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Le triomphe de la vérité

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Jean-Pierre A. EDON, spécialiste des questions internationales: « Les BRICS sont devenus incontournables dans l’économie mondiale »


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Dans une nouvelle réflexion, l’ambassadeur Jean-Pierre A. EDON, spécialiste des questions internationales, a présenté le poids desBRICS sur l’économie actuelle dans le monde. BRICS est un acronyme pour désigner un groupe de cinq pays qui se réunissent depuis 2011 en sommets annuels à savoir : le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud. Pour Jean-Pierre A. EDON, le succès et la pertinence de la raison d’être des BRICS, se mesurent aujourd’hui par la volonté d’une vingtaine de pays s’apprêtant à les rejoindre. Sur cette liste d’attente figurent le Nigéria, l’Arabie Saoudite, le Mexique, les Emirats Arabes Unis, l’Egypte, l’Indonésie, l’Argentine, la Turquie etc.…Le diplomate voit une nécessité de se conformer à l’ordre mondial nouveau en gestation parce qu’il y aura de bouleversement dans l’ordre ancien, selon lui. Lisez plutôt.

LES BRICS DANS L’ECONOMIE MONDIALE ET LE BOULEVERSEMENT DE L’ORDRE ANCIEN

Le monde évolue en changeant des paramètres qu’on croyait immuables. Depuis quelques années, sont apparues sur la scène internationale, des nations émergentes, qui au fil du temps, sont devenues incontournables dans l’économie du monde. Elles constituent aujourd’hui un  groupe appelé BRICS. Quelles sont-elles ces nations, leurs objectifs et comment évoluent-elles dans l’économie internationale ?

Créé en 2008 avec trois pays membres, le BRIC  est devenu BRICS en 2011 avec l’adhésion de l’Afrique du Sud. Dès lors il comprend cinq nations que sont le Brésil (B), la Russie (R), l’Inde (I), la Chine (C) et South Africa (S).

Ses objectifs sont la promotion de la paix, de la sécurité, de la coopération au niveau mondial, et la contribution au développement de l’humanité. Cette organisation défend la non-ingérence et vise à promouvoir la multipolarité, la réforme de l’ONU pour la rendre plus représentative, et surtout l’évolution de la gouvernance et des règles du jeu de l’économie mondiale, pour les rendre plus justes.

Alliance économique et politique qui se veut une alternative aux structures internationales traditionnelles, ce groupe de nations  représente plus de 40% de la population du monde et  près d’un quart de son PIB. Le but de leur sommet annuel est d’affirmer leur place majeure sur la scène internationale, et de mettre en relief leur poids  politico-économique, en particulier au regard des Etats-Unis et de  l’Union Européenne.

Considéré comme un contrepoids à la triade composée de l’Amérique du Nord, de l’Europe occidentale et du Japon, ce groupe  représente un espoir pour tous les pays qui ont souffert pendant des décennies d’un ordre international qui les mettait dans la domination et la marginalisation.

Le succès et la pertinence de la raison d’être des BRICS, se mesurent aujourd’hui par la volonté d’une vingtaine de pays s’apprêtant à les rejoindre. Sur cette liste d’attente figurent  le Nigéria, l’Arabie Saoudite, le Mexique, les Emirats Arabes Unis, l’Egypte, l’Indonésie, l’Argentine, la Turquie etc.…

La part considérable dans l’économie mondiale

Leur poids économique est de plus en plus considérable. Les données chiffrées du FMI  datant d’Avril 2023, font état de ce que leur PIB en 2000 représentait 18,1% du PIB mondial en Parité de Pouvoir d’Achat (PPA). Aujourd’hui il est monté à 32,1% et pourrait atteindre 33,6% en 2028,  beaucoup plus  en 2030. Le FMI prévoit que ce PIB va continuer à augmenter parce que la croissance des BRICS tirée par la Chine et l’Inde, est beaucoup plus forte que celle des pays occidentaux.

Le général français Dominique Delaware indique, d’après ses analyses, que le déclin des économies occidentales se poursuit inexorablement dans l’économie mondiale. C’est ainsi que le PIB américain qui representait à lui seul 50% du mondial au sortir de la guerre en 1945,  est passé à 20,3% en l’an 2000, aujourd’hui il avoisine 15,4% et cette part se réduit d’année en année.

Quant aux Européens, la tendance est la même. Leur PIB qui était de 20,3% du PIB PPA mondial en l’an 2000 n’est que 14,6% aujourd’hui et continue de se réduire d’année en année.

Il en découle le constat  que le poids économique des BRICS augmente, pendant que celui du monde occidental diminue. On pourrait alors imaginer ce que serait cette force économique  dans les années à venir, lorsque la vingtaine de pays qui tapent actuellement à sa porte, finiront par l’intégrer. On assistera alors à la création d’un nouveau pôle qui confirmera le caractère multipolaire inévitable du monde.

Selon les prévisions de Goldman Sachs, à l’horizon 2050, 4 des 5 membres actuels de ce groupe qui dispose déjà d’une Banque de Developpement, feront partie du Top 5 des principales économies mondiales.

Or la domination de l’économie et de la finance mondiales par l’Occident relevait de son poids économique lourd, et surtout de la force du dollar devenu une monnaie internationale incontournable dans les échanges mondiaux, depuis qu’il a supplanté le livre sterling.

La contestation du dollar comme devise de réserve mondiale

Voilà que contre toute attente, et comme conséquence des sanctions occidentales infligées à la Russie du fait de son invasion de l’Ukraine, cet Etat économiquement soutenu par les autres membres du BRICS, entreprend activement des initiatives pour dédollariser le commerce international.

