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Le triomphe de la vérité

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Recul de la démocratie en Afrique: L’Ambassadeur Jean-Pierre Edon appelle à une prise de conscience


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Dans sa nouvelle tribune intitulée « Du drame libyen au recul de la démocratie en Afrique », l’Ambassadeur, Spécialiste des questions internationales Jean-Pierre Edon a rappelé quelques-uns des bienfaits du Guide Libyen le Colonel Kadhafi tels que évoqué le journal cameroomagazine du 15 novembre 2020, et fait savoir que depuis son assassinat en 2011, la paix et la sécurité sont devenues des denrées rares en Libye. Pour l’Ambassadeur, le Chefs d’Etats africains qui s’illustrent par leur vision et leur volonté manifeste de développer leurs pays par une politique nationale d’indépendance économique et monétaire viable, et une lutte contre la domination étrangère, l’exploitation frauduleuse ou la braderie des ressources naturelles du pays sont, soit assassinés, soit chassés du pouvoir ou privés de liberté. Un état de chose qu’il dénonce et invite les Africains à une prise de conscience.

DU DRAME LIBYEN AU RECUL DE LA DEMOCRATIE EN AFRIQUE

Dans notre analyse publiée le 11 Mars dernier, nous avons déploré la situation dramatique en Libye et souhaité que les efforts déployés par l’Union Africaine et l’Organisation des Nations-Unies aboutissent à un compromis acceptable par les belligérants, au cours de la réunion de réconciliation prévue pour Juillet 2020 à Addis-Abeba. Cette rencontre n’a finalement pas eu lieu, mais celle de Genève sous l’égide des Nations-Unies a décidé que les élections dans ce pays auront lieu en Décembre 2021.
Pendant ce temps la population continue de souffrir des affres de cette guerre civile internationalisée. Elle commence alors à regretter la mort du colonel Kadhafi. Celui-ci, en effet, avait offert un petit paradis à son peuple à travers les conditions de vie heureuse qu’il sera aujourd’hui difficile, voire impossible de rétablir. Sur le plan africain beaucoup d’actions sont à inscrire à son actif. Il convient de rappeler quelques-uns de ses bienfaits tels que l’a éloquemment évoqué le journal cameroonmagazine du 15 Novembre 2020:
-La gratuité de l’électricité, de l’eau, des soins médicaux, de l’enseignement secondaire et universitaire.
-Les prêts sans intérêt accordés aux citoyens par les banques ainsi que l’exemption d’impôt et de taxe sur la valeur ajoutée pour tout le monde. Les voitures importées sont vendues au prix d’usine.
-La bourse d’étude supérieure à l’étranger était de 1627,11 Euros par mois soit environ 1.057.621,5 FCFA. Tout étudiant de troisième cycle n’ayant pas encore d’emploi perçoit un salaire moyen de la profession choisie. Le premier appartement ou maison est payé par l’Etat à tout jeune couple marié.

