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Le triomphe de la vérité

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Editorial:Justice de mon pays !


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Il y a des choses graves qui se passent sous nos yeux. Des choses si graves que le silence même est un délit pour le citoyen qui les vit et se tait. Il s’agit précisément de cette guéguerre entre le Garde des sceaux et les magistrats.

Le ministre de la justice n’a pas hésité la semaine dernière, à revenir sur ses déclarations antérieures relatives à la corruption présumée de certains magistrats. Ces déclarations, on s’en souvient, avaient déclenché une levée de boucliers au sein du syndicat des magistrats. De grève en négociation, les magistrats avaient fini par arracher au forceps, des excuses timides de Marie-Elise Gbèdo.

Tout le monde a vu combien de fois le Garde des sceaux a été obligée de prononcer quelque chose qui ressemble à un acte de contrition forcé, obtenu sans doute sous la pression de la Marina. Le Chef de l’Etat a voulu accéder à la revendication des magistrats en sommant son ministre d’avoir à s’excuser. Mais, à entendre ce que l’on a entendu mardi, la ministre n’a reculé que pour mieux sauter.

Une fois de plus, elle ne s’est pas embarrassée de circonlocutions pour mettre à nouveau les pieds dans les plats de la magistrature. Ces attaques, à bien des égards, ciblent une certaine frange de la magistrature qui serait corrompue d’une corruption incroyable, sale d’une saleté insoutenable.

Les dénégations courroucées de l’UNAMAB, le syndicat des magistrats, n’ont pas vraiment écarté l’hypothèse de la corruption au sein de la profession. Elles ont juste servi à charger à nouveau les avocats accusés d’être les plus corrompus du pays. Ces accusations croisées et répétées du Garde des sceaux et du président de l’UNAMAB font scandale. Qu’elles soient justes ou fausses, elles sont la preuve que la maison justice se trouve dans un état bien piteux.

Il suffit d’écouter aussi les récriminations du Chef de l’Etat en personne pour s’en rendre compte. Et ce n’est pas la première fois que nous apprenons que notre appareil judiciaire n’est vraiment pas un modèle de rectitude. On connait le scandale des frais de justice criminelle. On sait aussi que presque toutes les études sur la corruption au Bénin pointent un doigt accusateur sur la pourriture dans la maison justice.

On peut aussi constater que dans nos maisons d’arrêt, il y a plus d’innocents que de coupables, plus d’honnêtes citoyens qu’une justice mal rendue pour des raisons parfois obscures, a jeté en prison que de véritables divorcés sociaux. Au bout de cinq ou dix ans de procédure stérile, beaucoup de prévenus s’entendent dire qu’ils ne sont pas coupables. Des vies brisées, des carrières en fumée, des familles déchiquetées, mais aussi des destins qui eurent été lumineux, définitivement anéantis.

Le problème est aujourd’hui de savoir pourquoi toutes ces dérives dénoncées par tous les acteurs n’arrivent pas à trouver solution, alors qu’elles nuisent à la dignité de l’homme, à la crédibilité des juges et à leur indépendance. Alors qu’elles remettent en cause notre Etat de droit tout court, et installent un Etat de non-droit.

Pourquoi précisément, la ministre de la justice ne traduit-elle pas en conseil de discipline les magistrats qu’elle juge corrompus ? Pourquoi persiste-t-elle dans des accusations aussi graves, si elles ne mènent à aucune action de sa part, alors qu’elles entretiennent un climat de tension entre elle et le corps des magistrats ?

Tout porte à croire, en tout cas, que le justiciable béninois ne mérite pas cette justice dont les premiers responsables disent, eux-mêmes, qu’elle est corrompue. Et nous avons élu le Chef de l’Etat pour qu’il soit le premier magistrat, non pas pour les honneurs mais pour nous épargner cet état de chose. C’est-à-dire qu’en dépit de la guéguerre qui est ici entretenue, et surtout en raison d’elle, il est impérieux qu’un coup de balai vienne nettoyer la maison, pour tirer le bon grain de l’ivraie.

Ce qui est en jeu, ce n’est ni l’image de Marie-Elise Gbèdo ni des magistrats, et encore moins celle des avocats béninois. Ce qui est en jeu, c’est l’image de tout le Bénin en tant qu’Etat de droit mais dont l’appareil judiciaire est miné par des odeurs fétides.

Olivier ALLOCHEME

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