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Le triomphe de la vérité

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Edito: Les illusions de Zinsou


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En parcourant ce lundi les propos de l’ancien premier ministre de Boni Yayi, une seule certitude s’impose à  l’esprit : Lionel Zinsou est encore dans les nuages. Il n’a encore rien compris à sa mésaventure. J’ai toujours été convaincu que cet homme s’est fait avoir par des marchands d’illusions.
Et pourtant, Lionel Zinsou, quoi qu’on dise, fait partie de l’establishment français. Et en matière de finances, il constitue l’un des poids lourds de la private equity, non seulement en France, mais aussi   en Europe. Quant à la réflexion sur l’économie africaine de ces dernières années, il en connaît un rayon. Mais cela s’arrête là. Ses connaissances de l’économie réelle dans un pays pauvre et jonché de paradoxes  comme le Bénin, restent limitées. Sans compter que la maîtrise des nombreux caprices de l’homme béninois est encore une autre affaire.
Ce qui intrigue précisément dans le cas de l’ancien premier ministre, c’est son obstination à croire qu’il pouvait gagner les élections dans un pays qu’il n’a jamais habité, un pays dont il n’a qu’une culture virtuelle et non pas vécue, un pays qui lui échappe en tous points. On peut même se demander comment toute sa science et toute son érudition ont pu le convaincre que ce qui ne s’est jamais passé dans aucun pays au monde puisse se passer au Bénin en plein XXIème siècle.
En vérité, la raclée qu’il a subie devrait servir de leçons à tous les Béninois de la diaspora qui rêvent de nous diriger un jour. C’est d’abord un handicap d’être à l’extérieur tout en faisant la politique à l’intérieur. La maîtrise des hommes, l’internalisation des pratiques ancrées depuis des décennies, la trame même de notre sociologie politique ne peuvent se superposer sur ce qui se passe ailleurs. Il faut vivre ici, respirer l’air d’ici, se faire brûler par le chaud soleil de Matéri, tomber en panne sur les routes crevassées de Klouékanmè, apprendre à boire l’eau infecte d’Adjarra et dormir sous les moustiques de Kétou pour parler au cœur de l’électeur béninois. Hors de là, il faut apprendre à se plonger depuis toujours dans les eaux sauvages de l’Ouémé, aimer le vin de palme de Djakotomè ou le tchoukoutou de Tchaourou, adorer le Lio kanblado de Zoukou ou encore apprivoiser avec fureur  le watché  de Djougou. Depuis le ventre de sa mère, aimer passionnément ce pays au point d’être capable de tout donner pour écouter le dernier tube d’Alèkpéhanhou ou la dernière complainte de Kalamoulaye.  Tous ceux qui échappent à ces déterminants basiques de l’homme béninois et qui rêvent de nous diriger, n’auront jamais les mots justes pour parler à nos cœurs.
Ignorer cela, c’est perdre son temps et ses ressources. Je vois d’ici combien de milliards l’ancien premier ministre a dû débourser pour concrétiser ses illusions. On peut même constater l’étendue de l’ardoise laissée par ce désastre personnel, ce qu’il a lui-même appelé « tragédie grecque ». Mais cette tragédie est d’abord la sienne et celle d’une certaine élite qui prend les électeurs  pour des moutons de Panurge. Aucun peuple au monde ne votera pour des élites extraverties lorsqu’en plein XXIème siècle, il a le choix entre ceux qu’il connait et ceux qu’il ne connait pas. Entre ceux qui incarnent ses valeurs et ceux qui respirent à plein nez les valeurs des autres.
Ce qui est curieux dans la situation, c’est qu’en réalité au moment où commença l’aventure de Lionel Zinsou, il ne lui est jamais venu à l’esprit de se demander un seul instant si sa candidature est même possible en France, en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis. C’est impensable. Comment ce qui serait inimaginable dans le pays où il a le plus vécu serait-il subitement réalisable dans un autre, et précisément au Bénin ? Lionel Zinsou ne doit s’en prendre qu’à ses propres turpitudes politiques qui sont, on doit l’admettre, abyssales.
Bien sûr, il y a la bande des escrocs, tous ceux qui, au regard des états de service du financier, ont flairé du gras autour de lui. Ils se sont servis copieusement de son ignorance et de ses  illusions pour lui arracher quelques millions. Ils rient aujourd’hui sous cape, parce qu’ils savaient l’échec garanti, même s’ils faisaient le cinéma nécessaire en ce moment. L’opportunisme est, avec la comédie, le sport préféré des politiques béninois.
C’est pourquoi, à tous les Lionel Zinsou qui rêvent encore à Paris ou ailleurs dans notre vaste diaspora, je dis toujours ceci: faites attention à vos rêves.

Par Olivier ALLOCHEME

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