  • Les produits alimentaires sont vendus à moitié prix dans des endroits appelés « Al Jamiaa » aux familles nombreuses sur présentation de leurs carnets de famille. Une aide mensuelle de 300 Euros (180.000FCFA) est accordée à toute famille nombreuse et les produits alimentaires sont subventionnés par l’Etat.
  • La mise à disposition d’une voiture et d’un logement à tout employé de la fonction publique affecté loin de chez lui à l’intérieur du pays. Après un certain temps ces biens deviennent ses propriétés. L’inscription auprès des organes de l’Etat de tout citoyen ne disposant pas de logement en vue d’en avoir un, car le droit au logement est fondamental en Libye, et l’appartement ou la maison est la propriété de celui qui l’occupe.
    Sur le plan africain, la Libye de Kadhafi, détenant d’importantes réserves de crédit en sa qualité de septième fonds financier au monde, participait activement au développement du continent. En complément aux nombreuses réalisations socio-économiques déjà faites en Afrique, Il avait un programme ambitieux d’investissement de près de 60 milliards de dollars dans 25 pays africains avec création de millions d’emplois pour les Jeunes. Malheureusement la mort subite ne lui a pas permis de le mettre à exécution.
    Initiateur de la transformation de l’Organisation de l’Unité Africaine(OUA) en Union Africaine(UA), le Guide libyen envisageait de lancer à ses frais un satellite africain de communication. Par cette infrastructure l’Afrique pourra désormais communiquer avec le monde entier sans être obligée de passer par les moyens de communication classiques étrangers. Cela entrainerait, bien sûr, beaucoup de manque à gagner aux puissances occidentales, ce qui est donc inacceptable. Mieux, il élaborait le projet de création du Fonds Monétaire Africain qui pour certains pays, était intolérable.
    C’est celui-là, ce panafricaniste qui n’a cessé de veiller au bienêtre de son peuple et de celui de l’Afrique, en s’inspirant des idées progressistes de l’égyptien Nasser, qu’on diabolise en le présentant comme le bourreau de sa population.
    On monte alors de toutes pièces des rebelles bien armés pour le combattre parce qu’il gêne certains intérêts. On manipule la presse internationale y compris l’ONU, pour admettre la nécessité et l’urgence d’aller au secours de la population souffrant de la maltraitance de son Guide. La suite, le monde entier le sait, et l’une des conséquences est que, de 2011 année de sa mort à nos jours, la paix et la sécurité sont devenues des denrées rares en Libye.
    Il se dégage de ce dossier, le constat suivant devenu une constance: les chefs d’Etat africains qui s’illustrent par leur vision et leur volonté manifeste de développer leurs pays par une politique nationale d’indépendance économique et monétaire viable, et une lutte contre la domination étrangère, l’exploitation frauduleuse ou la braderie des ressources naturelles du pays, sont soit assassinés, soit chassés du pouvoir ou tout simplement privés de liberté.
    L’histoire nous rappelle des cas célèbres comme ceux de Patrice Lumumba au Congo Léopoldville (ancien Zaïre et actuelle RDC), Sylvanus Olympia au Togo, Modibo Keita au Mali, Kwame Nkrumah au Ghana, Amilcar Cabral en Guinée Bissau, Abubakar Tafawa Balewa au Nigéria, Marien Ngouabi au Congo Brazzaville, Samora Machel au Mozambique, l’historique prisonnier de Robben Island l’icône Nelson Mandela en Afrique du Sud, Thomas Sankara au Burkina Faso etc…Tous ces héros, épris de paix et de justice, n’ont commis qu’une seule faute, celle d’aimer leurs pays, d’affirmer leur indépendance sur tous les plans et d’accorder la priorité à l’intérêt général.
    Le General de Gaule n’avait-il pas raison lorsqu’il révélait une vérité des relations internationales, à savoir« qu’un pays n’a pas d’ami, il n’a que des intérêts » ! En voici une illustration éloquente : Bien qu’il ait été l’ami de certaines puissances étrangères pendant plusieurs décennies, le Président Mobutu qui n’était pourtant pas un exemple en Afrique, avait été lâché sans pitié lorsqu’il ne servait plus certains intérêts liés à l’exploitation des ressources minières, en particulier les minerais rares au monde dont regorge le sous-sol congolais.
    Une prise de conscience de cette situation s’avère nécessaire en Afrique en vue de prendre des dispositions idoines et appropriées. L’une d’entre elles, est bien l’instauration et la bonne gestion de la démocratie. Or trente ans après l’établissement du processus démocratique, tout commence par s’essouffler. Le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple est partout en recul.
    Dans certains pays, la pensée unique s’installe progressivement de nouveau, les bases de la démocratie sont systématiquement sapées, les libertés fondamentales ont disparu, la démocratie à la base est remise en cause, l’élection des Autorités par les collectivités locales est suspendue ou abolie au profit de la désignation des responsables locaux par le sommet, comportement qui contrarie l’esprit de la décentralisation.
