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Le triomphe de la vérité

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Editorial:Pour l’emploi


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Le concours des impôts et de la douane fait rage. Par dizaine de milliers, les candidats vont à l’assaut des 250 postes en jeu dans différents secteurs de l’administration des impôts et de la douane, avec une fièvre qui trahit les inquiétudes. Par masses entières, les candidats, nombreux et désespérés, veulent tenter leur chance à cette loterie de Dieu, accrochés à l’espoir de saisir enfin le fameux sésame, celui de la fonction publique qui leur offre sécurité et privilèges à foison. C’est très beau. La semaine dernière, pour aller lire les affiches du fameux concours, il fallait se lever tôt. Une nuée de demandeurs d’emplois ont envahi la devanture du ministère de la fonction publique en y faisant une haie énorme…

Soigneusement cachés dans les tiroirs des ministères, les chiffres du chômage et du sous-emploi font peur. Si ce n’était pas la légendaire solidarité familiale ainsi que la détermination sans faille des jeunes béninois, les suicides seraient légions. Car, les familles constituent presque toujours la bouée de sauvetage des diplômés fraichement sortis des centres d’apprentissage et des universités.

Elles les accueillent et leur donnent un supplément de courage pour affronter les affres d’une vie passée presque sans vie. A l’injustice de la vie s’ajoute trop souvent celle des hommes qui se moquent de la situation du pauvre type obligé de vivre aux crochets de ses proches. Il en souffre et plonge dans le désespoir le plus noir, surtout lorsqu’il doit voir les autres partir chaque jour pour leurs différentes occupations professionnelles. L’existence oisive est alors vécue comme une humiliation et, parfois, comme une punition divine. Le jeune se culpabilise et peut verser dans les pires travers dont ses parents cherchaient précisément à l’épargner en lui assurant une éducation de qualité.

Bien souvent, c’est à l’âge de la retraite que surviennent ces crises, au moment où le père et la mère se retrouvent avec de maigres pensions de retraite, s’ils en ont. Réduits à broyer du noir, des milliers de jeunes guettent les moindres concours, les moindres offres d’emploi et y postulent par centaines voire par milliers.

Dans le meilleur des cas, ils deviennent des candidats parfaits pour le commerce informel, la vente du kpayo, les petits trafics avec le Nigeria. Les plus chanceux (et c’est la petite minorité) créent une PME familiale spécialisée dans le commerce. L’Etat qui déploie des efforts surhumains pour tuer les entreprises privées, s’en mêle peu après et réclame des taxes, des taxes et des taxes. Sans oublier le poids de la corruption presqu’endémique dans l’administration publique et l’état plus que critique du panier de la ménagère.

Dans ces conditions, peu d’entreprises survivent. Peu recrutent. Même alors, les recrutements s’opèrent sur des bases peu objectives avec des salaires très bas et des conditions de travail tenant de l’esclavage. L’entreprise au Bénin doit aussi compter avec les appels d’offres aux procédures labyrinthiques, les caprices de l’administration publique et la féroce concurrence du secteur informel. C’est dans cet univers enchevêtré que tout jeune béninois nanti d’un diplôme se débat avec l’énergie du désespoir.

Même si les pseudo concours sont de véritables poudres aux yeux, et que tout le monde le sait. Même si certains concours (douane surtout) sont connus comme les épicentres de tout ce que le Bénin a de corruption et d’ethnocentrisme. Cette variable identitaire qui cloue au pilori la compétence et l’intelligence voudrait privilégier une distribution régionale et ethnique des postes de l’administration publique en faisant un terrifiant pari sur l’avenir.

Ce mode de recrutement qui fait l’impasse sur la compétence installe au cœur de l’administration publique l’affairisme et la politique comme critère de promotion des travailleurs. Et je me demande toujours si les acteurs du système regardent l’avenir, s’ils ne voient pas que des gens recrutés avec si peu d’objectivité seront dans dix ou quinze ans des directeurs généraux, des ministres, des conseillers techniques…De quelle administration et pour quelle qualité ?

Les sans-emploi, quant à eux, survivent grâce à la charité populaire. Il y a un peu plus d’un an, le jeune Mohammed Bouazizi, Bac + 5 mais sans emploi dans un système qui l’a réduit à néant, s’est immolé par le feu en Tunisie. Il provoqua la révolution que l’on sait. Il y a une dizaine d’années, la Côte-d’Ivoire s’est embrasée sous la poussée d’une jeunesse désœuvrée manipulée par les forces politiques. Idem pour le Libéria il y a à peine 23 ans. Voulez-vous que je continue ?

Olivier ALLOCHEME

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