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Le triomphe de la vérité

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Francophonie: Le coup de gueule de Ousmane Alédji contre une institution « de plus en plus politisée »


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La communauté internationale a célébré la Journée mondiale de la francophonie le vendredi 20 mars 2015. Ancien fonctionnaire de cette institution internationale, Ousmane Alédji s’est prononcé sur les nouveaux défis que doit désormais relever les responsables de l’institution pour sa survie. C’est à l’occasion d’un entretien hier, dimanche 22 mars 2015, sur la chaîne de télévision Canal 3-Bénin. Il s’agit d’un véritable coup de gueule que cet acteur du théâtre a fait contre la Francophonie qui, selon ses explications, s’écarte de plus en plus de sa mission originelle. Il propose d’ailleurs la voie à suivre pour redonner vie à la Francophonie pour le bonheur des pays francophones. Lire l’intégralité de cet entretien.

L’Evénement Précis : Quel regard portez-vous aujourd’hui sur la Francophonie en tant qu’ancien fonctionnaire de cette institution ?

Ousmane Alédji : Je pense que si on ne revient pas aux fondamentaux de la Francophonie, les peuples africains vont commencer par se poser la question qui fait peur. La question, c’est de savoir l’intérêt pour un pays comme le nôtre, aujourd’hui, à n’être que francophone. Le Rwanda s’est posé la question. Vous voyez qu’ils ont tranché. L’effet domino est là. Et il faut s’en méfier. S’ils continuent de cloisonner la Francophonie dans les sphères politiques, ça n’ira pas loin. Par exemple, à votre avis, que cherche la Francophonie à vérifier la Liste électorale permanente informatisée (Lépi) au Bénin ? Je ne le sais pas, moi. Ils vont dans tous les sens puis finalement, ils ne retiennent rien du tout. Vous savez bien que qui trop embrasse, mal étreint. Quand quelques politiciens, jeunes d’esprit, venus dans l’arène politique un peu par hasard, notamment, en France comme ailleurs, ils doivent aborder les bases de la Francophonie. Mais ça, ils n’osent pas le dire parce que la plupart sont des fonctionnaires. S’ils le disent, on va leur couper le petit pain. Sinon, les installations sont là. Aujourd’hui, il faut des projets et des programmes nouveaux. Car, la Francophonie a pour vocation de susciter des rencontres. Et c’est dans ce cadre que le MASA a été créé à Abidjan pour susciter la rencontre dans un marché, des créateurs et des peuples. Depuis que le MASA a été créé, quel autre marché a été encore créé ? Il faut donc inventer de nouveaux projets, de nouvelles dynamiques et y mettre les ressources qu’il faut afin que le cloisonnement soit vécu directement. Ce qu’on constate maintenant, ce sont des glissements sur des terrains politiques sans intérêt pour les peuples.

Ne pensez-vous pas que la Francophonie devra aussi se mettre dans la marche du monde, étant donné qu’il n’y a pas que la culture ? Surtout l’Afrique a bien d’autres priorités, d’ordre politique.
En ce moment-là, elle assumera son destin. J’ai entendu quelqu’un vouloir comparer la Francophonie, le terrain francophone au terrain anglophone. C’est perdu dans l’ombre. Parce que même les Français veulent vivre aux Etats-Unis. La culture française s’américanise aujourd’hui de plus en plus. Que ça soit au niveau de la langue, au niveau de la musique, au niveau du cinéma, même au niveau du style vestimentaire, tout aujourd’hui se fait à l’américaine si vous voulez. Ça veut dire qu’il ne faut pas aller sur le terrain de la compétition avec l’anglais. Il faut aller sur le terrain d’une dynamisation d’une identité culturelle francophone. Si on va sur le terrain politique avec l’anglais parce qu’eux ils le font avec le Common Wealth, on se mettra des cordes partout et on finira par tomber.

Comme vous le savez, le niveau de français s’est dégradé au Bénin. Est-ce que votre proposition que la francophonie retourne essentiellement à la culture peut y faire quelque chose ?
Absolument. Toutes les questions qui sont posées là sont des questions liées à la non actualisation des mécanismes qui sont actuellement mis en place. Car, les époques n’étant pas les mêmes, il faut actualiser le mécanisme de formation des élèves. On fait le procès aux enfants de ne pas avoir un bon niveau dans la langue française et autres, c’est bien. Mais que faisons-nous pour inverser la tendance ? De quoi ont besoin réellement ces enfants pour améliorer leur niveau de français ? Ce sont des questions qu’il faut se poser.
En tant qu’écrivain, que faites-vous, à votre niveau pour contribuer à remédier à cette situation ?
Moi je suis un écrivain particulier parce que je sens que je ne suis pas totalement en harmonie avec une langue que j’utilise. Je vous explique. Ma façon d’utiliser la langue française est à la manière du rebelle. C’est en réaction par rapport à la langue française, par rapport à la culture française. Je n’ai pas besoin de revendiquer une culture béninoise et de la diffuser. Mes écrits ne correspondent pas aux codes et aux mécanismes francophones purs. Par rapport aux jeunes dont on parle aujourd’hui, moi je pense qu’il y a un langage pour chaque génération. Que nous le veuillons ou pas, nous ne parlons pas aujourd’hui comme parlaient nos grands parents. Ils parlaient un français hautement plus chatouilleux que le nôtre. Les jeunes vivent aujourd’hui avec des outils qui sont à leur disposition. Je veux parler de l’Internet et de tout ce qui l’accompagne. Que faisons-nous pour harmoniser tout ça dans le système éducatif francophone ? Est-ce que nous avons sélectionné des experts pour réfléchir sur ces choses-là ? On ne va pas sur ce terrain et on va s’intéresser à la Lépi et autres. C’est pour vous dire que je suis étonné de voir à quel niveau de politisation on en vient, à la Francophonie qui était, au départ, un outil de promotion culturelle et de rencontre pure. Je vous le dis en filigrane et ça, c’est mon sentiment, les écoles professionnelles vont continuer à se multiplier parce que justement, le lieu de perfectionnement et de formation, aujourd’hui, ce sont les marchés. Parce qu’aujourd’hui, il n’est plus question de dire j’ai le diplôme de telle université ou telle école. La question principale actuellement, c’est qu’est-ce que tu sais faire ? Est-ce qu’avec ce que tu sais faire, tu peux aller à la rencontre d’un Américain, d’un Chinois ? Si la Francophonie vue comme un outil de développement humain n’actualise pas les mécanismes, les projets, les programmes qui sont là depuis un siècle, alors, ils seront dépassés. Ça, c’est clair. Mais, il y a des gens là-bas qui ne nous écoutent pas. On n’est pas expert pour aller juste gagner des indemnités. Il faut des propositions pour appuyer, pour accompagner l’organisation. Mais quand vous parlez, c’est comme si les politiques ont déjà verrouillé le système et on n’y peut plus rien faire.

Un mot pour conclure
Celui-là, il sera politique parce que je ne suis pas sûr de revenir sur votre plateau avant les élections législatives. Je voudrais demander à vous les médias de nous aider à aider le peuple béninois à mieux choisir ses dirigeants. Je voudrais aussi vous demander d’inviter les hommes de culture à participer aux débats. Parce que notre avis, c’est que le terrain politique ne doit pas être exclusivement occupé par les acteurs politiques.

Propos transcrits et traités par Donatien GBAGUIDI

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