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Le triomphe de la vérité

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Inadéquation de la démocratie occidentale à la culture et valeurs africaines: L’Ambassadeur EDON évoque des pistes de solutions  


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Depuis 1990, beaucoup de commentaires ont été faits et diverses opinions émises au sujet de la capacité des Africains à gérer la démocratie.  Des voix s’élèvent pour la qualifier de modèle occidental inadapté à l’Afrique. Dans cette réflexion, l’Ambassadeur Jean-Pierre A. EDON, Spécialiste des questions internationales évoque quelques approches des difficultés de la démocratie, la différence entre les visions africaine et occidentale, les effets et les palliatifs de la mauvaise gouvernance et la faisabilité de la démocratie en Afrique. Pour lui, contrairement à l’opinion selon laquelle le modèle de démocratie occidentale a échoué en Afrique, ce système politique continue de faire ses premiers pas.  « Il marcherait mieux pour peu qu’il soit adapté aux réalités du terrain que sont ses valeurs morales et la conception du pouvoir à l’africaine », fait-il savoir. Voici l’intégralité ci-dessous de sa réflexion sur le sujet. 

L’Ambassadeur Jean-Pierre A EDON

LE MODELE DE LA DEMOCRATIE OCCIDENTALE EST-IL CONFORME A LA CULTURE ET VALEURS AFRICAINES ?

De 1990, année de l’avènement du processus démocratique en Afrique, à nos jours, beaucoup de commentaires ont été faits et diverses opinions émises au sujet de la capacité des Africains à gérer la démocratie.  Des voix s’élèvent pour la qualifier de modèle occidental inadapté à l’Afrique. Qu’en est-il en réalité ?

Dans une analyse des coups d’Etat en Afrique, publiée en septembre 2023 par le journal ‘’l’Evènement précis’’, je soulignais que l’une des difficultés de la démocratie en Afrique, est l’inadaptation aux réalités du milieu des constitutions inspirées de celles des pays occidentaux, sans la prise en compte des valeurs morales et culturelles africaines.

Evoquant une question similaire à la tribune de l’Assemblée Générale des Nations-Unies à New-York le 22 septembre 2023, un chef d’Etat africain émanant d’un coup d’Etat militaire, déclarait que le modèle occidental de la démocratie ne marche pas en Afrique, c’est un échec.

Quelques approches des difficultés de la démocratie

Cette appréciation discutable, voire hâtive, mérite d’être nuancée. La constitution française dont se sont inspirées les pays africains francophones, est le résultat de l’histoire de la France qui a connu pendant des siècles des régimes et expériences politiques différents.

Ces pratiques de gouvernance auxquelles s’ajoutent les valeurs et les résultats des luttes sociales, sont les éléments constitutifs des sources de la constitution actuelle de cette nation. S’en inspirer pour écrire les lois fondamentales africaines, n’est pas une mauvaise initiative. Mais il fallait y introduire les valeurs, les traditions et la culture africaines qui ne sont pas forcément les mêmes en Occident.

Quelques-unes de ces qualités morales sont à titre d’exemple, la sacralité de la famille, la solidarité, la justice, la vérité, la crainte de Dieu, l’humilité, la considération des lois de l’univers. Nos ancêtres faisaient la politique sur la base des valeurs et non sur celle des idéologies qui ont l’inconvénient d’être conflictuelles. Ils cherchaient pour leurs peuples, le bonheur, la prospérité, le vivre ensemble, l’harmonie dans la communauté avec des règles de conduite strictes.

Or le système politique occidental qu’a hérité l’Afrique du fait de la colonisation, entraine les divisions, la haine, les coups bas, les règlements de compte, la corruption, les guerres civiles, l’extrême violence.

Par le passé, l’organisation de la société africaine, tenait fermement au caractère sacré de la famille, or avec l’occidentalisation des comportements dans un monde dit moderne, l’importance et la considération dues à la cellule familiale se dégradent gravement. Le caractère sacré et inviolable de la sexualité est galvaudé. On assiste alors à l’apologie de l’avortement, du célibat et de l’homosexualité, ce qui est inconcevable dans la société africaine attachée à la morale, à la crainte de Dieu et aussi à la vision.

La différence entre les visions africaine et occidentale

La vision est, en effet, le but ultime que tout pouvoir cherche à atteindre. Celle de nos ancêtres c’est édifier l’homme, construire la confiance qui est le ciment de tout rapport humain. Sans la confiance rien ne peut se faire véritablement. La construction de l’homme, c’est sa mise au centre de tout car en définitive c’est lui qui pose les actes. Il est donc plus important que l’argent.

Or en Occident, l’argent est le plus puissant des divinités. Ne dit-on pas que l’argent est le nerf de la guerre ? La vision occidentale est de construire et accumuler sans cesse des biens matériels et services, chercher coûte que coûte la croissance économique. Le résultat aujourd’hui, c’est le réchauffement climatique avec ses effets dévastateurs et le déclassement de l’être humain. La domination en est un autre volet.

La croissance économique est louable et utile, mais elle ne doit pas se faire en détériorant la nature, l’environnement. Mieux la richesse qu’elle génère n’aura de sens que si elle est équitablement répartie au sein de la société et contribue à la réduction des inégalités. En Afrique par exemple, les forts chiffres de croissance, n’ont pas d’impact sur les conditions de vie de millions de gens qui continuent de croupir dans la pauvreté.

 La prééminence accordée à l’argent entraine l’individualisme, le mensonge, l’hypocrisie, la tricherie, la violence, la destruction par les conflits armés. L’occident croit davantage à la science qu’aux forces de la nature, ce qui l’amène à poser quelquefois des actes incompatibles avec la civilisation africaine.

