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Le triomphe de la vérité

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Editorial:Que personne ne vous trompe


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François Hollande a tressé une belle couronne de roses à la démocratie béninoise. Le président français s’est voulu très sympathique mardi dernier, lors de la conférence de presse clôturant l’entretien qu’il a eu avec Boni Yayi, en taxant le Bénin d’être une démocratie exemplaire. En dehors des paroles protocolaires d’un chef d’Etat français qui en sait vraiment très peu sur l’Afrique, il faut y voir un encouragement à mieux faire.

 Notre ancienne puissance coloniale, soucieuse de donner un signal fort à l’entame du mandat de Hollande, ne pouvait pas trouver mieux que le Bénin. Pays de paix, marqué par une alternance démocratique tout aussi apaisée, le Bénin conserve intacte à l’extérieur l’image d’un îlot de paix dans une Afrique tourmentée, agitée de part en part par une vague croissante de violences politico-religieuses réellement inquiétante. En dehors de quelques rares cas (Ghana, Afrique du Sud et, accessoirement, Liberia), nous faisons figure d’enfant béni de l’Afrique.

Ainsi décrit et encensé, le modèle béninois de démocratie a pourtant grise mine. Il y a moins de trois mois, toute la communauté internationale n’avait d’yeux que pour le Mali. Bamako passait alors pour « la » capitale de la démocratie en Afrique. Il a suffi de la crise créée par le coup d’Etat du 22 mars pour se rendre compte que derrière la façade et les discours de convenance subsistait une terre d’obscurité qui a vu commettre les pires conneries qui se puissent imaginer sur un chef d’Etat en Afrique.

Bastonné en règle comme un vulgaire garnement, le président intérimaire Dioncounda Traoré a été laissé pour mort en son palais de Koulouba par des jeunes ivres de fureur. Les médecins parisiens du Val-de-Grâce ont découvert que sa boite crânienne a été atteinte du fait, probablement, d’un coup de marteau. Et le pauvre vieillard (70 ans) est traumatisé, encore sous le choc d’une agression destinée avant tout à l’assassiner.

Il faut remonter à septembre 1990 et notamment à la sauvage mise en morceau de Samuel Doe au Libéria pour voir encore une telle ignominie commise sur un chef d’Etat africain. Le pays est aujourd’hui qualifié d’Afriquanistan, néologisme l’assimilant aux terres tourmentées de l’Afghanistan. L’on aurait mieux fait d’établir un parallèle plus idoine avec la meurtrière Somalie où les groupes armés se sont partagé le pays et où il est presque impossible depuis une vingtaine d’années d’avoir un gouvernement. Le Mali d’aujourd’hui est un pays en sursis, miné par des mouvements rebelles professant le jihad (la guerre sainte) et qui ont mis le pays en coupe réglée.

Bien que le parallèle soit osé, le cas malien est loin d’être distinct de celui du Bénin. Du moins, pour sa situation d’avant le grand déluge. Encensée sur les bords de la Seine par le premier des Français, la démocratie béninoise laisse en effet un arrière-goût d’inachevé. En ce deuxième mandat, le chef de l’Etat court le risque de conduire le Bénin sur le même train que son ancien collègue Amadou Toumani Touré (ATT).

 C’est lui qui, de par sa fin de règne chaotique a provoqué la colère de la rue et induit l’intervention de la junte le 22 mars. C’est à son laxisme alliant une forte dose de corruption à l’inertie de l’appareil gouvernemental et un personnel politique miné par l’affairisme, que l’on doit la crise ayant abouti au coup d’Etat. Et au Bénin, la dangereuse fermentation née des affaires PVI et coton, ajoutée au management approximatif des réformes, constitue un facteur de trouble. On en a vu les prémices lors des échauffourées de la semaine dernière entre la police et les employés de Benin Control.

La surenchère syndicale viendrait alors déverser dans la rue une crise qui n’avait qu’une éruption médiatique. Dans tout cela, subsiste le sentiment que le bricolage a pris la place de la compétence dans la gestion du pays. La réduction du train de vie de l’Etat, la dépolitisation de l’administration et la prime à la compétence qui étaient inscrites au fronton du second mandat du Chef de l’Etat, ne sont plus que des chiffons électoralistes agités à la veille des dernières consultations. A ce train, le Bénin court fortement le risque de basculer dans les feuilletons de fin de règne : gouvernance clanique et familiale, gabegie, ruine des institutions…chaos.

Olivier ALLOCHEME

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