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Le triomphe de la vérité

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Réflexion de l’ex-ministre Prudent Victor Topanou: “BENIN, La responsabilité des élites”


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Béninoises, Béninois, mes chers compatriotes,Je vais vous entretenir dans ce numéro d’un sujet qui, à mes yeux, est capital pour le devenir de notre pays : il s’agit de la responsabilité des élites dans l’évolution de notre société. En effet, je le proclame urbi et orbi, aucune société, aucun pays ne peut se développer ni sans ses élites et encore moins contre ses élites. Un pays est nécessairement à l’image de ses élites ; lorsque celles-ci sont de bonne qualité, le pays évolue et lorsque celles-ci sont de mauvaise qualité, le pays va mal. Le Bénin est donc à l’image de ses élites ; il est ce que ses élites en ont fait.

Par élite, il faut entendre selon le Larousse, « le groupe minoritaire de personnes ayant, dans une société, une place éminente due à certaines qualités valorisées socialement ».Elle regroupe non seulement la population qui a une place au sommet d’une hiérarchie mais aussi la minorité qui se distingue ou qui est distinguée du groupe auquel il appartient et à qui est reconnue socialement une supériorité. Notre compatriote et homme de culture, NouréiniTidjani-Serpos, dans le tome 2 de son livre « Aspects de la critique africaine » et dont je recommande la lecture à tous nos compatriotes, définit l’élite dans des termes similaires. Pour lui, quand on parle d’élite, « on désigne souvent une minorité de gens qui se caractérisent à tort ou à raison comme la fine fleur, le gratin, la meilleure part d’un groupe social donné ; leur supériorité supposée ou réelle, est fondée sur un certain nombre de critères qui déterminent leur élection ou leur sélection. Ces critères peuvent être la naissance pour la noblesse, l’argent pour la bourgeoisie, le savoir pour les hommes de culture ». Mais il ajoute qu’au « sein même de ces groupes sociaux qui se considèrent comme des élites, l’on distingue encore une élite des élites ». Il en déduit que « la notion d’élite ne recouvre pas celle de classes sociales et que l’on peut parler de l’élite d’une classe sociale, d’une profession, d’une nation ». Il ressort de ces deux définitions que la reconnaissance et la valorisation sociales sont les critères constitutifs de l’élite.

 « Les intellectuels tarés »

Toutefois, les réflexions émises dans le présent billet ne concerneront pas toutes les élites du Bénin. Elles porteront exclusivement sur l’élite politique entendue comme la classe des gouvernants, celle qui gouverne effectivement et celle qui aspire à gouverner. L’élite politique présente la particularité de réunir en son sein des membres de toutes les autres élites qu’il s’agisse des élites intellectuelles, scientifiques, économiques, culturelles et sociales. Dans le contexte béninois qui est le nôtre, il s’agit d’abord, de ceux que l’ancien Président Mathieu Kérékoudésignait avec condescendance pour les avoir fréquentés près d’une trentaine d’années « les intellectuels tarés ». Cette formule est sans doute abusive, car l’on ne saurait établir une égalité parfaite entre « l’élite politique » et « l’élite intellectuelle ». En effet, entre les conceptions de l’intellectuel de Georges Burdeau, Régis Debray et Jean-Paul Sartre NouréiniTidjani-Serpos rappelle que « l’intellectuel a une double fonction de subversion critique ». Il est « le pourvoyeur des idées d’où les détenteurs de n’importe quel pouvoir tirent leur légitimité » ; il est surtout « celui qui prête sa voix ou sa plume au non-dit ou à l’indicible » en un mot, il est celui qui accepte d’assumer la position d’Aimé Césaire qui disait « ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la voix de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir ». Comme on le voit, le mot intellectuel n’a pas le même sens lorsqu’il est utilisé par le Président Kérékou que lorsqu’il est utilisé par NouréiniTidjani-Serpos ou encore Aimé Césaire. Dans l‘esprit du Président Kérékou, ce mot recouvre « l’élite politique ».

Il s’agit ensuite de ceux que RéckyaMadougou, ancienne Ministre de la République, désignait dans son livre « Mon combat pour la parole » sous le vocable « hommes politiques » et qu’elle dépeignait dans les termes suivants : « dans la conception trop vite acquise par le citoyen moyen, l’homme politique béninois est passé du bailleur de fonds et rassembleur de foule au solitaire en quête de voix et autres assises politiques âprement disputées, avant de tomber dans une sorte de catalogue infâme : le profiteur, le pilleur de deniers publics, si ce n’est carrément un voleur, un prédateur de l’économie, kleptocrate, ou simplement corrompu ou vendu ». Elle poursuit : « de fait, l’homme politique est devenu le banal personnage d’un carnaval burlesque périodique. Il passe à échéance calculée pour des actions intéressées… Une telle réflexion a ramené l’homme politique au bas de l’échelle morale. Respecté par hypocrisie, raillé souvent, applaudi s’il paye bien… ».

Ces deux approches, celle du Président Mathieu Kérékou et celle de la Ministre RéckyaMadougou traduisent bien ce que j’appelle, d’une part, la faiblesse, voire l’inexistence de culture de l’Etat de l’élite politique béninoise et, d’autre part, les travers de l’élite politique béninoise (ii).