Cette brève présentation fait globalement apparaitre la similitude et la différence entre les valeurs des uns et des autres. Toutefois la démocratie est bien conforme à la mentalité africaine.

Un regard attentif sur les royautés africaines dans le passé, permet de se rendre compte que malgré la puissance du Roi, les principes de la démocratie relatifs à la séparation et la répartition des pouvoirs étaient appliqués. Chaque membre de la cour s’occupait des tâches spécifiques bien définies, et les règles du royaume [les lois] sont observées par tous les sujets.

On peut alors dire que la démocratie est aussi d’essence africaine. Par exemple, la première Charte au Monde sur les droits de l’homme, est celle de Kurukan Fuga de 1236 au Mandé, actuel Mali. Cet acte remonte à des siècles antérieurs à la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.

Les effets et les palliatifs de la mauvaise gouvernance

Ce qui donne l’impression que ce système de gouvernement ne marche pas en Afrique ou qu’il a échoué, c’est la mauvaise gouvernance qui étrangle le bienêtre social. La démocratie et le développement évoluent en binôme, l’un sans l’autre est un insuccès. Dans la plupart des cas en Afrique, la gouvernance démocratique est prise en otage, ce qui handicape les progrès socio-économiques.

Les dirigeants se comportent comme si tout se limite aux beaux discours d’obédience démocratique et à l’organisation régulière des élections qui, très souvent produisent des résultats truqués. Dans le même ordre d’idées, il importe de souligner que la politique est un sacerdoce, un sacrifice, et non un emploi, encore moins un moyen d’enrichissement. Cette conception erronée de la gestion des affaires publiques, contribue à polluer et dénaturer la bonne gestion dudit système de gouvernement.

A l’avenir, il conviendrait de revoir les constitutions en y intégrant des dispositions rigoureuses, de nature à réellement assurer la gouvernance démocratique dont notamment la garantie d’une justice libre et résolument réfractaire à l’instrumentalisation politique, ainsi que des institutions de contre-pouvoir fortes.

Les consultations électorales étant un acte très sensible, un accent particulier devra être mis sur le fonctionnement des organes électoraux, et sur la désignation de leurs membres sans l’implication des Autorités dirigeantes. L’organe électoral étant une structure essentiellement technique et non politique.

Pourquoi ne pas s’inspirer de celui du Canada appelé ‘’ELECTIONS CANADA’’ ? Ses membres sont interdits d’activités politiques et doivent être politiquement neutres. Ils jouissent du droit de vote mais ne sont pas éligibles. L’institution est entièrement autonome et aucune interférence extérieure n’est ni admise, ni tolérée. L’avantage, c’est la garantie des résultats électoraux incontestables, la confiance des électeurs à l’organe électoral et le renforcement de la démocratie.

La faisabilité de la démocratie en Afrique

Contrairement à l’opinion selon laquelle le modèle de démocratie occidentale a échoué en Afrique, ce système politique continue de faire ses premiers pas.  Il marcherait mieux pour peu qu’il soit adapté aux réalités du terrain que sont ses valeurs morales et la conception du pouvoir à l’africaine. Un chef africain se conformerait très volontiers à un régime de royauté éclairée.

C’est ce qui explique la volonté à s’éterniser au pouvoir, l’organisation des élections frauduleuses, le culte de la personnalité et le népotisme. Aussi est-il rare qu’un Président au pouvoir en Afrique perde les élections. Le cas récent du président du Liberia George weah dont la culture démocratique est à saluer, est inhabituel. Face aux irrégularités criardes du processus électoral et de la tendance à la dérive autoritaire, la prise du pouvoir par la force, bien que condamnable et anti-constitutionnelle, apparait malheureusement comme un moyen pour sanctionner un dirigeant ayant perdu la confiance de son peuple.

L’Afrique est mûre pour la démocratie qui n’est pas pour elle un luxe, mais une nécessité. L’expérience de ses pratiques durant ces trente dernières années, a permis de diagnostiquer ses maladies maintenant bien connues, qui se résument à la mauvaise gouvernance et à la non prise en compte de sa culture.

L’idée selon laquelle ce système politique hérité de l’Occident, trébuche et a échoué, se trouve heureusement démentie par la réussite des expériences démocratiques dans certains pays tels que le Botswana, le Cap-Vert et l’Ile Maurice. En effet il a été fait le constat que dans ces trois pays qui évoluent sans bruit, dans l’ordre, la discipline et la fermeté, la bonne gouvernance est observée avec une considération accordée à la culture et traditions locales.

 Telle est donc la clef de voûte de la démocratie qui est bien, à la portée des Africains avec une adaptation au milieu, sans la négation de ses principes fondamentaux à caractère universel. Toute autre appréciation serait subjective, paternaliste et non convaincante.

 L’adaptation aux réalités du milieu, signifie la prise en compte de la culture, des valeurs et traditions ainsi que le niveau réel de développement des pays africains majoritairement pauvres. De ce point de vue, la démocratie ne saurait être gérée dans ce continent exactement de la même manière qu’elle se fait dans les pays développés où sont déjà résolus depuis belle lurette, beaucoup de problèmes socio-économiques qui, en Afrique constituent encore des défis à relever. Mieux c’est un processus de longue haleine qu’on ne cesse jamais de construire et de renforcer. A ce jour, sa gestion n’est parfaite nulle part au monde. Il est toutefois souhaitable qu’une étude approfondie soit faite sur le modèle africain de démocratie.

Jean-Pierre A. EDON, Ambassadeur

Spécialiste des questions internationales

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