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Le triomphe de la vérité

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Menace sur l’expression identitaire au Bénin: Rasta-man ou cheveux de la mort


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Un rasta abattu à Abomey pour ses cheveux

 

A Abomey, localité située à 133 kilomètres de Cotonou, la capitale économique du Bénin, la longueur des cheveux est depuis peu, un facteur de vie ou de mort. Victimes de vindictes des populations en furie, les rasta-men font les frais de leur conviction religieuse. Une série de meurtres perpétrés contre les hommes aux cheveux nattés, qui est venue révéler la réelle perception sociale des rasta-men.

En cette matinée du 11 mai 2010, de son atelier d’exposition des œuvres d’art à son domicile, le rasta-man Coovi alias « Togolais » s’est fait raccompagner par la police publique. Une escorte assurée par trois hommes en uniforme, armes aux poings.Et pourtant, depuis quelques années, ce réfugié togolais a réussi son intégration dans la société béninoise où il développe dans la ville d’Abomey, son petit commerce en toute liberté. Mais, sans ce dispositif exceptionnel de sécurité, Coovi serait peut-être déjà passé de vie à trépas comme son ami Joël, artiste plasticien et rasta-man assassiné il y a quelques jours. Par ces temps de vive tension, des dizaines d’autres rasta-men de la ville auraient tout donné pour jouir de ce privilège sécuritaire que Coovi le «Togolais » doit à son statut de refugié. Car depuis quelque temps, les hommes aux dreadlocks (les rastas) sont devenus indésirables dans la ville et sont la proie de la vindicte populaire. La chasse aux « sorcières » s’est ainsi déchaînée au cœur de la ville d’Abomey. On ne les rencontre pratiquement plus, comme il y a encore quelques mois, dans les ateliers de sculptures de bois, devant les stands d’expositions de vêtements ou comme guides déambulant d’un site touristique à un autre à travers Abomey, la ville historique. Les propos menaçants à leurs égards se sont libérés puis ont commencé par se traduire en actes. Ici, ce sont des rasta-men qui ont échappé de justesse à un enlèvement, là, ce sont des assassinats en règle que la communauté a organisé contre eux… 06 mai 2010. Deux rasta-men considérés du fait de leur coiffure comme des criminels auteurs d‘enlèvements répétés d’enfants, ont été brûlés par les populations. L’une des victimes, Joël, artiste plasticien bien connu dans la ville, , était pourtant attendu pour une exposition en France, comme l’ont témoigné plus tard, ses partenaires français. Selon une source policière communale, aucune enquête policière n’a certifié jusqu’à présent la culpabilité ou la complicité de ces deux jeunes hommes.
A l’origine, un fait isolé d’enlèvement d’enfant dans un village d’Abomey. Un événement ordinaire dont la répétition va semer la psychose dans toute la ville d’Abomey. Et en l’absence de toute investigation policière, les populations hystériques ont nourri une soif intense de vengeance. Dans la foulée, les rasta-men déjà frappés au sein de l’opinion par des préjugés négatifs, semblent être de parfaits boucs émissaires. Blaise Ahanhanzo-Glèlè, le Maire de la commune d’Abomey confirme cette hypothèse : « cette cabale contre nos amis rasta-men est née à la suite de cas d’enlèvements et d’assassinats répétés d’enfants dans la localité ». Pour le socio-anthropologue Dodji Amouzouvi, Enseignant à l’Université d’Abomey Calavi du Bénin, cette persécution des rasta-men peut s’expliquer comme l’assouvissement d’une soif sociale de « trouver un coupable au mal qui prévaut dans la société ». La vie des rasta-men devient alors un enfer. La cabale contre eux est réelle et fait des victimes dans la ville! Une culpabilité que les populations proclament sur la simple foi de la coiffure de leurs concitoyens.

