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Le triomphe de la vérité

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Edito: La déferlante qui vient d’Abuja


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Patrice Talon a fait hier ce que beaucoup d’observateurs voulaient depuis longtemps : rendre visite à son homologue nigérian, Muhammadu Buhari. Ce n’est pas seulement le poids économique de notre voisin de l’Est qui dictait cet impératif. Il est vrai qu’à cet égard, le pays est depuis quelques années, la première puissance économique de l’Afrique. Son poids démographique ne laisse aucun investisseur indifférent puisque le pays compte plus de 180 millions d’habitants. Sa classe moyenne en constante augmentation est un vecteur de consommation. Et c’est ce que recherchent les investisseurs, un marché et des besoins à satisfaire. Le Nigeria reste ainsi et pour longtemps encore un point de mire de la finance internationale. Non seulement il représente à lui tout seul 60 % des consommateurs de la sous-région, 47 % du PIB, mais il plus de 50 % du potentiel de production industrielle et manufacturière de l’Afrique de l’Ouest. C’est un géant dont nous avons tout à tirer. Sauf que…
Sauf que le poids économique et commercial écrasant de notre voisin en fait littéralement un danger pour notre économie. Je ne peux accepter l’idée que le Nigeria, avec un potentiel aussi énorme, constitue une opportunité pour le Bénin. Oui, à court terme et à courte vue, nous pouvons y vendre des produits primaires (ananas, soja, anacarde, poisson …) Mais la dévaluation du Naïra rend cette perspective encore plus difficile. Allez dans les communes frontalières et vous le comprendrez. Le soja par exemple, qui était écoulé sur le marché nigérian est resté cette année sur les bras des producteurs béninois, du fait de la dévaluation du Naïra. Or, nos paysans se sont endettés pour produire ces spéculations. Dans les campagnes frontalières du Nigeria aujourd’hui, on ne compte plus les groupements villageois ayant emprunté de l’argent en banque et qui se retrouvent couverts de dettes colossales. Il en est de même des producteurs de poisson. Beaucoup de ceux qui se sont endettés pour faire de la pisciculture moderne, espérant exporter leurs produits frais vers le vaste marché nigérian, s’en mordent aujourd’hui les doigts. Les prix ont chuté en quelques jours. Même si le marché nigérian est un grand consommateur de poissons, la dévaluation du Naïra gèle les exportations halieutiques du Bénin vers le Nigeria.
S’il est donc très difficile actuellement de vendre au Nigeria nos produits primaires, qu’en est-il des produits secondaires ?
Avec sa capacité de production industrielle, le pays nous devance largement. L’industrie nigériane ne se plaint pas aujourd’hui. Elle déverse les flots continus de ses productions dans nos économies frontalières, y compris même jusqu’au marché international de Dantokpa. L’exemple le plus simple est celui des produits de brasserie (bières et boissons gazeuses) provenant de notre géant voisin. Ils envahissent littéralement les villages frontaliers et éclipsent les produits de la SOBEBRA et de toutes les autres brasseries locales. La fameuse bière Goldberg dame le pion à notre bonne vieille Béninoise qui ne résiste pas à la concurrence.
On ne parlera pas des biscuits et autres pâtes alimentaires provenant de là-bas; ils y règnent en maîtres. Peut-être que les huiles alimentaires comme Fludor, trouveront leur compte dans cette conjoncture. Mais il est clair que les huiles nigérianes ne se feront pas prier pour être déversées, non pas seulement sur le marché nigérian, mais aussi sur le marché béninois.
Dans ces conditions, la rencontre Buhari-Talon était la bienvenue pour que le Chef de l’Etat béninois exprime ses préoccupations. Il est vrai que les récentes mesures des douanes béninoises, visant à protéger notre marché, peuvent être interprétées par Abuja comme du protectionnisme. Et en la matière, les Nigérians sont passés maîtres en mesures tarifaires et non-tarifaires de protection de leur marché. Mais je ne vois vraiment pas, en dehors de l’énergie, ce à quoi cette diplomatie entre petit et grand pourrait aboutir. Mais elle pourrait après tout adoucir le choc d’une dévaluation qui relance l’économie nigériane et plombe notre industrie et notre agriculture.
L’impératif, c’est qu’en face de cette situation, l’Etat béninois réforme suffisamment sa structure économique pour produire mieux, afin de faire face à la déferlante nigériane. Nous n’avons plus d’autre choix que de résister.

Par Olivier ALLOCHEME

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