à Porto-Novo. Par faute d’une prise en charge sérieuse, le mal s’empire.  Avec l’aide de quelques bonnes volontés dont le président Moucharaf Gbadamassi, Ramanou Bissiriou se rend en Côte d’Ivoire où après diagnostic, on lui révèle qu’il a un mal de genou dénommé Ménisque. Mais le traitement est hors de prix. De retour au Bénin,  il décide, malgré tout, de reprendre le chemin des stades. Cinq ans plus tard, en route pour Nikki en vue d’un match souhaité par le roi de la localité en marge des festivités de la Gani, survient l’irréparable. Le bus loué pour l’occasion, fait un grave accident à la hauteur de Kilibo. C’était dans la nuit du 13 décembre 1991.  Bilan, beaucoup de blessés dont Ramanou qui s’en sort avec deux doigts coupés sur place. Moussa Latoundji, assis à côté de lui, a aussi eu sa part de bobo.  Les médecins réussissent à suturer un doigt, mais  le second est définitivement mort. L’ancien sociétaire des Dragons le  garde d’ailleurs jalousement dans un bain d’alcool  jusqu’à ce jour. Le même accident réveille  le pied malade. Abandonné à son sort, il remue ciel et terre pour se soigner. Bobiza  parcourt alors tous les villages mystiques du nord Benin à la recherche de la guérison avec l’aide d’un coéquipier, AWALI FOUSSENI. « Pendant tout ce temps, l’Etat ne m’a donné que 12.000 FCFA », se rappelle l’ancien professionnel.  Perclus de désespoir, Ramanou tente d’apprendre un autre métier, celui de staffeur. Peine perdue.  Il vit aujourd’hui chez son feu père avec femme et enfants.  Après avoir connu la gloire des stades, le voilà aujourd’hui à vivre comme un ver sur une feuille.
Un cas loin d’être unique
Malheureusement, la situation de Ramanou rappelle celle de bon nombre de professionnels sortis des stades pour cause de blessures. Joseph da Silveira, président de l’académie sportive Ange Promo n’arrête pas de déplorer ces gâchis dus à l’absence  d’une réelle prise en charge des sportifs béninois. « Je me rappelle, dit-il, des cas de Zamba Raoul, do Régo Affiss, Gangbo Raoul et Houndjo Alphonse. Ce sont de grands noms que le football béninois a perdus à cause des blessures ».  Quand on en parle, le cas Yaya Raimi revient dans tous les esprits. Ancien attaquant des Dragons, il a eu deux blessures graves qui l’ont éloigné de la pelouse du stade Charles de Gaulle qu’il connaissait pourtant très bien. Avec un œil empoché et une fracture du tibia, il a été obligé de faire ses adieux à la haute compétition.
« En  1991, dit-il, il y a eu le  derby  Aiglons FC de Porto-Novo contre Dragons de l’Ouémé.  Au cours d’un débordement, j’ai été violemment taclé, et c’est fini ».   Pris en charge, il s’en sort  avec une déformation de la jambe droite. Sa chance, c’est d’avoir fait l’INJEPS après le Bac. Ce qui lui permet aujourd’hui d’être professeur d’EPS. Comme lui, une fois blessés, tous les anciens footballeurs ont été abandonnés et livrés à leur propre sort. Aujourd’hui, certains d’entre eux essayent de survivre mais d’autres se sont livrés à des vices pour oublier la dégradation de leur situation.

  • Entretien avec François Comlan, Secrétaire général de l’As Pczam,« Nous mettons la main à la poche et notre seul profit c’est la satisfaction morale »

Le monde du sport béninois semble se limiter au football. A défaut de bénéficier des mêmes privilèges de la part des autorités en charge du sport, des acteurs de plusieurs autres disciplines sportives se battent par passion. C’est le cas de François Comlan, Secrétaire général de l’Association sportive Pétanque club de la zone des ambassades, As Pczam, qui renseigne sur les conditions dans lesquelles ses pairs et lui tirent leur épingle du jeu.

L’Evénement Précis: Vous êtes le secrétaire général de l’As Pczam, un des plus importants clubs de pétanque du Bénin. Vous avez gagné cinq fois la coupe du Bénin et perdu deux fois en finale sur sept éditions. Pouvez-vous nous faire l’historique de ce club ?

François Comlan : Il faut noter que le club dont j’assume le secrétariat général existait depuis plusieurs années déjà avant son officialisation. En 2003, l’As Pczam est devenu officielle. C’était à l’occasion d’un match que deux clubs de pétanque de Gbéto et de Missèbo ont livré contre le Pczam. Au terme de cette rencontre, nous avons décidé d’unir nos forces en vue de mieux faire face aux nombreux défis qui minent la pétanque au Bénin. C’est ainsi que la fusion a eu lieu et depuis 2003, nous travaillons ensemble à l’édification d’un Bénin conquérant en pétanque.

Les joueurs affiliés à votre club sont-ils payés ?
La pétanque n’est pas professionnalisée au Bénin et nous n’avons pas les moyens de faire de nos joueurs des salariés. Nous ne comptons que sur nos propres moyens et nous ne pouvons nous en sortir si nous devions payer nos joueurs avec nos propres sous. Néanmoins, nous faisons de notre mieux en vue d’alléger la tache à nos joueurs. Ceci passe par des mesures sociales. Nous avions plusieurs réfugiés togolais à nos débuts. A défaut de leur garantir un salaire, nous les aidons à se loger et à joindre les deux bouts. La pétanque ne draine pas du monde tel que le football et les spectateurs ne payent pas pour suivre un match de pétanque. Alors, comme vous pouvez le constater, c’est très difficile de se faire de l’argent en la pratiquant au Bénin.

Comment trouvez-vous les fonds pour financer vos activités ?
Nous mettons la main à la poche. Avec le temps, notre sérieux a commencé par convaincre des sponsors. Mais nous sommes encore loin de l’El Dorado où nous pourrons bénéficier des fruits de la pratique de la pétanque comme les footballeurs, basketteurs et autres.
Quels profits tirez-vous de la pétanque ?
La satisfaction morale. Chaque compétition remportée fait notre renommée et ça nous encourage à persévérer. En matière d’argent, c’est nous qui dépensons. Chaque année, nous organisons huit à dix compétitions. Mais, c’est au prix de sacrifices. Car, nous nous battons pour donner l’occasion aux amoureux des sports boules de s’exprimer. Cela nous donne de la joie. Mais, à l’arrivée, c’est la seule chose que nous recevons. Comme anecdote, pouvez-vous imaginer un joueur de pétanque qui s’en va représenter le Bénin à la coupe du monde et se trouve incapable de laisser quelques menus sous à sa petite famille avant de prendre le vol. Quand nous voyons les moyens dont disposent les adversaires du Bénin lors des compétitions internationales, on ne peut que tirer un coup de chapeau à ces derniers.

Que diriez-vous en conclusion ?
Merci à ‘’L’Evénement précis’’ pour cette initiative salutaire. Nous prions les autorités à divers niveaux de ne pas continuer à se focaliser sur le football. La pétanque n’a pas besoin de milliards à l’heure actuelle. Avec un peu plus de moyens, les joueurs de pétanque du Bénin feront encore plus honneur à notre patrie. Car, avec presque rien, ils font trembler de grandes nations qui disposent de grands moyens. Alors, pouvez-vous imaginer ce qu’il en sera si on donnait les moyens aux joueurs de pétanque ?

Réalisation: Gaétan AVOGNON et José Mathias COMBOU

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