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Le triomphe de la vérité

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Entretien avec Raymond Adékambi, DG Agetip et participant à la table ronde des investisseurs: « Il n’y a eu que des manifestations d’intérêt à Paris, nous attendons du concret »


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Raymond Adékambi, Directeur général de l’Agetip-Bénin Sa et promoteur hôtelier, entre autres, a également pris part à la table ronde de Paris. Il revient ici sur les grandes questions qui ont été abordées en ce qui concerne, notamment, l’investissement privé. Il n’y a pas encore lieu de se réjouir trop tôt. Il n’y a eu que des manifestations d’intérêt à Paris. Le concret reste à venir, espère-t-il.

L’Evènement Précis : Vous avez récemment pris part à la table ronde sur le développement du Bénin, organisée par le gouvernement à Paris. Quelles sont vos impressions à l’issue de ce grand forum ?

Raymond Adékambi : Effectivement, j’ai pris part à la table ronde de Paris. Je ne voudrais pas revenir sur les résultats de ce grand forum qui ont été relayés de façon massive par les médias. Tout ce que je voudrais dire ici, c’est que j’étais surpris par le nombre de participants qui étaient à cette table ronde, d’autant plus que les salles ne suffisaient pas. Il y avait beaucoup de gens dehors. Cela prouve un peu l’intérêt que les uns et les autres ont eu pour cet évènement important. Cet intérêt s’est manifesté aussi au cours des interventions dans les différentes salles, où visiblement le Bénin était à l’honneur. Moi, je représentais l’Agetip-Bénin au sein de la Chambre de commerce et d’industrie du Bénin. Je faisais donc partie de la délégation de cette institution. Notre président, Jean Baptiste Satchivi a eu à faire un discours dans lequel il a évoqué, entre autres, les problèmes qui se posaient aux privés dans le cadre du partenariat public-privé tant prôné par le gouvernement et les opérateurs économiques du Bénin. Mes impressions, en tout cas, sont globalement bonnes. Evidemment, je regrette l’absence du patronat béninois qui n’était pas à cette table ronde alors que sa présence était d’une importance capitale. C’est donc un peu, l’un des échecs de la rencontre de Paris. Mais il faut dire aussi que nous avons vu un engouement des bailleurs de fonds sur un certain nombre de projets tels que l’épine dorsale, la construction de l’hôpital de référence, la route des pêches et autres.

Pensez-vous que tout est gagné avec cette table ronde ?
Pour ma part, j’estime que tout ce qui a été dit n’était que des promesses. Il faut maintenant que cela se transforme en accords de prêts ou en accords de dons. Il n’y a eu que des manifestations d’intérêts. Que les gens ne pensent donc pas que tout est déjà gagné et que le Bénin a pu décrocher 12 milliards de dollars avec cette table ronde, et qu’il faut commencer à se réjouir. Tout cela doit être d’abord traduit dans les faits, que les projets que nous avons envoyés soient mieux travaillés, et que les études de faisabilité soient faites. La question essentielle qui s’est posée aussi au cours du forum a été la question de l’énergie, l’énergie au Bénin, l’énergie pour les entreprises et l’énergie pour les ménages. Et par rapport à cette question, il y a eu quelques idées novatrices. Les gens ont eu même à parler de l’énergie délocalisée, c’est-à-dire, comment faire pour que chaque commune puisse être indépendante par rapport à la centrale.

Quand vous parlez de manifestations d’intérêts, est-à-ce dire qu’il n’y a encore aucune raison de se réjouir du succès de cette table ronde ?
Non, mais si je parle de manifestations d’intérêt, vous savez vous-même que ce n’est pas seulement au cours de ces trois jours que tout le travail a été fait. Il y a eu des travaux de base. Des bailleurs de fonds tels que la Banque africaine de développement ou encore la Banque islamique de développement ont été déjà approchés, et ce n’est qu’au cours de cette table ronde qu’ils ont sorti un peu ce qu’ils nous ont promis.  Et leur intérêt pour les différents projets présentés est manifeste.

Certains estiment qu’à cette table ronde, plusieurs projets présentés ne sont plus nouveaux en tant que tel, et nombreux parmi eux ont même déjà connu un début d’exécution. Etes-vous du même avis ?
Pour moi, il faut mitiger cette appréhension. Car, par exemple, lorsque nous prenons le projet relatif à la route des pêches, on a déjà un partenaire stratégique qui est un Chinois. Mais ce dernier ne prend pas tous les investissements en charge. Donc, pour chaque projet, il y a des montants déjà mobilisés et des montants à mobiliser. Lorsque vous voulez, par exemple, faire une route, ce ne sera pas nécessairement à la charge d’un seuil partenaire qui va se positionner. Si la route coûte 40 milliards et le partenaire dit, je donne un milliard, vous devez rechercher l’argent complémentaire. Et c’est ce qui s’est passé pour certains projets.

