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Le triomphe de la vérité

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Editorial: LA CHASSE AUX LIBERTES


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J’ai pris le temps de visualiser et de visualiser encore une vidéo du préfet Alain Orounla défendant il y a quelques années les libertés publiques dans notre pays. « Il faut que nous comprenions que le combat pour la liberté n’est pas un combat utopique », disait-il en défense pour notre confrère, feu Vincent Folly dont le journal avait été sanctionné à l’époque par la HAAC.Avocat à l’époque de SébatienAjavon, Alain Orounla dénonçait le pouvoir Talon qui faisait du Bénin « un pays dans lequel nous avons des ennemis de la liberté ». C’était l’avocat qui parlait. Et puis l’avocat est devenu ministre de la communication, porte-parole du pire ennemi de son ex-client. Il y a des avocats béninois qui doivent donner des master-class sur comment trahir ses clients. Et enfin le ministre est devenu préfet du Littoral, pourfendeur des libertés que jadis il défendait avec verve. Vous comprenez que le préfet du Littoral n’en est pas à une immoralité près.

Mais en réalité, le cas du préfet est loin d’être unique. Pour les élections de 2016, Adrien Houngbédji (un autre avocat !) passait de meeting en meeting, d’émission télé en émission télé pour expliquer que Patrice Talon est dangereux pour le pays. Mais l’actuel chef de l’Etat n’avait pas encore prêté serment à Porto-Novo quand l’un des hommes de main du même Houngbédji est passé dire à la télé que le PRD, leur parti, était désormais prêt à travailler avec lui. On connait la suite. 

Prenons Patrice Talon lui-même.  Souvenez-vous de l’entretien qu’il a eu en France avec des journalistes béninois, avant la présidentielle de 2016. Il y disait, entre autres mots doux : « La liberté permet l’éclosion et l’épanouissement de chacun en ce qui le caractérise. Mais la liberté ne peut exister sans la démocratie. »C’est le même Patrice Talon qui a fait interdire depuis quelques jours les marches pacifiques des travailleurs. Et pour empêcher les travailleurs d’exercer ce droit élémentaire, il fallait voir le nombre  impressionnant de policiers armés jusqu’aux dents déployés dans la ville de Cotonou et à tous ses points d’entrée. Un peu comme si toute marche est un danger pour le pays. Il y a un contraste effrayant entre le Talon réclamant les suffrages des Béninois et le Talon qui est actuellement à la Marina. A qui la faute ?

Ou plutôt toutes ces contradictions signifient-elles que la démocratie au Bénin est un leurre ? Nous gardons une façade démocratique que nous enjolivons d’élections plus ou moins libres. Le vernis de l’alternance est plus important que les pratiques et croyances effectives. Critiquer tel ou tel pour ses revirements ne résout nullement la question. La version de la démocratie en cours chez nous est une aberration. De la base au sommet, très peu de citoyens sont prêts à accepter les exigences de la démocratie. Les pseudo-partis politiques, de la mouvance comme de l’opposition, ont un fonctionnement directement contraire aux idéaux démocratiques les plus simples. Si vous avez jamais milité dans un parti au Bénin, vous savez déjà de quoi je parle : seuls les riches ont droit  à la parole. Quant au bétail électoral…

Je suis avec anxiété la situation au Sénégal depuis quelques mois. L’avènement du nouveau régime me rappelle beaucoup de souvenirs sur l’avènement au pouvoir, presque dans les mêmes conditions de l’ancien président Macky Sall. Il avait arraché le pouvoir des mains d’Abdoulaye Wade en 2012, au prix de violences inouïes dans les rues de Dakar. Les Sénégalais avaient voté Macky Sall pour protester contre les dérives autocratiques du vieux. Quelques années plus tard, les mêmes protestations se dressent cette fois contre Macky Sall pour les mêmes motifs : dérive autocratique, opacité dans la gouvernance, pillage des ressources de l’Etat. Il a fallu le courage d’un certain Ousmane Sonko pour débarrasser le Sénégal de ce régime corrompu. Mais je suis presque sûr que les vieux démons de la tyrannie et de la corruption vont  bientôt surgir. Il y a une intolérance africaine à la démocratie.

La marche des travailleurs prévue pour le 11 mai aura-t-elle lieu finalement, dans ce contexte de remise en cause de toutes les libertés ? Je veux garder espoir dans un pays où il est désormais interdit de crier qu’on a faim.

Par Olivier ALLOCHEME

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