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Le triomphe de la vérité

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Edito: Un héritage difficile


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La fronde des admis aux concours présumés frauduleux est l’un des signes des défis qui attendent le nouveau président. L’ancien régime a tout fait pour rendre la tâche terriblement difficile à son successeur, et il n’a pas fallu deux semaines pour que l’on découvre les nombreux pièges posés par Boni Yayi.
Il y a trois gros pièges tendus par l’ex-président. Le piège politique, c’est lorsqu’il signe une série de décrets accordant des avantages financiers aux forces de sécurité publique et assimilées. Il s’agit d’une quinzaine de décrets de la dernière heure dont par exemple le décret n°2016-140 du 5 avril 2016 fixant les émoluments et avantages accordés aux officiers généraux des forces de sécurité publique et assimilées. Il y a également le décret n°2016-141du 5 avril 2016 portant attributions des indemnités de logement aux personnels de forces de sécurité publique et assimilées. On peut citer également le décret n°2016-138 du 5 avril 2016 portant allocation d’indemnités forfaitaires aux autorités de la police nationale et à leurs collaborateurs immédiats. La prise de ces actes de dernière heure était déjà à ranger dans le lot des félonies de Yayi. L’ex-président savait très bien qu’il était en train de goupiller l’armée, la police et la gendarmerie, en offrant à ces corps armés des avantages nouveaux destinés à attirer leur sympathie en cas de coup dur. Le calcul machiavélique étant que la fin du règne pourrait déboucher sur des troubles, ces avantages étaient faits pour doper le moral de la troupe pour qu’elle combatte aux côtés du donateur en Chef, Boni Yayi. Imaginez aujourd’hui le moral de celle-ci lorsqu’elle apprend que ces actes font l’objet de « suppression ». On attendait une rébellion ou autre mouvement d’humeur au sein des hauts gradés et des hommes du rang.  En procédant à la « suppression » de ces actes, le régime Talon a pris des risques pour éviter ce piège politique majeur.
Mais il y a aussi le piège social. Les concours présumés frauduleux sont en eux-mêmes un cadeau politique du régime défunt. Le cas le plus typique est le nombre de douaniers recrutés, 502 au total, qui viendraient presque pour doubler l’effectif de la douane. C’est probablement le plus gros recrutement dans ce corps depuis sa création. L’espoir tenace de Boni Yayi était d’utiliser ces nouvelles recrues comme bétail électoral dans les villages. Ce fut fait avec dextérité lors des deux tours, mais le peuple béninois avait vu venir la bêtise. Et l’a sanctionnée de fort belle manière. Mais la suspension des concours crée aujourd’hui une crise sociale dangereuse. Ce sont des milliers de foyers qui sont sur la défensive.
Au même moment, les risques pour le gouvernement de perdre la face devant la Cour Suprême, ne sont pas négligeables. Les failles sciemment orchestrées par l’administration elle-même, ont été savamment exploitées par les fraudeurs pour donner une façade de légalité à la machination. On verra si la commission mise en place par le gouvernement aura les coudées franches pour déceler les faux diplômes, les diplômes non adaptés, les candidats fictifs mais admis ou encore les notes surfaites. Ce sera tout de même un travail gigantesque de passer au peigne fin tous ces diplômes et toutes ces feuilles de composition de plus de 100.000 candidats. Et pourtant, la capacité du gouvernement à résoudre la crise avec dextérité, en éliminant chacun des faussaires, et en entamant une procédure judiciaire appropriée à leur encontre, cette capacité déterminera pour longtemps la crédibilité de l’équipe Talon.
Mais il y a une crise économique sous-jacente. La trésorerie négative dans laquelle l’Etat se retrouve est un véritable défi à Patrice Talon. Il devra faire fonctionner l’Etat dans un contexte de rareté des ressources budgétaires, alors que les engagements du même Etat sont nombreux. La conciliation entre les impératifs absolus et les autres besoins devrait s’opérer dans l’impopularité. Mais la véritable bombe, ce sera la gestion à long terme des diverses gratuités mises en place par l’ancien régime. Nous avons reçu en décembre 2015 dans nos locaux, l’ancien ministre du développement, Marcel de Souza, lequel disait qu’il n’est pas possible que le Bénin tienne longtemps avec ces gratuités engageant les finances publiques dans des dépenses sociales lourdes de conséquences.
Dans tous les cas, l’héritage négatif de Boni Yayi ne sera pas facile à juguler. Il reste au nouveau régime à répondre aux impératifs, sans tomber dans le piège de la précipitation.

Par Olivier ALLOCHEME

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