    Ailleurs, ignorant volontairement le principe de la séparation des pouvoirs, l’Exécutif domine les organes de contre-pouvoir. Il adopte et met à exécution les dispositifs d’exclusion aboutissant naturellement à l’existence des institutions d’Etat monocolores dont la configuration viole les dispositions pertinentes de la constitution. Ces mesures anti-démocratiques troublent la paix, alimentent le mécontentement général. En vue de l’achat des consciences, on injecte massivement dans le processus électoral une quantité démesurée d’argent. On croit à tort que l’argent peut tout faire. La volonté du patron est convertie en loi de la République et on ne se préoccupe pas de savoir si elle est conforme ou non à la constitution, aux normes de la démocratie et au bienêtre du peuple.
    Au niveau d’autres Etats, la loi fondamentale est tripatouillée pour justifier le troisième ou quatrième mandat, et finalement s’éterniser au pouvoir. On se fait ainsi passer pour le meilleur, voire l’unique et l’indispensable bâtisseur de la nation. Mieux la justice est aux ordres, la presse est muselée et tout citoyen qui exerce la liberté d’opinion, en émettant des avis différents des idées officielles, en usage de son esprit critique, est tout simplement privé de liberté. Détenu dans les maisons d’arrêt ou en résidence surveillée, il est soumis à des traitements inhumains et dégradants, ce qui est une violation des droits de l’homme.
    L’opposition politique, une caractéristique essentielle de la démocratie, est considérée comme une structure gênante et subversive; aussi n’hésite-t-on pas à la réduire au silence, voire au néant. Il arrive même que le pouvoir, croyant tromper la vigilance des citoyens, fabrique une pseudo¬ opposition pour se faire bonne conscience vis-à-vis de l’opinion nationale et internationale. La culture de la peur devient un mode de gouvernance.
    Il apparait en définitive que les opposants d’hier, aujourd’hui au pouvoir, ne sont ni différents ni meilleurs que ceux qu’ils combattaient autrefois. Tous ces actes déplorables qui participent de la liquidation du processus démocratique, accréditent malheureusement la thèse de certaines personnalités occidentales selon laquelle l’Afrique ne serait pas mûre pour la démocratie.
    Il urge alors que le continent s’organise pour défendre ses intérêts et assurer sa propre sécurité. Pour y parvenir tout africain fera preuve de patriotisme et éviter de se faire utiliser par les autres, contre son propre pays. En effet les rebelles qui ont prêté le flanc à la déstabilisation de la Libye, sur incitation et soutien de certaines puissances étrangères, sont bien des Libyens.
    Quant à l’organisation continentale, il lui revient désormais de disposer en complément du Mécanisme Africain d’Evaluation par les Pairs (MAEP), d’un autre mécanisme à caractère prospectif visant à accompagner les Etats membres dans la gestion de la démocratie en vue de la préservation de la paix durable et la promotion du développement.
    Les populations africaines attendent beaucoup de leurs gouvernants qui gagneront à combattre les règlements de compte, la partialité, les intérêts égoïstes, l’esprit vindicatif et tout ce qui alimente la division, la discrimination, le sectarisme, autant de maux qui affaiblissent le pays et mettent la population dans un état de déception totale et de résignation dangereuse.
    Le président des Etats-Unis nouvellement élu, Joe Biden n’a-t-il pas posé un acte fort, digne d’un démocrate lorsqu’ à la proclamation de sa victoire, il déclare qu’il est désormais le président des Américains quelles que soient leurs opinions politiques. Il est souhaitable que nos Dirigeants aussi adoptent et manifestent dans les faits, et non seulement par des discours, cet esprit de rassemblement, de cohésion sociale et d’union nationale.
    Tirant des enseignements du cas libyen, l’Union Africaine devra être dorénavant plus vigilante et s’opposer à toute intervention militaire étrangère dans un pays membre, sous prétexte de la protection de la population civile et en vertu du droit non encore codifié, de l’ingérence humanitaire.
    La triste expérience libyenne a permis par exemple à la Chine et surtout la Russie {deux pays membres permanents du conseil de sécurité des Nations-Unies) de combattre par tous les moyens y compris la force, ce genre d’intervention que les mêmes puissances ont préparée et exécutée en Syrie, heureusement sans atteindre leur objectif réel, et ce, grâce à la farouche opposition de la Russie. Sinon le Premier Syrien Bashar al-Assad aurait certainement connu le même sort que le Libyen.
    Au niveau de l’Union Africaine, il est indiqué que le Président de la commission pose un acte de son choix pour immortaliser la mémoire du colonel libyen, en raison du rôle qu’il a joué dans la création de cette organisation. Malgré les coups d’Etat institutionnels en cours, l’optimisme est de mise quant à l’avenir du continent.

Jean-Pierre Adélui EDON
Ambassadeur, spécialiste des questions internationales

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