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Le triomphe de la vérité

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Edito: Inconséquences et conséquences


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Le Niger récolte actuellement les premières conséquences de la marche du 11 janvier : dix morts, douze églises incendiées, des dégâts matériels importants et des risques d’émeutes qui planent sur le pays. Le président Mohammadou Issoufou avait eu la mauvaise idée de participer à la marche de Paris, il en est aujourd’hui à calmer les fureurs belliqueuses de son peuple qui se sent insulté par les dernières caricatures de Charlie Hebdo. Le paradoxe dans cette affaire, c’est que les caricaturistes de Charlie Hebdo se moquent bien de l’Islam comme du Christianisme. « Journal irresponsable » comme il le clame depuis toujours, l’hebdomadaire parisien n’a jamais caché son athéisme notoire. Ses caricaturistes sont et demeurent de fieffés antipapes, antichrétiens reconnus, antimusulmans comme antijuifs, antireligieux pour ainsi dire. Ils proclament partout le devoir de l’Etat de se prémunir contre tout esprit religieux et le droit des citoyens de s’en moquer. La preuve, c’est que tout le monde s’attendait à ce qu’au lendemain du massacre du 7 janvier, sa une ne perde rien à sa causticité ni à son habituelle audace. Comme pour montrer aux terroristes qu’ils n’ont peur de rien, et surtout pas d’eux, ils ont réédité les caricatures du prophète, au grand désarroi de ceux qui n’avaient jamais compris l’esprit anticlérical de Charlie Hebdo. Les présidents africains qui ont poussé la stupidité jusqu’à marcher sur les bords de la Seine se sont finalement vus obligés de se dédire en interdisant à tour de bras l’hebdo français. A vrai dire, ils sont couverts sinon de honte du moins d’indignation. Ils n’avaient vraiment jamais compris l’esprit Charlie.
Voilà donc les fanatiques nigériens s’attaquant aux églises qui sont tout autant des victimes et des adversaires résolus de Charlie Hebdo qu’eux. Et c’est là où les foules furieuses de Niamey, Zinder ou Maradi donnent raison à l’hebdomadaire français. L’un de ses dessinateurs Bernard Verlhac, assassiné dans la tuerie du 7 janvier 2015 à Paris, posait justement dans une vignette signée Tignous, la question qui dérange : « Allah n’est-il pas assez grand pour défendre Mahomet tout seul ? » Les fanatiques qui saccagent aveuglément les églises, symbolisent les ravages de l’obscurantisme et de l’intolérance contre lesquels Charb, Tignous et les autres caricaturistes abattus ainsi que leurs collègues, luttent depuis toujours. Obscurantisme moyenâgeux qui refuse obstinément la vérité au nom de la religion, il s’est emparé de nos chefs d’Etats qui ont marché à Paris pour 17 morts, en laissant les 2000 victimes tombées à Baga au Nigeria sous les feux assassins des fondamentalistes obtus de Boko Haram…
Jean-Paul Pougala, célèbre écrivain camerounais, laissait éclater sa colère le 11 janvier dernier, face aux incohérences des autorités béninoises et plus généralement africaines, dans l’affaire Charlie. Il pourfend ainsi la journée de deuil national décrété à l’occasion, comme étant « la preuve d’une société prise d’assaut par un des taux les plus élevés au monde de l’abrutissement de masse par le créationnisme. » Et de poser une question troublante : « Comment un pays comme le Bénin, comme la quasi-totalité des pays africains qui sont presque tous devenus des pays confessionnels, peut-il décréter une journée de deuil pour des gens qui tournaient en ridicule exactement ce genre de comportements politiques ? » Rappelant tout le faste mis en place à Ouidah, par exemple, lors de l’arrivée du Pape Benoit XVI, Jean-Paul Pougala parle d’ « un record mondial en matière de stupidité religieuse », car « voilà un pape qui jusqu’aujourd’hui en Italie n’a même pas une ruelle en son nom », alors qu’à Ouidah on a baptisé une rue et une place publique de 2ha de son nom. « N’est-ce pas une menace pour l’Afrique, tous ceux qui défendent Dieu sans le laisser se défendre tout seul, s’il existe ? », se demande-t-il.
Depuis vendredi, le gouvernement béninois est contraint de diffuser à longueur de journée des communiqués paniqués condamnant les dernières caricatures de Charlie Hebdo. C’est une stratégie de rattrapage tendant à prévenir tout débordement. Mais la question première était déjà de savoir ce que le gouvernement béninois ainsi que ses homologues africains ont jamais fait pour les jeunes filles de Chibok enlevées au Nigeria depuis avril 2014 ou les victimes de la tuerie sauvage de Baga il y a deux semaines, toujours au Nigeria. Même pas un simple communiqué de presse… C’est dire que Charlie Hebdo et Boko Haram ont ouvert une boite de Pandore qui contient un condensé d’obscurantismes populaires et d’incapacités gouvernementales rédhibitoires. Le tout dépend désormais de ce que nous ferons pour faire face à ces feux de l’extrémisme qui, au Nigeria, par exemple, échappent au contrôle des Etats.

Par Olivier ALLOCHEME

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