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Le triomphe de la vérité

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Edito du 11 décembre 2013: Vingt trois ans après.


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Il n’y a pas meilleur jour qu’aujourd’hui pour symboliser les graves distorsions que subit la démocratie béninoise. Il y a en effet 23 ans, le 11 décembre 1990, le Bénin se dotait d’une nouvelle constitution. Le pays avait choisi d’exorciser les démons qui l’ont précipité dans la banqueroute  et l’anéantissement institutionnel  et politique. Comme un seul homme, nous avions décidé d’une nouvelle voie pour  nous-mêmes et nos enfants, pour nos frères et nos sœurs, nos amis et nos proches, nos concitoyens en général. C’était un défi : rester Béninois et travailler chaque jour à en être fier davantage.

               Vingt trois ans après, beaucoup de choses se sont améliorées. Mais il en reste tellement et les mutations profondes de notre monde autant que de notre société comportent de telles exigences que tout observateur sérieux devrait se demander si le Bénin ne court pas à l’abîme. Se demander si nous voyons même que le monde de 2013 préfigure celui de 2033 ou de 2053 et qu’il faudra par conséquent y préparer.

               Vingt trois ans après, nous célébrons la disparition de Maitre Zakari Sambaou. L’homme qui s’est fait remarquer aux fameux mercredis rouges reçoit ce jour un hommage appuyé de tous ses compagnons de lutte, de tous ceux qui ont partagé sa foi en un Bénin débout, avant le grand soir de son tragique  départ d’entre nous. Car Sambaou, Zossou, Djogbénou et tous les autres s’inquiétaient à juste titre des dérives autocratiques du régime Yayi accusé de chercher à faire réviser notre constitution pour les besoins d’une prolongation indue. D’une manière ou d’une autre, leur combat et celui de tous les autres anonymes accusent la classe politique béninoise qui ne parle qu’accès ou maintien au pouvoir, élection, partage des avantages, etc. On ne parle pas du tout (ou très peu) du chômage et notamment du chômage des jeunes et des femmes, on ne discute pas dans les officines politiques de notre agriculture pas assez productive, on ne parle guère des industries béninoises disloquées par des importations massives et sauvages, on ne  discute presque jamais de la politique à mener pour  sortir de la pénurie énergétique que nous vivons.   Et l’environnement, le sport, la justice, les loisirs, le tourisme, la qualité de notre alimentation, la qualité des ouvrages scolaires, le traitement réservé aux personnes âgées… ? Les leitmotivs de l’homme politique  béninois ont changé  en 23 ans. Et en mal.

Vingt trois ans après, nous avons eu l’agression de Martin Assogba. Ses collaborateurs ont évoqué un « assassinat manqué ». Ces balles assassines qui ont atteint le cou et la nuque ne visaient certainement que la tête. Elles ont raté leur cible en sauvant du coup notre pays d’une déchirure inutile. Après avoir frôlé le pire, posons-nous cette question: si cet homme qui n’avait pas sa langue dans la poche avait été aussi lâchement tué, que se passerait-il au Bénin ? Personne ne doute que ce serait un embrasement général. La fragilité de la démocratie béninoise sauterait ainsi aux yeux de tous. Ce n’est pas qu’il n’y a pas les lois ni les institutions ou même les hommes. Mais la plupart d’entre nous perdons de vue qu’une démocratie est avant tout destinée à construire un pays sur le long terme, et non pas à offrir   des prébendes à de prétendus cadres de quelque région que ne soit. Qu’elle est destinée à trouver de solution aux problèmes des mécaniciens, des commerçants, des chauffeurs, des vulcanisateurs comme des diplomates, des magistrats ou des nouveau-nés. Lorsqu’elle échappe à cette mission, lorsque la scène politique est constamment envahie par des  querelles de trottoirs, la démocratie ne pourrait être qu’un vaste leurre. Un immense gâchis.

               Vingt trois ans après, le front social est surchauffé. L’un des signes les plus cruels, c’est la grève des praticiens hospitaliers dont le débrayage a contraint Martin Assogba à trois heures d’attente au CNHU avant qu’il ne soit évacué sur une clinique. On imagine comment  des centaines de personnes ont perdu la vie dans ce genre d’engrenage inhumain. Et en même temps, je me demande ce que le législateur attend pour empêcher que nos centres de santé ne deviennent des mouroirs officiels. Dans l’indifférence générale.

               Vingt trois ans après…Oui, il y a encore tant de fragilités. Mais surtout  tant d’espoir  pour que le grain semé en 1990 soit pour nous porteur des fruits doux de nos efforts communs.

Par Olivier ALLOCHEME

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