LES PRISONS S’OPPOSENT AUX CROYANCES POPULAIRES« Nous étions conscients que dans notre localité, nous sommes considérés comme des êtres à part ; mais que les gens présument sur la base de notre coiffure que nous sommes des criminels, c’est vraiment injuste », dénonce Jean-Pierre. Quelques jours après le déclenchement de la cabale meurtrière, Jean-Pierre a dû renoncer à ses dreadlocks sous la pression croissante des menaces populaires. « Moi je me suis rasé la tête parce que ma famille me l’a fortement suggéré mais je n’ai pas renoncé à mes convictions de rasta », nuance-t-il.
Les menaces ouvertes contre l’intégrité physique des rasta-men sont des faits nouveaux au Bénin. Mais les préjugés négatifs sur leur coiffure est une perception sociale généralisée. Il y a quelques années, Boris, talentueux Photojournaliste aurait pu décrocher son premier emploi dans l’administration publique s’il s’était aussi départi de ses dreadlocks. Son obstination à affronter la vie professionnelle avec ses cheveux lui révèle les limites de son choix, pour sa première demande de stage au quotidien national. Il n’obtiendra jamais un contrat de travail comme ses autres collègues. Sa compétence professionnelle pourtant avérée a moins convaincu les employeurs que ses cheveux emmêlés qui laissaient préjuger de sa situation sociale. Le socio anthropologue Dodji Amouzouvi estime qu’au Bénin, « dans l’imaginaire populaire, la coiffure rasta rime avec manifestation du gangstérisme et du banditisme et les gens continuent de penser que c’est des divorcés sociaux qui adoptent cette coiffure ». Selon plusieurs Béninois interrogés Cette perception sociale, s’est établie à la suite de plusieurs comportements contraires aux normes sociales adoptés par les rasta-men. C’est ainsi que dans la ville d’Abomey, l’image commune du rasta-man au sein des populations, est celle d’un narco dépendant, vivant en marge des règles sociales.
Mais cette image rasta-men semble être formellement démentie par la réalité carcérale au Bénin. Sabbat Nazaire, un célèbre musicien du reggae béninois et rasta-man, lui-même confondu à un voyou et jeté en prison il y a quelques années, s’interroge à cet effet: « combien de rasta-men y-a-t-il dans nos prisons ? Vérifiez et vous saurez que c’est insignifiant». En effet dans la prison civile d’Abomey, avec environ 1500 détenus, on ne dénombre aucun rata-man. Les responsables de la maison d’arrêt certifient l’inexistence de détenus portant des dreadlocks à leur entrée dans la maison d’arrêt municipale. Ainsi, au moment où la rue d’Abomey proclame la nocuité sociale des hommes aux cheveux tressés, ses prisons répondent par un désaveu formel. Les cheveux cessent dès lors d’être un trait distinctif des divorcés sociaux mais continuent néanmoins, de nourrir beaucoup de préjugés négatifs au sein des populations.
« En réalité, relève Dodji Amouzouvi, la coiffure rasta a une fonction identitaire. C’est une manière de vivre tant que les intéressés ne bousculent pas les normes qui régissent la société. Néanmoins elle n’a pas la même perception d’une société à une autre». Contrairement au Ghana situé non loin du Bénin et où les dreadlocks font pourtant partie de la vie ordinaire, les populations béninoises n’ont qu’une histoire très récente de cohabitation avec les rasta-men. Au Bénin, la Constitution qui est la loi fondamentale garantit pourtant intégralement à tous les citoyens, une liberté d’expression et de conviction religieuse. Des dispositions qui se révèlent pourtant, en l’espèce, bien désuètes devant la facilité des populations à déclarer la culpabilité et exécuter des citoyens en se fondant sur de simples traits culturels ou religieux.

