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Le triomphe de la vérité

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Edito: Désarmer les salaires politiques


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Il ne faut pas se leurrer. Le dialogue de sourds qu’entretiennent gouvernement et syndicats de l’enseignement est fondé sur un quiproquo affligeant. Pour les syndicats, l’Etat a bien les moyens de satisfaire les revendications, notamment celles liées au statut particulier des enseignants. Bien sûr, c’est faux. L’Etat béninois que je connais ne peut, à l’heure actuelle, faire face aux charges créées par ces statuts particuliers. C’est d’autant plus vrai que le régime Yayi à l’origine de ce texte ne l’a pris qu’à la fin, en novembre 2015, convaincu de créer par là des ennuis à tout régime qui viendrait après. Ce fut un piège monumental (irresponsable à la limite) qui s’avère aujourd’hui comme une stratégie habile. Mais il ne s’agit pas de la seule initiative de fin de régime prise par Boni Yayi. D’autres statuts particuliers ont été pris comme d’autres décrets de nomination, ou même ceux accordant divers avantages aux directeurs de cabinet et autres cadres de l’administration. A la différence des statuts particuliers des enseignants qui ont été maintenus, tous ces textes ont été abrogés ou remplacés par d’autres plus réalistes. Pour ne les avoir ni suspendus ni abrogés depuis 2016, alors qu’il en avait la possibilité et même le droit, le gouvernement ne peut valablement clamer aujourd’hui qu’il n’a pas d’argent pour en satisfaire le contenu. Même si par ailleurs, les ressources publiques ne sont capables d’y faire face.
Parce que les charges créées pourraient faire bondir la masse salariale, obligeant l’Etat à mettre un frein à ses ambitions en termes de constructions d’infrastructures. Je peux même être péremptoire : dans les conditions actuelles, satisfaire ces revendications conduirait les finances publiques dans le gouffre. Parce qu’à partir de là, toutes les autres composantes de la fonction publique pourraient dégainer et exiger par ricochet l’amélioration de leur traitement, alors même que l’Etat lui-même se retrouve en situation de pénurie de ressources. Le résultat le plus probable, c’est que l’Etat sera obligé d’aller solliciter un ajustement structurel devant les institutions de Bretton Woods. Retourner vers un ajustement structurel sera la pire régression économique de notre pays, si l’on se rappelle les souffrances que cette austérité provoque, surtout au plan social. Ce qui ne veut nullement dire que les syndicats ont tort de revendiquer : ce sont des droits acquis concédés en bonne et due forme par l’Etat.
Mais pour le gouvernement, les syndicats sont manipulés par des politiciens habiles qui les financent. Là aussi, c’est faux. La réalité, c’est que dans le seul secteur de l’enseignement pas moins de 54 syndicats de tous les ordres, de la maternelle au supérieur, sont désormais dans la danse. Et c’est la première fois depuis au moins une vingtaine d’années qu’une telle union sacrée se réalise dans le secteur. Même s’il s’agit d’une manipulation, elle a trouvé un terrain pour le moins favorable avant de se réaliser aussi brillamment. Le fait est que les enseignants dans leur écrasante majorité ont vu non pas seulement l’augmentation des salaires politiques, mais leur multiplication, au moment même où l’Etat soutient que les ressources sont insuffisantes. Cette incohérence du discours public est une méprise fondamentale qui envenime le dialogue entre les deux parties. Car, au même moment, les statuts particuliers récemment votés par le parlement au profit des agents de la Police républicaine et même des magistrats, accordent à chacun de ces corps des avantages substantiels. Comment continuer à soutenir dans ces conditions qu’il n’y a pas d’argent lorsqu’il s’agit des enseignants ?
Soyons clairs : il est possible que les salaires politiques n’aient pas vraiment connu d’augmentation, puisque le gouvernement aurait préféré regrouper en un seul bloc primes et indemnités autrefois payées de façon éparse, pour en faire un traitement unique. Mais ce faisant, que voyons-nous ? Que le traitement des Préfets, tout au moins, atteint le montant de 5 millions. Imaginez alors celui des ministres !
Patrice Talon ne peut convaincre les enseignants de la bonne foi du gouvernement qu’en désarmant les salaires politiques, en les ramenant tous à leur niveau d’avant 2016 ! Dans la même logique, il devrait faire preuve de transparence en rendant publics tous ces salaires politiques. Ce sera une mesure radicale et inédite qui mettra le gouvernement en position de pouvoir dire qu’il a fait des concessions, avant d’obtenir un dégel de la situation. Le tout pourrait être accompagné de l’acceptation d’un point majeur des revendications des enseignants, selon un échéancier à convenir d’accords parties. Sans cela, sans un geste montrant aux enseignants qu’ils ont raison au moins en partie, le dialogue court le risque de se solder par un échec. Et ne l’oublions pas : la dernière année blanche s’est soldée au Bénin par la chute d’un régime.

Par Olivier ALLOCHEME

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