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Le triomphe de la vérité

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Edito: Au sommet de la bouffonnerie


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Le spectacle était hallucinant hier. Les partisans du Chef de l’Etat, alléchés par les 200 milliards de FCFA promis par les Etats-Unis dans le cadre du second compact du MCA, ont réservé à celui-ci un accueil des plus ubuesques à l’aéroport de Cotonou. On se croirait à Kinshasa, quarante ans en arrière, au moment où le théâtre de l’Authenticité battait encore son plein sous la férule du Maréchal Mobutu, au comble de sa gloire…et de son délire. Qui pouvait imaginer que le mobutisme faisait encore des émules près  de 20 ans après la disparition de son fondateur, et qui plus est au Bénin ?
Il fallait le vivre pour y croire. Groupes traditionnels en tapageuses démonstrations, bruyantes fanfares vacarme au clair, artistes s’époumonant en chansons épiques à la gloire du docteur de Tchaourou, processions de femmes tout en foulard brandissant les éloges du plus grand homme de tous les temps, ministres aux sourires aussi larges que l’océan Atlantique, bande d’étudiants arborant des tee-shirts remerciant le Chef de l’Etat pour le second compact (oui, c’est bien lui qui a donné les 200 milliards…). Toute la panoplie de la propagande bête et nauséabonde a été sortie des placards de l’histoire. Même le premier ministre, tout droit venu de Paris pourtant, ne pouvait pas résister à la cohue. Il distribue les sourires, applaudit quelques bribes du laïus présidentiel et regarde la foule massée à l’aéroport, l’air de se demander dans quel monde il est tombé.   La télévision nationale qui a passé ces dernières 48h à inviter les populations à aller accueillir le héros national à l’aéroport, ne pouvait que retransmettre cet événement historique en direct, tous programmes cessants. Les journalistes nagent dans leur sueur, en rivalisant d’emphases pour retransmettre ce retour historique…    Il n’y a jamais eu autant d’âneries au mètre carré !
Et dire que tout cela se fait juste parce que nous avons reçu une aide étrangère, ne pourrait que faire pleurer. Ils n’ont rien compris et veulent entrainer d’autres abrutis dans leur ignorance. Car tout le monde sait que l’aide américaine n’en est pas à sa première édition. Mathieu Kérékou a signé le premier compact du MCA, presque dans l’indifférence générale. Boni Yayi signe le second en jouant du cor et de la trompette, oubliant toutes les règles d’éthique et fonçant tête baissée dans la comédie d’Etat.
Qui plus est, les 200 milliards promis s’étalent sur cinq ans et leur décaissement ne peut commencer réellement qu’à partir de 2016, sans aucune garantie de régularité. Du moins, si on ne se fie qu’aux résultats de l’évaluation du premier compact, on peut se rendre compte que le Bénin n’a jamais pu consommer l’entièreté de ses crédits, du fait des lenteurs inhérentes au système béninois. Le compact historique de Yayi n’échappera pas à ces pesanteurs, à moins de prendre conscience des errements du passé pour corriger les défis du futur. A voir les danses frénétiques d’hier, on peut douter de la capacité du pays à appréhender ces défis à leur juste mesure.
Ce qui intrigue dans tout ce cirque, c’est l’oubli qui est ici imposé par le biais d’une démonstration faussement populaire. On a oublié, l’espace  des trémoussements de mauvais goût, que le Bénin a d’abord été recalé pour ce second compact, à cause de la forte montée de la corruption au sein du régime. Et que le rétablissement du Bénin ne fut possible que du fait de l’acharnement de Boni Yayi soucieux de laver la honte d’avoir fait perdre au pays, cette manne. Il en aurait eu sur sa conscience toute sa vie.
Mais l’autre raison qui échappe à bon nombre d’analystes, c’est qu’au plan politique, ce Yayi en fin de mandat, est un lion blessé. Il voit venir avec une irritation à peine contenue, la fin inexorable de son mandat. Et les Américains, comme d’ailleurs les Français et ses pairs des autres pays de la CEDEAO, veulent user de tous les moyens pour lui donner un supplément de fierté et de dignité personnelle de façon à l’empêcher de s’accrocher au fauteuil présidentiel, en lui miroitant des strapontins juteux  pour lui donner l’illusion de puissance qui obnubile si tant nos hommes politiques.
Le cinéma d’hier nous montre au moins une chose. Dès son avènement, Boni Yayi avait fait le pari de résorber la crise énergique. Près de dix ans après, il fait constater à tout le monde qu’il n’a rien réglé. Célébrer cette incapacité à l’aéroport, comme ce qu’on a vu hier, relève simplement de la supercherie.

Olivier ALLOCHEME

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