En effet, Moscou prône de plus en plus les échanges en devises nationales pour vendre son pétrole et son gaz à ses partenaires. Une stratégie qui donne des idées à d’autres puissances régionales. Ces derniers mois, la Russie a entrepris diverses opérations visant à ne plus commercer avec la devise américaine dans le secteur énergétique.

 Cette nouvelle politique commerciale a été confirmée par M. Alexandre Novak, vice-premier ministre russe à travers cette déclaration : « Les tendances vont vers la réduction de l’utilisation des dollars et Euros…Nous passons presque exclusivement au monnaies nationales. Nos partenaires en Chine paient déjà le gaz en Yuans, ainsi qu’une partie du pétrole. Ils paient aussi en roubles… »

Cette opération commence à faire tâche d’huile au sein des BRICS. En fin Mars 2023, la Chine a payé en yuans l’achat de 65.000 tonnes de GNL (Gaz Naturel Liquéfié) aux Emirats Arabes Unis. La Russie vend déjà son pétrole et gaz en Roupie à l’Inde et en yuan à la Chine. De son côté, l’Inde aussi s’oriente vers cette direction.

Aussi a-t-elle récemment présenté sa nouvelle politique du commerce extérieur qui prévoit de mettre le paquet sur la roupie pour en faire une monnaie mondiale au détriment du dollar. Le Brésil et l’Argentine se préparent à s’engager dans cette voie. Il en est de même de la Bolivie qui est disposée à vendre en monnaie nationale son minerai le lithium. Mieux, il est même envisagé la création d’une monnaie devise commune aux pays BRICS.

Au sujet de la mise en valeur des monnaies nationales au détriment du billet vert, l’analyste politique français, Monsieur Dominique Delawarde pense que : « Cette dédollarisation qui ne fait que commencer pourrait avoir des effets d’une ampleur inédite sur l’économie mondiale, boostant les économies s’affranchissant du dollar et précipitant le déclin des Etats qui s’accrochent aux règles désormais obsolètes du passé »Fin de citation.

La contestation du statut international du dollar  que mijotaient depuis quelques années la Chine et la Russie en accumulant d’importantes quantités d’or, a été précipitée par la réaction occidentale dans son soutien à l’Ukraine. Il s’agit des sanctions économiques ainsi que  du gel des réserves de change de la Russie et  la confiscation des actifs des citoyens russes évalués à plusieurs milliers de milliards de dollars déposés dans les institutions financières  américaines et européennes.

Dès lors, beaucoup de pays détenant des devises  dans ces Etats, sont devenus frileux à l’idée que  ce sort pourrait leur être réservé un jour pour une raison donnée ou par représailles. Cette pratique injuste de nature à ne plus garantir la sécurité des avoirs étrangers dans ces lieux, a contribué à la  justification de la politique de mise en cause  du dollar en tant que devise de réserve mondiale.

La politisation du billet vert et de l’Euro, rendue tangible par le conflit ukrainien, renforce la détermination des BRICS à persévérer dans leur option. Le Gel et la confiscation des biens des pays et des citoyens étrangers dans les Etats occidentaux pour des raisons politiques, contredisent la conception fondamentale de l’économie libérale selon laquelle la propriété privée est inviolable, voire sacrée et minutieusement protégée.

La remise en cause progressive de l’ordre ancien avec l’émergence de nouvelles nations, mouvement à caractère irréversible, entrainera à l’avenir la perte de l’influence économique de l’occident, face à une puissance économique chinoise de plus en plus forte, au point d’en devenir à moyen terme la première mondiale.

Nécessité de la conformité à l’ordre mondial nouveau en gestation

La probabilité est forte quant à l’inacceptation  de la première puissance mondiale de perdre sa place privilégiée actuelle. D’attentifs observateurs  des scènes internationales, prévoient le recours à l’usage de la force pour empêcher la prédominance de la puissance économique chinoise, membre influent des BRICS.

 Selon d’autres analystes, la création d’un nouveau foyer de tension dans cette zone d’Asie, n’est pas une solution dans la mesure  où cette mutation s’inscrit dans l’ordre normal de l’évolution du monde qui, dans l’histoire ancienne, a connu à un moment donné, la décadence du tout-puissant Empire romain au bénéfice de nouvelles puissances émergentes.

En effet, depuis 50 ans déjà en 1973, Alain Peyrefitte, homme politique français avait prédit que « Quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera ». A cette époque, rares sont ceux qui y croyaient. L’auteur de cette prophétie était  alors considéré comme un plaisantin. Aujourd’hui, les évènements lui donnent raison.

Comme l’a reconnu en 2020 un chef d’Etat européen, dans sa déclaration à la réunion de ses Ambassadeurs à l’étranger, «  la fin de l’hégémonie occidentale s’annonce ». Le monde est en perpétuelle mutation et le refus ou la résistance à s’y adapter peut être source d’ennuis et de grandes difficultés.

Celui qui reconnait la force de la nature doit comprendre ces mutations qui relèvent de la volonté du Tout-Puissant. De ce point de vue, aucune force ne peut l’arrêter. Au lieu de la confrontation violente inutile et inopportune, le monde occidental ferait mieux de se conformer à ce nouveau paradigme, par une coopération sincère et mutuellement avantageuse avec les BRICS, de s’y adapter par des stratégies appropriées en vue d’en tirer profit. Il s’agira de privilégier désormais la complémentarité au détriment de l’hégémonie qui a montré ses limites. Avec une volonté politique cela est possible.

Jean-Pierre A. EDON

Ambassadeur, spécialiste des questions internationales.

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