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Le triomphe de la vérité

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Editorial:La rentrée tambours battants


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Le gouvernement a réussi : « sa » rentrée ne sera pas perturbée. Les enseignants lui ont accordé un moratoire de deux mois pour satisfaire leurs revendications. Pour le moment, tout le monde est quitte. Seulement, un problème subsiste. En dépit de cette entente tacite, la question de la pédagogie à appliquer dans les classes, cette année encore, reste entière.

En fait, tout le monde se frotte les mains, parce que le gouvernement et les syndicats n’auront plus vraiment à s’affronter sur le problème des 25% d’augmentation salariale ainsi que celui des défalcations pour fait de grève. Mais sur le fond, personne ne se préoccupe vraiment du contenu réel des apprentissages et surtout des conditions dans lesquelles ceux-ci sont dispensés aux apprenants. Et pourtant, tous les enseignants (ou presque) se posent encore mille questions sur la fiabilité de la pédagogie appliquée dans les classes.

Dans les colonnes de votre journal, le professeur Jean-Claude Hounmènou, Directeur adjoint de l’Ecole Normale Supérieure de Porto-Novo, avait sonné une violente charge contre la pratique de l’approche par compétence (APC) appliquée dans les classes, la jugeant rébarbative et inadaptée. Venant d’un homme chargé de former les enseignants à la pratique sur le terrain, cette critique verte et sans concession, est en soi un scandale. Même si elle n’est pas passée inaperçue, elle n’a pas fondamentalement bousculé la donne.

 A côté de lui, l’écrasante majorité des enseignants d’université est opposée à la méthodologie de l’APC. De sorte qu’aujourd’hui, l’on peut dire qu’il y a une rupture radicale dans la méthodologie appliquée au primaire-secondaire et celle du supérieur. Ce n’est ni une guerre d’écoles ni une querelle de chiffonniers. C’est une question vitale pour les apprenants, notamment quant à la qualité de l’apprentissage qui leur est dispensé.

Il suffit de questionner les enseignants du secondaire pour s’en rendre compte. Pour la plupart, ils considèrent la méthodologie officielle comme une aberration, mais osent rarement le dire en public par crainte de représailles. Pour se sortir d’impasse, la plupart s’adonnent à des contorsions méthodologiques en situation de classe. Lorsque les inspecteurs et les conseillers pédagogiques sont annoncés, ils s’appliquent du mieux qu’ils peuvent pour montrer patte blanche. Mais dès qu’ils tournent le dos, l’ancienne pédagogie revient au galop.

« Au bord de la falaise, le vieillard définit le progrès comme un pas en arrière ». C’est par ce proverbe Bantou du Congo contenu dans les mesures correctives mises en œuvre au primaire, que les pédagogues se sont tirés d’affaire depuis quelques années. L’utilisation de cette sagesse populaire incarne à elle seule, l’impasse méthodologique dans laquelle les enseignants se sont retrouvés au primaire.

Ils ont été contraints de reculer, après plus d’une décennie de marche forcée, de terrorisme intellectuel et de massacre scolaire. Les enseignants du primaire, à force de se plier et de se raidir face à leurs tortionnaires, les inspecteurs, ont fini par obtenir que des mesures correctives soient mises en application.

Peu à peu, année après année, de mesures correctives en mesures correctives, l’on a fini par retomber pieds joints dans l’ancien programme autrefois voué aux gémonies. Ce sont des générations sacrifiées qui attendent leur tour au tribunal de l’emploi et de la qualification professionnelle. Elles constituent des bombes à retardement si l’université ne réussit pas à les sauver assez tôt.

Au secondaire, l’ensemble du corps professoral continue de se débattre pour ajuster cette pédagogie bancale aux impératifs du métier. Ceux des personnels d’encadrement qui sont affectés dans les classes d’examen, sont parmi les enseignants qui atteignent difficilement la moitié des programmes avant la fin de l’année.

 La raison ? Empêtrés dans des schémas méthodologiques qu’ils maitrisent à peine, ils évoluent à pas de tortue dans le programme, tandis que leurs autres collègues, plus décomplexés, se faufilent dans les dédales des normes officielles et passent à l’essentiel. C’est un compromis (ou une compromission ?) permanent avec les normes. Faut-il alors changer les normes ou changer les hommes ? La question est là.

La simple décence veut que ces normes mal mûries soient corrigées pour une pédagogie épanouie. Il faut sauver les enfants et non les inspecteurs.

Olivier ALLOCHEME

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