Il y a aussi la question des garanties qu’offre le Bénin pour accueillir ces investissements. Le patronat s’en est plaint sur plusieurs plans. A Paris, n’avez-vous pas senti les mêmes inquiétudes au niveau des investisseurs présents ?
Il faut avouer que c’est un problème inhérent à la gouvernance. C’est aussi le problème essentiel qui a été posé à la table ronde sur le partenariat privé-public que nous avons organisé ici. Dans la gouvernance, on met tout, entre autres, l’inexistence d’un tribunal de commerce qui prend en compte les problèmes des opérateurs économiques. Il y a également le problème de respect de la parole donnée. On ne peut pas faire des affaires dans un climat, où il n’y a pas la confiance.  Si on veut dealer par exemple entre vous et moi, il faut être sûr que les engagements pris sont respectés. Et ce n’est pas souvent le cas, en ce qui concerne le climat des affaires au Bénin. Il va falloir que le gouvernement démontre sa bonne foi. Car, comme, j’ai l’habitude de le dire, si vous êtes dans un pays où il y a énergie, un pays où les affaires sont bonnes, où vous êtes bien classés dans le doing business, ce n’est pas vous qui allez chercher le financement. Ils vont venir eux-mêmes. Aujourd’hui, on est très mal classé. On est 174ème sur 185, le Ghana à côté est 64ème et le Rwanda aussi est bien classé. Lorsque les gens font la liste des pays dans lesquels il est de bon ton d’investir, on ne cite pas nécessairement le Bénin. D’où cette action de marketing qui est peut-être nécessaire pour faire venir les investisseurs et leur dire que nous ne sommes pas aussi mauvais que cela. Le Bénin a des atouts. On a une stabilité politique. On organise des élections démocratiques, mais ici, encore vous voyez qu’on est en train de trébucher à nouveau avec les élections communales, locales qui tardent à être organisées. Et si on ne sait pas jouer, on va rentrer dans une période de déstabilisation et peu équilibrée qui pourrait mettre à mal tous les efforts que nous faisons.

Selon les échos que nous avons eus, les investisseurs privés n’étaient pas fortement mobilisés à cette table ronde comme l’avait annoncé le gouvernement ?
C’est vrai qu’il y avait eu trois catégories de participants à cette table ronde, à savoir, les bailleurs de fonds, les investisseurs privés et la diaspora. Moi, j’ai participé au forum des investisseurs privés, et j’ai pu observer qu’ils étaient nombreux.

Etaient-ils les investisseurs privés réellement attendus ?
Oui. Tous étaient là. Le Medef, par exemple qui a été représenté par Lionel Zinsou, notre compatriote qui est également français. C’est d’ailleurs lui qui a parlé de l’énergie délocalisée entre autres. Toutes les banques béninoises étaient également représentées. Nocibé également était là, et a annoncé un investissement de plus de 2 milliards, Boloré était là, ainsi que d’autres opérateurs économiques de renommée internationale. Ils sont tous prêts à amener de nouveaux investissements. Par rapport à la route des pêches, par exemple, il y a des Béninois qui sont dans l’hôtellerie comme moi qui se sont dit que si la route est faite, et les conditions d’accueil des touristes sont acceptables, il n’y aura pas de soucis. On ne va pas construire les hôtels et attendre les touristes. Je dois vous dire une chose, l’argent existe toujours au niveau des banques. Mais quand elles n’ont pas de garantie, elles ne vont pas financer. Créons donc des conditions favorables pour l’investissement et il viendra facilement.

En quoi cette table ronde a été utile, pour le cas spécifique d’une entreprise comme Agetip-Bénin que vous dirigez ?
D’abord, vous savez que le Bénin a un problème de consommation de crédits et vous savez aussi que les agences comme Agetip-Bénin ou Agetur sont des structures qui accompagnent le gouvernement pour la consommation des crédits. A titre d’exemple, un projet que nous réalisons en deux ans, le gouvernement peut le réaliser en sept ans. Cela permet donc aux bailleurs de fonds de voir comment leurs fonds sont consommés dans la transparence et dans l’équité. Nous étions partis donc à cette table ronde pour rassurer les bailleurs de fonds que nous sommes toujours là. Ensuite, il fallait aussi leur montrer que l’agence des grands travaux que le gouvernement est en train de vouloir mettre en place ne peut pas se substituer à l’Agetip-Bénin ou à l’Agetur. Deuxièmement, vous n’êtes pas sans savoir que l’Agetip-Bénin fait de nouveaux produits. Nous ne sommes pas seulement dans la maitrise d’ouvrages délégués. Nous sommes aussi dans l’immobilier. Nous vendons des terrains, des villas, des parcelles et nous faisons aussi des lotissements. C’était donc une occasion rêvée pour nous pour faire la promotion de tous ces produits.

Entretien réalisé par Christian Tchanou

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