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Le gouvernement a pratiquement ouvert la boite de Pandore. L’ancien régime avait pourtant tenté la même initiative et s’est vite ravisé, compte tenu de la sensibilité de ce sujet : supprimer les per diems et autres indemnités qui permettent d’arrondir les fins de mois.
La levée de bouclier soulevée par la suppression de ces avantages ne manque pas moins de pertinence. Ce sont des compléments salariaux auxquels les fonctionnaires ont été habitués depuis des lustres. Pour nombre de cadres, ce sont ces avantages qui leur permettent de contourner la maigreur des salaires et de mener un train de vie décent, contrastant bien souvent avec les rémunérations ordinaires.
Ceci ne concerne pas que les agents. Bien souvent, les plus gros bénéficiaires sont surtout les ministres et leurs directeurs de cabinets qui sont inscrits à la tête de toutes les commissions et autres comités ad’ hoc mis en place dans les ministères. Ces commissions deviennent alors de gros mammouths charriant tous ceux à qui les organisateurs de tel séminaire ou tel atelier voudraient faire plaisir.
S’il vous a jamais été donné de voir une fiche de projet de séminaire, vous serez forcément scandalisé de tous les agents qui y sont invités avec généralement des émoluments consistants. Ce sont des abus et autres excès si flagrants que même les agents bénéficiaires eux-mêmes se posent des questions. Car, on observe que l’article 125 du Statut Général des APE a prévu le bénéfice de seize primes et indemnités. Mais déjà en 2008, au cours de travaux commandités par le gouvernement sur le régime indemnitaire, le Comité Consultatif Paritaire de la Fonction Publique (CCPFP) en avait dénombré quarante quatre. Dans une autre étude réalisée en 2012 par le cabinet Afrique Conseil, quatre vingt six primes et indemnités ont été dénombrées. Quatre-vingt six ! Et déjà à l’époque, une commission avait été mise en place pour harmoniser ces avantages qui varient réellement suivant les départements ministériels. Il avait été également remarqué que le gros lot de ces avantages se retrouve au ministère des finances. Les per diems sont alloués pour compenser des contraintes ponctuelles. Ils sont devenus systématiques, là où les textes réglementaires en faisaient simplement des exceptions.
Malgré tout l’arsenal réglementaire qui a été déployé sur ce sujet, tout le monde sait désormais que les acteurs contournent allègrement les textes, notamment le décret n°2007-306 du 30 juin 2007 fixant les conditions de prise en charge des participants aux séminaires, forums et ateliers en République du Bénin. Il stipule en son article 2 : « les séminaires, forums et ateliers ne donnent pas droit à rémunération particulière aux participants. Toutefois, en fonction de la durée de ces rencontres, les participants peuvent bénéficier de la restauration, du transport ou de l’hébergement etc. »
On convient que ce texte est aujourd’hui obsolète. De sorte que la proportion des primes et indemnités ordonnancées dans la masse salariale est passée de 5,77% en 2001 à 14,15% en 2010, selon le cabinet Afrique Conseil. Elles ont connu « un accroissement considérable à partir de 2008, » avec une augmentation de 129,71% depuis lors. « Cette tendance est restée haussière jusqu’à ce jour, posant le problème de sa soutenabilité budgétaire », indique le cabinet.
Mais ces arguments techniques ne dédouanent pas le gouvernement en matière sociale. Le biberon coupé, nombre de cadres ayant calqué leur train de vie sur ces émoluments n’accepteront jamais la nouvelle donne. Il faut même se demander si les ministres eux-mêmes ne vont pas ronchonner dans leur coin, une source importante de revenus leur ayant été arrachée. Il faut s’attendre à tout le moins, à une levée de bouclier des syndicalistes qui sont membres de la plupart des commissions qui se créent dans les ministères. Et la véritable question est celle-ci : le gouvernement saura-t-il tenir ?
Rien n’est moins sûr, si l’on observe la propension du conseil des ministres à revenir sur ses décisions. Deux mois après sa mise en place, l’équipe de Patrice Talon a pourtant vu juste. Sa capacité à résister à la bourrasque syndicale résidera dans sa fermeté malgré les vents contraires.
Par Olivier ALLOCHEME