SAUVER LA LIBERTE D’EXPRESSION IDENTITAIRE !
A la cabale sociale contre les rasta-men à Abomey, élites locales, pouvoirs locaux, organisations de la société civile et les autres rasta-men du Bénin ont opposé une intense campagne de sensibilisation des populations. Le 11 mai 2010, au moment où Coovi et la centaine de rasta-men d’Abomey vivent la psychose, au campus universitaire d’Abomey-Calavi (A 130 Km environ), leurs compagnons de toutes les régions du Bénin à travers un concert de reggae, célébraient Bob Marley, considéré comme le « Père » de la philosophie rasta. Une tradition qui pour la circonstance a été fortement marquée par les événements d’Abomey. Nombreux sont ceux qui, lors de ce concert, ont porté un brassard ou un tee-shirt noir, en signe de deuil pour la mémoire de leurs compagnons d’Abomey. « Le reggae en lui-même est une musique de dénonciation. Nous chantons et dansons ce soir pour condamner le sort réservé aux rastas dans notre société », confie Jahlight, un jeune étudiant rasta-man qui assistait au concert. Dans le même temps, les actions se sont intensifiées dans le rang de la société civile béninoise. Le Vizir Olofindji Akandé, un acteur engagé de la société civile africaine, membre de l’Organisation Non Gouvernementale «Africa-cultures international institute» prônant le panafricanisme et le retour des Africains-Américains au bercail, observe la situation d’Abomey comme un obstacle majeur à la réalisation de l’idéal d’une société africaine réconciliée avec son histoire. Sa visite au conseil communal de la ville pour une sensibilisation sur la philosophie rasta a été un réel déclic dans la perception populaire des hommes aux longs cheveux nattés. Une grande marche populaire a été initiée à Abomey sous la direction du Maire de la ville pour dénoncer la cabale contre les rasta-men.
Autant d’actions de mobilisation sociale pour la défense des rasta-men qui peuvent laisser croire à une conversion de la perception populaire. Mais Coovi, le « Togolais » semble en être le moins convaincu. Dans les regards à travers la ville, il lit toujours une menace potentielle. Il préfère partir ailleurs. Au Ghana. « Là-bas au moins, confie-t-il, on peut être rasta-man en toute quiétude ».
Médard GANDONOU

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5 thoughts on “Menace sur l’expression identitaire au Bénin: Rasta-man ou cheveux de la mort

  1. ben

    j ai été choqué de lire cet article (21eme siècle) que quelqu’un puisse mourir à cause de son choix de vie.
    je suis encore plus choqué de l’indifférence de notre institution face à cette chasse aux sorcières.
    Bob Marley, Alpha Blondy, Rud Gullit pour ne citer que ceux là seront encore plus choqués que moi lorsqu’ils vont apprendre qu’ils pouvaient être tués à cause de leurs idéologies.

    Si vous vous rendez en Europe vous trouverez des personnes de toutes les couches sociales qui ont des rasta sur la tète,

    Soyons tolérants les uns envers les autres car c’est dans le respect du choix et mode de vie des uns et des autres que nous pouvons arriver à créer une solution civilisée, de paix et de démocratie, car un acte comme celui la nous retourne au moyen âge.

  2. babylone

    Nous les rasta man ne sont pas des bandits,ni des voleurs,mais nous somme les prophète de la PAIX,sachez bien celà,mon numéro es le 0640912089

  3. Goa

    Bonjour,

    Je viens de lire votre article, c’est en effet assez dramatique et alarmant.
    Je suis française et je pars pour le Bénin très bientôt. Et je porte des dreads-locks.
    Une question me vient à l’esprit après avoir lu cette article : Est-ce dangereux?

    Merci de votre réponse.

  4. Jahlove

    Les autorités du pouvoir central ont le devoir de plancher très rapidement sur ce problème ; car cela menace sérieusement notre jeune démocratie mal en point . Déjà la population qui tue quelqu’un pour cause qu’il a été pris en flagrant délit de vol , ce n’est pas compréhensible .Aller tuer des pauvres et sérieuses gens parce qu’ils portent des cheveux longs , c’est le retour à la période préhistorique ;je présume que les gens ils y étaient encore plus tolérants . Frères et sœurs Béninois , pour le bien de notre nation , sachez que la démocratie et le développement d’un pays se font dans le respect et l’acceptation de l’autre.

  5. lionceau

    slt,je sui lionceau un jeune rasta man gabonais,en lisant cet article je realise k le rastaman est une personne assez exceptionel et a une dimension spirituelle elever pask je ne saurai comprendre comment la population peut en vouloir a kelkun a coz de ses dreads.chez moi au gabon kan t’es rasta on te traite de bandit osi mais surtout d’irresponsable et de fumeur de chamvre et losk tu entre dans une administration,aussitot les regards sont jetter sur toi et les murmures commencent par ci et par la com si des demons etaient gener par la lumiere….pourtant les rasta men ne nuisent en rien la societe et respectent assez bien certain principe divin contrairement a ce phenomene de pedophilie ki grandit de plus en plus chez nous. au debut jai du couper mes dreads a cause de tous ce k les gens disaient sur moi mais apres avc le temp je comprend k la foi est au dessus de tout. jah deh bless me!!!

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