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Le triomphe de la vérité

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Edito: La bataille de l’ECO


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Les Chefs d’Etats et de gouvernement de la CEDEAO ont finalement maintenu l’échéance de 2020 pour l’avènement de la monnaie unique de la communauté. C’est une concession a minima que les Etats ont retenue, compte tenu des réticences nombreuses exprimées par un pays comme le Nigeria. A maintes reprises, les dirigeants nigérians ont affiché leurs hésitations face aux ambitions communautaires des autres pays. Avec environ deux tiers du PIB de la sous-région, le Nigeria est pourtant incontournable dans toute construction communautaire. Et Abuja le sait si bien qu’il traine sciemment des pas pour bien faire sentir son leadership. Sans lui, toute volonté d’intégration est vouée à l’échec. Lors du sommet de Niamey, le 24 octobre dernier, Muhammadou Buhari a clairement indiqué que son pays préconise de faire attention face aux récentes difficultés de l’Eurozone souvent citée en exemple. Au lieu d’être la locomotive qui tire le reste du groupe, Abuja se comporte comme le problème numéro un. Car, en dehors d’être réticent, le pays n’en est pas moins un maillon faible de l’application des textes de la communauté en matière de libre circulation des personnes et des biens.
Tentez donc d’aller vendre des produits industriels à Lagos. Vous verrez bien vite qu’entre les textes communautaires signés par le gouvernement fédéral siégeant à Abuja et leur application effective par les gouverneurs des 36 Etats qui forment la fédération, il y a comme un abîme. Si ce n’est pas l’agence fédérale de contrôle de la qualité, le NAFDAC, qui s’érige en obstacle numéro un des industriels africains désireux de commercer dans le pays, ce sont les contrôles policiers d’une brutalité sans nom qui empêchent toute circulation des étrangers ouest-africains et de leurs produits. Le maître mot en cette matière reste la corruption qui ouvre toutes les issues, sans garantie bien sûr de pérennité. La stratégie d’Abuja est clairement d’obliger tous ceux qui veulent vendre dans le pays à venir y investir, afin de créer des emplois pour aider à y résoudre le gros problème de chômage et de sous-emploi qui touche une frange importante des jeunes nigérians. Mais là encore, vous êtes bloqués par la massivité et le caractère incontournable du Nigeria : près de 200 millions d’habitants sur les 350 millions que compte la CEDEAO. Il vaut mieux s’installer à Lagos, Kano ou Ibadan pour faire des affaires que d’y envoyer des produits fabriqués depuis Abidjan ou Dakar. Le poids démographique, le pouvoir d’achat des Nigérians et la qualité des infrastructures y font la différence.
Mais ce n’est pas seulement le Nigeria qui constitue un obstacle à la monnaie unique. Les pays de l’UEMOA n’en sont pas moins. Avec un FCFA boulet dont 57 ans d’indépendance n’ont guère permis de le dégager d’une servitude somme toute volontaire, on peut se demander si les dirigeants de cette zone ont les mains vraiment libres pour choisir leur route. La prégnance de l’influence géostratégique de l’ancienne métropole est encore frappante. Et les dirigeants de l’UEMOA ne sont certainement pas bêtes. La France est à la base d’au moins trois génocides sur le continent (Madagascar, Cameroun et Rwanda) et d’innombrables guerres civiles, sans compter les assassinats ciblés sur le continent. Elle est à la base de la colonisation la plus barbare de l’humanité et ne tardera certainement pas à y peser de son influence négative pour empêcher tout décrochage du FCFA vis-à-vis de l’Euro. La constitution d’une monnaie unique de la CEDEAO adossée à un panier de devises dessert ses intérêts. Contrairement à une superpuissance en devenir comme la Chine, la France a toujours agi comme si le développement des pays africains était une menace à sa suprématie. Elle a oublié que le système capitaliste est fait de crises cycliques face auxquelles la seule issue reste la force des alliés. Autrement dit, que toute puissance économique vacille et tombe si elle est incapable de s’appuyer sur des alliés solides. A défaut de cette conception solidaire, seule la volonté et la détermination des leaders de notre sous-région permettront de vaincre toutes les velléités néocoloniales prêtes à empêcher la construction communautaire.
Finalement, entre les réticences des uns et des autres, l’influence géostratégique nocive des anciennes métropoles et le besoin d’aller à une monnaie unique optimale pour la sous-région, où donc est le salut ? Il est dans une alliance stratégique entre le Nigeria et tous les pays qui veulent faire front ensemble pour aller à la monnaie unique. Malgré les pesanteurs du moment.

Par Olivier ALLOCHEME

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