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Le triomphe de la vérité

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OPINION:La fragilité du système bancaire dans l’espace OHADA


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Cette longue litanie de sinistres financiers impose une réflexion sur le management des banques en Afrique francophone. Car, pour l’instant, rien n’interdit qu’elle s’allonge.

La bourrasque qui a affecté, à la BEAC, l’équilibre de la Tour de Pise n’incline pas vraiment à la sérénité. On nous dit que le contrôle interne a été renforcé, que la probité a été érigée en principe et que des manuels de procédures ont été élaborés. Soit. Cela sera-t-il suffisant ? Rien n’est moins sûr.

Standards internationaux

Adossée à la réglementation française, sous la houlette des trois organes de contrôle et de régulation bancaire que sont le Comité de Bâle, le Fonds de stabilité financière et le Fonds monétaire international, la législation bancaire africaine s’attelle au respect des standards internationaux, depuis la faillite des banques de développement des années 90. Malgré un découpage sous-régional autour de l’Union monétaire Ouest Africaine, dite UMOA (Bénin, Burkina, Côte-d’Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo), d’une part, et de la Communauté des Etats de l’Afrique centrale, dite CEMAC (Cameroun, Centrafrique Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad), d’autre part, on retrouve des réglementations jumelles, tant au niveau de l’accès à la profession bancaire et du contrôle de l’activité bancaire, qu’à celui du traitement des établissements de crédit en difficulté.

Faute de fonds de garantie

La révélation des défaillances de certains établissements de crédit résulte d’émancipations indues, qui livrent au public la dangereuse vulnérabilité d’un système bancaire et financier inabouti, faute de fonds de garantie. Cette inquiétante faiblesse pose trois questions, avec, en filigrane, le souci constant de la sécurité des déposants :

– le management des banques et établissements de crédit

– leur contrôle et leur supervision

– le traitement de leurs difficultés

En effet, concentrée en un arsenal de règles préventives et répressives, la législation a négligé la dimension curative d’une maladie dont elle n’a pas posé le diagnostic. Suit un vide juridique vertigineux pour qui sait que l’activité bancaire consiste en la gestion de l’épargne publique, du risque et de la confiance.

Acharnement thérapeutique

L’état du droit traduisant la connaissance du législateur de la matière à laquelle il s’applique, il est concevable qu’instruit par une douloureuse expérience, le législateur se penche sur le cœur du sujet, le traitement des défaillances bancaires. Les turbulences actuelles démontrent que les faillites font partie du champ des possibles, tant certaines administrations provisoires tiennent de l’acharnement thérapeutique. D’autres cas ne méritent-ils pas simplement une reposante et salutaire euthanasie pour l’économie communautaire, plutôt que l’entretien d’une gangrène nocive pour la collectivité ? En outre, le recours supplétif aux règles de droit commun des procédures collectives met en exergue leur inadaptabilité à la structure bilancielle des établissements de crédit, qui ne sont pas des sociétés anonymes ordinaires.

Certes, la réglementation bancaire en Afrique est un labyrinthe, dont il n’est pas sûr que les managers mêmes de la profession détiennent les clefs. La brûlante actualité immédiate ne dit pas autre chose, qui dévoile des pratiques curieuses et peu soucieuses des desseins traditionnels des entreprises financières. Peut-être est-il utile de rappeler d’élémentaires évidences. Une banque n’est pas une épicerie, encore que même cette dernière réclame un minimum de rigueur. Par ailleurs, ces temps de crise ouvrent un vaste champ de réflexion profond et légitime sur le métier de banquier, à l’heure où l’argent est devenu une matière première.

Des instruments de tonte

La lecture des rapports d’inspection des banques et établissements en difficulté laisse pantois quant à la raison même de la création de certains d’entre eux. On croyait ces entreprises actrices majeures de la croissance économique par l’alimentation des circuits commerciaux et industriels, on en découvre qui sont des instruments de tonte, les épargnants ayant tout l’air d’un troupeau de moutons. Ces impostures rappellent que l’essentiel de la banque, ce n’est pas le capital des quelques actionnaires, mais l’argent de milliers de déposants qu’elle draine comme intermédiaire financier pour les besoins de la collectivité.

