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Le triomphe de la vérité

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Edito: Les cris n’auront servi à rien


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logo journalLe Gouvernement a choisi de ne pas écouter les plaintes renouvelées des acteurs de l’éducation nationale. Il a décrété une nouvelle gratuité des inscriptions au profit des élèves filles de la seconde en terminale.
Cette mesure prise à l’issue du conseil des ministres extraordinaire de ce samedi 21 novembre, est la suite logique des décisions prises en 2006 en faveur de cette même gratuité, dès l’avènement de Boni Yayi au pouvoir. Depuis lors, d’autres mesures de gratuité ont suivi, depuis la maternelle jusqu’en classe de troisième. Apparemment, le chef de l’Etat a cru bon de boucler la boucle avant la fin de son dernier mandat, afin d’avoir ce volet à son bilan. Il pourra toujours monnayer cela dans les grands foras internationaux, ou encore l’utiliser comme arme politique dans les joutes électorales qui s’annoncent. Boni Yayi ne sera pas candidat, mais il est évident qu’il en aura un sur l’épaule duquel il pourra toujours hisser le galon gratuité. Il s’agit clairement d’une décision politique qui ne donne aucune suite aux nombreuses critiques et suggestions des acteurs de l’école béninoise sur les mesures antérieures. Celles-ci n’ont clairement pas été évaluées afin de prévenir les nombreux dangers (voire même la catastrophe) qu’elles ont provoqués depuis neuf ans.
Il ne faudra pas tout mettre sur le dos de la gratuité, mais les maux qu’elle a générés sont nombreux. Ce dimanche 22 novembre encore, Canal 3 a diffusé une enquête sur une école du Couffo dont l’effectif est d’environ 120 élèves avec un seul enseignant qui en est en même temps le directeur. Un seul enseignant dans une école primaire… Le chef de la circonscription scolaire n’a pas manqué de révéler que ce cas est loin d’être unique dans sa zone, puisque les classes jumelées ou multigrades y sont légion. Quelle formation les enfants acquièrent-ils dans ces conditions presque apocalyptiques?
Il ne faut pas minimiser la capacité de jonglage des enseignants. Ils savent s’adapter, même dans les pires moments. Mais à quoi aboutira le jonglage ici ? A une formation bâclée, à des enfants détruits dont la majorité finira à la périphérie de la société comme zémidjan, vendeurs d’essence, jongleurs lors des fêtes foraines ou même vendeurs à la sauvette sur les routes. Ce sont ces femmes et ces hommes qui continueront demain à accroitre les chiffres de la misère et de l’insécurité dans les zones urbaines. Quelques miraculés finiront hauts cadres, mais avec les carences que l’on imagine.
Les effectifs pléthoriques dans les écoles et collèges ne sont pourtant pas les seuls effets néfastes de la gratuité sans mesure d’accompagnement. Elle met en péril l’administration des écoles livrées à la pénurie. Qui donc ignore que les subventions promises par l’Etat au titre de la gratuité arrivent toujours en retard ? Et lorsque l’on prend la décision d’espèce, près de deux mois après la rentrée, on est sûr que certaines filles ont déjà payé une partie ou la totalité de leurs contributions scolaires utilisées pour gérer les affaires courantes dans les écoles. La même cacophonie s’est produite déjà en 2006 lors de la première mesure de gratuité, avec des chefs d’établissements agressés par des parents qui ne comprennent pas que le remboursement de leurs frais ne soit pas automatique. Dans tous les cas, le manque-à-gagner viendra s’ajouter aux difficultés déjà existantes. Et ces difficultés, c’est l’épineuse question des infrastructures. L’école béninoise est définitivement livrée à la mendicité pour survivre. Ce sont les mécènes et autres bonnes volontés qui peuvent la sauver de l’équation des salles de classes branlantes ou inexistantes, des bibliothèques transformées en salles de cours ou des laboratoires mal équipés ou carrément inexistants. Si autrefois l’Etat permettait aux administrations de se charger de ces infrastructures grâce aux frais de scolarité collectés, les mesures de gratuité dépouillent littéralement les écoles des ressources nécessaires à cette tâche. Et bonjour les classes volantes, les cours sous les manguiers et toutes les autres acrobaties inventées par le management de la pénurie.
La gratuité a fait beaucoup de mal à l’école béninoise. La démographie scolaire galopante, corollaire de la démographie nationale, ne fera qu’en aggraver les effets à l’heure où les recrutements d’enseignants se font à petites doses. Et toujours cette question désespérante : quand sortirons-nous de ce cercle infernal ?

Par Olivier ALLOCHEME

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