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Le triomphe de la vérité

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Edito: La norme, c’est l’impunité


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L’orage provoqué par le vote des députés la semaine dernière est symptomatique d’un mal profond. La Constitution béninoise a accordé une protection en béton armé au personnel politique. Vous avez vu que dans le cadre du dossier PPEA II, de simples citoyens ont été jetés en prison pendant des mois et des années, juste par simple suspicion. Pendant ce temps, des acteurs politiques clés n’ont jamais été écoutés par une simple commission d’enquête, encore moins par un juge. A aucun moment, personne ne s’est inquiété du sort de ces Béninois, pères et mères de famille, dont certains ont été abusivement détenus, privés de salaires. J’en connais particulièrement un dont la famille a été mise en lambeaux, du fait de cette détention, alors qu’il continue de clamer son innocence jusqu’aujourd’hui.
La levée d’immunité parlementaire ne signifie nullement que quelqu’un est coupable. Ni Djènontin, ni Idrissou Bako, ni Atao Hinnouho ne sont coupables à cette étape de la procédure. Seulement, la Constitution ayant été taillée sur mesure pour protéger les hommes politiques, estime qu’il faut que leurs collègues se prononcent non seulement sur leur comparution devant les juridictions compétentes, mais aussi sur l’acte d’accusation. Tant que les députés ne le veulent pas, ils peuvent voler tout l’argent du pays et rester tranquilles chez eux. Tant qu’il a la possibilité d’influencer ses collègues, aucun juge n’écoutera un député véreux ou un ministre félon encore moins un président de la république ancien ou en exercice. La loi dispose même qu’aucune juridiction ne peut prendre un acte d’accusation contre un ministre ou le chef de l’Etat, sans que les députés, une fois de plus, ne se prononcent à une majorité de 2/3 sur cette peine. La loi protège hermétiquement les acteurs politiques, à condition qu’ils soient suffisamment intelligents pour avoir le soutien du parlement. Depuis 28 ans, ils volent des milliards sans que personne ne puisse rien y faire, alors qu’ils votent des lois qui servent à envoyer les autres citoyens en prison. J’ignore si toutes les lois de ce pays sont ainsi taillées pour protéger les forts et anéantir les faibles. Mais voilà ce qui fait que le vote de ce 24 juillet est vu comme historique. Dans un pays où depuis toujours le personnel politique bénéficie d’une armure de protection infranchissable, obliger un député ou un ministre à aller s’expliquer devant les juges est forcément un acte historique.
Et pourtant, nous voyons tous les jours comment dans un pays de référence comme la France, chaque affaire qui se déclenche oblige le concerné, député ou ministre, ou tout autre responsable politique, à démissionner de ses responsabilités politiques pour que la justice ait la possibilité de laver son honneur. Ce sont d’abord ses proches, parents, enfants ou amis, qui le poussent à laver son honorabilité. Laver son honorabilité équivaut aussi à aller en prison si l’on a pu commettre des erreurs punies par les lois de la république. Mais ici au Bénin, depuis 1990, la loi permet au personnel politique d’échapper à ce devoir. Il est fort celui qui, après avoir volé suffisamment, peut se targuer d’échapper à la justice de son pays.
Cette conception déséquilibrée voire révoltante (mais combien réelle) ne serait pas possible si la justice béninoise n’était pas corrompue et facilement influençable. Selon les bruits de couloir qui me parviennent, quelques juges risquent d’être bientôt radiés pour des faits de corruption dans une affaire éminemment politique. Dans ces conditions, chacun est convaincu que la justice est aux ordres des pouvoirs d’argent et du pouvoir politique.
Mais le citoyen ordinaire qui a le sentiment que les acteurs politiques ne votent les lois que pour y échapper eux-mêmes, est finalement le dindon de la farce. Il est enfermé dans une fatalité sans issue, surtout lorsqu’il entend des chefs de famille venir défendre au parlement que des citoyens ne devraient pas être écoutés par les juges. Il est révolté d’apprendre que l’égalité en droit prônée par la Constitution est une simple farce.
L’impunité est la règle. Suivez-moi bien. Si le parlement est sollicité encore pour le vote aux 2/3 de l’acte d’accusation d’un certain Djènontin, je serais le premier surpris. Et si les députés votent effectivement cet acte d’accusation, je viendrai démentir ici même que notre Constitution n’a pas été cousue pour protéger les politiciens. Pour le moment, je le répète encore : rien ne se passera. Le reste n’est que de la musique de bouche.

Olivier ALLOCHEME

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