La sensibilité et l’importance de l’activité bancaire ont donné lieu à une réglementation sourcilleuse comme premier sas vers l’exigence. C’est ainsi qu’il faut comprendre le recrutement sélectif de ses acteurs par la procédure d’agrément. Or, le management des banques sous le choc traumatique défie les logiques orthodoxes en la matière. L’audace et la régularité des habitudes en contravention avec la réglementation, l’inobservation des prescriptions d’évaluation, la collusion des protagonistes tendent à peindre les établissements de crédit comme des lieux de liberté au détriment de la sécurité des déposants.

Ce management préjudiciable à l’épargnant traduit des comportements en déviance avec la tradition bancaire, tellement inexplicables sont les choix, lointains les objectifs et absente la stratégie. Ces orages expriment tous les défauts d’un processus qui ne s’embarrasse ni de règles, ni de résultats et encore moins de valeurs. Aussi n’est-il pas superflu d’oublier les réflexes ethniques et d’écarter les suspicions politiques pour dresser un état de lieux et suggérer des pistes de réflexion.

De l’état des lieux, il ressort le constat suivant :

• La complaisance du contrôle bancaire

• L’inobservation des procédures d’alerte

• Les limites des mesures d’assainissement

Ce constat inspire les pistes de réflexion suivantes :

• L’impératif de bonne gouvernance

• Le traitement spécifique des défaillances bancaires

• La création d’un fonds de garantie des dépôts et des titres

Ses yeux pour pleurer

En l’état de la législation, ouvrir un compte en banque en Afrique francophone est un acte d’appauvrissement. Déposer de l’argent dans son compte, c’est se dépouiller. En toute légalité. Cette réalité tient en deux raisons, que sont la complexité juridique de la nature du contrat de dépôt de fonds, qui est d’un type particulier, et l’inexistence d’un fonds de garantie des dépôts, des titres et des cautions. Lorsqu’une personne dépose de l’argent dans un compte à la banque, cette dernière a le droit de l’utiliser pour son propre compte, à charge pour elle de le restituer aux conditions convenues, comme, entre autres ordres, les chèques ou les virements.

En raison de la nature fongible de l’argent, le déposant n’a plus la propriété de la somme versée, qui perd son individualité en se fondant dans les avoirs de même nature de la banque. Dès lors, le déposant devient le simple titulaire d’une créance chirographaire du même montant envers la banque. En outre, il n’existe pas de système de garantie des dépôts, des titres et des cautions. C’est-à-dire qu’en cas de difficultés de la banque, le déposant n’a plus que ses yeux pour pleurer, comme le dit la sagesse populaire.

Confiants et ignorants

La préoccupation grandit quand, au regard des balbutiements de notre marché financier, le constat est facilement établi d’une économie d’endettement, dans laquelle les banques jouent incontestablement un rôle vital comme auxiliaires de commerce. C’est donc peu dire que la faillite d’une banque peut se révéler catastrophique pour l’économie d’un pays, à plus forte raison, sur la vie des déposants qui, parfois, ont toute leur vie dans un compte en banque.

En conséquence, l’épargne publique mérite plus de considération pour le traitement des établissements de crédit et de microfinance en difficulté. Il est évident que l’invitation des actionnaires à faire un geste et la solidarité de place ne sont pas des outils juridiques capables de faire face à la faillite d’une banque. Confiants et ignorants, les déposants méritent d’être prémunis d’un sinistre intégral en instituant un moyen simple et efficace de limiter les dégâts en cas de catastrophe bancaire, en l’occurrence un fonds de garantie des dépôts des titres et des cautions.

Cet organisme permettrait d’assurer une indemnisation minimale au seuil défini et même mettre en jeu la responsabilité des dirigeants de droit ou de fait soumis à son magistère. C’est une question de morale publique.

Arlète Tonye, Avocat au Barreau du Val d’Oise

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