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Le triomphe de la vérité

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Edito du 08 novembre 2013: Du pétrole, et après ?


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logo journalChampagne et polémique ont accompagné les récentes découvertes de minerais au Bénin. Le tapage officiel a admis que notre pays possède une quantité de pétrole off shore estimée à environ 87 millions de barils. Et de fer évaluée à 500 millions de tonnes. On disait de notre pays qu’il était parmi les plus pauvres. Et pourtant, nous pouvons désormais hausser le ton : nous avons des mines.

         Remercions Boni Yayi pour sa ténacité. Il aurait pu abandonner ce rêve s’il n’avait écouté que les anciennes boutades de quelques chefs d’Etats africains se moquant de Mathieu Kérékou au moment où il se glorifiait de son demi-verre de pétrole. Mais des éléments précis nous permettent de mitiger cet enthousiasme, légitime certes, mais excessif.

 Le premier, c’est qu’on n’a pas besoin d’avoir des ressources minières pour se développer. Le Japon en administre la preuve depuis le XIXème siècle, lui qui n’a même pas de terres cultivables et qui est traversé régulièrement par les plus grandes catastrophes naturelles qui se puissent imaginer. Ici, on peut le dire, le potentiel humain éduqué, qualifié, discipliné et soucieux du bien public a comblé ce déficit naturel.

Le deuxième élément, c’est que les ressources minières sont des vecteurs de croissance économique. A preuve, les 20 pays d’Afrique identifiés par le FMI comme étant « riches en ressources naturelles » sont « dépendants des exportations », ce qui signifie que leur croissance est portée pour une bonne part par les ressources naturelles. Il suffit également de prendre l’exemple de la Guinée Equatoriale qui, entre 2000 et 2011, a été l’économie ayant connu la croissance la plus rapide du monde (avec une moyenne de 17 % l’an). En 2012, l’Angola, le Niger et la Sierra Leone ont surpassé la Chine, tandis que le Ghana, le Mozambique et la Zambie ont dépassé l’Inde.

         Le troisième élément, c’est qu’il existe une sorte de malédiction des ressources naturelles en Afrique. Malgré ce tableau, en effet, beaucoup de pays n’ont pas progressé, bien qu’ils soient richement dotés. Le Nigeria est le premier producteur africain de pétrole avec plus de 2,5 millions de barils par jour, mais figure encore dans le rang des Etats pauvres. Idem pour l’Algérie, premier producteur et exportateur de gaz en Afrique, en plus d’être deuxième producteur africain de pétrole. Ce n’est pas un pays développé. Il faut même s’étonner qu’un continent comme l’Afrique qui recèle 30% des ressources naturelles de la terre soit le continent le plus pauvre : 77% de la platine du monde, 21% du manganèse de la terre, 22% du diamant, 53% du cobalt, 16% de l’uranium…

         Il existe même des gisements qui défient l’imagination. En 2004, une société londonienne découvre en Sierra-Leone une réserve de fer estimée à 10 milliards de tonnes de roches à haute teneur. De grosses multinationales se font des profits énormes sur ces gisements. Parmi les plus importantes, citons Shell dont le revenu annuel en 2012 dépasse les PIB du Nigeria, de l’Angola et du Gabon réunis. On voit aisément la capacité de nuisance de ces entreprises qui ne reculent devant rien, devant aucune guerre, devant aucun assassinat ni aucune corruption pour se faire de l’argent. Ce sont des entreprises qui sous-évaluent presque systématiquement la capacité des gisements ainsi que leurs productions pour mieux tromper les Etats. Il n’y a pas à cet égard un cas plus scandaleux que celui de Glencore en Zambie. En dix années d’exploitation de l’énorme mine de cuivre de Mopani, elle a déclaré zéro bénéfice, au moment où la société elle-même basée aux Iles Vierges britanniques affichait des chiffres d’affaires pharaoniques.

         Parlons enfin de l’environnement. Une étude de 2011 menée par le PNUE dans le delta du Niger (au Nigeria) a révélé qu’à cause de l’exploitation pétrolière, des communautés entières sont obligées de boire l’eau de puits polluée au benzène, une substance cancérigène, à des niveaux 900 fois supérieurs aux recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé. Et la région est aujourd’hui l’une des plus pauvres du Nigeria, sans compter qu’une rébellion armée y gronde, en signe de protestation contre la misère faite aux habitants.

         Le remède absolu contre ces maux est la transparence et la vision à long terme. A cet égard, la loi américaine Dodd-Frank peut fournir un modèle du genre, pour que des sociétés off-shore ne bernent nos Etats en se faisant des milliards sur la misère de nos peuples. Que souhaiter d’autre, sinon que les industries extractives en gestation soient étroitement encadrées par un devoir absolu de transparence, de protection de l’environnement et de vision pour les générations à venir.

Olivier ALLOCHEME

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