L’inexistence de culture de l’Etat de l’élite politique béninoise

(i) En ce qui concerne la faiblesse, voire l’inexistence de culture de l’Etat de l’élite politique béninoise, il faut rappeler que la culture de l’Etat et plus particulièrement la culture de l’Etat républicain repose sur deux piliers fondamentaux à savoir, d’une part, le principe de l’égalité de tous devant la loi, et, d’autre part, la défense et la sauvegarde de l’intérêt général ainsi que la promotion de la méritocratie. Or, tous les comportements de l’élite politique béninoise vont dans le sens contraire de ces deux piliers. La loi n’est pas la même pour tous ; selon que « vous êtes puissant ou misérable », d’une ethnie plutôt que d’une autre, elle s’appliquera à vous ou ne le sera pas. L’intérêt général est ici méconnu. L’Etat est perçu, non pas comme un moyen au service de l’intérêt général, mais comme un large gâteau subdivisé en de multiples parts à distribuer à tous les membres de l’élite politique. Pour les élites béninoises, l’Etat est une fin et l’accès à une fonction étatique est perçu comme l’occasion unique de s’enrichir et non de servir l’Etat. La corruption, le détournement des deniers publics et la prévarication, bref la privatisation de l’Etat consacrée par la politique consensuelle de l’impunité, sont les valeurs les mieux partagées, les modes choisis et les modes les plus prisés de redistribution de la richesse nationale. Je reviendrai plus amplement sur la question de l’Etat au Bénin dans un prochain billet. Aujourd’hui, le mérite n’est plus la condition première d’accès aux fonctions élevées de l’Etat ;l’élite politique est devenue régionaliste, ethnique, voire communautariste et clanique et ses membres sont fiers d’être nommés, non pas en fonction de leur mérite mais en fonction de leurs origines ethniques. Mieux ou pire, c’est selon, ils s’organisent en associations politiques ethniques de régions, de départements, de communes et depuis quelques temps, d’arrondissements, de quartiers et de villages pour réclamer et revendiquer des nominations. Cette culture qu’il convient d’appeler la culture clanique et ethnique ou plutôt « la culture claniciste et ethniciste » est si profondément ancrée dans les esprits qu’il n’est même pas moralement admis qu’un cadre nommé par une autorité supérieure puisse se rebeller contre cette dernière ; il est immédiatement traité de tous les noms, et en particulier il est considéré d’ingrat à bannir absolument du milieu politique : d’où la quasi inexistence d’une culture de la rébellion.

(ii) En ce qui concerne les travers de l’élite politique béninoise, ils s’illustrent par ce que j’appelle, d’une part, le « délit d’élitisme » et, d’autre part, l’inexistence de « légitimation de l’élite ». Dans le milieu politique béninois, le « délit d’élitisme » s’entend de ce que l’on considère comme une tare, à savoir, vouloir simplement bien faire les choses. En effet, puisque l’Etat n’est pas ici considéré comme un moyen mais comme une fin et que l’intérêt général n’existe pas, on ne comprend pas que certains s’échinent à vouloir bien remplir leurs obligations vis-à-vis de lui. Ceux-là qui tentent de bien remplir leurs obligations sont immédiatement les objets d’attaques psychologiques dévalorisantes dans le seul but de les « normaliser » ; quand ils ne sont pas injuriés « de jouer les intello », ils sont considérés comme des « gens qui ne sont pas proches du peuple » ou encore des « étrangers » : on dit d’eux qu’ils ne sont pas des « Béninois »comme si être « Béninois », c’est tout sauf réfléchir, tout sauf être rigoureux, tout sauf contester, voire tout sauf remettre en cause l’ordre établi. Lorsque ces attaques ne suffisent pas à les « normaliser », ils sont menacés dans leur intégrité physique et morale par ce que tout le monde appelle ici de façon péjorative « les pratiques occultes ou encore les missiles » et que le Professeur Paulin Hountondji appelle avec élégance les « savoirs endogènes »

« Nos élites politiques préfèrent pervertir notre démocratie par l’argent et la fraude massive »

Le principe de la légitimation des élites met en jeu deux acteurs, à savoir, d’une part, la société et, d’autre part, les élites, elles-mêmes. Parce que la société a conscience du rôle de ses élites dans son développement, elle consent à faire tous les sacrifices nécessaires pour assurer une bonne éducation et une bonne formation à ses enfants qui seront les élites de demain. A une moindre échelle, les parents font les mêmes sacrifices ; même les plus pauvres d’entre eux sont prêts à se « saigner » pour assurer la meilleure éducation possible à leur progéniture, là aussi, dans l’unique espoir que ces enfants, demain, viennent contribuer à l’amélioration de leurs conditions de vie. C’est dans cette idée de sacrifice à consentir pour la formation des élites que réside leur légitimation a priori, celle de la société. La légitimation a posteriori des élites elle, se fait par rapport aux efforts de celles-ci pour, d’une part, améliorer les conditions de vie des populations et, d’autre part, assurer le développement du pays. Au total, dans le processus de légitimation des élites politiques béninoises, la légitimation a priori se fait plus ou moins normalement tandis que la légitimation a posteriori, elle, est en panne. En effet, au Bénin, rien n’est fait par les élites pour améliorer les conditions de vie des populations depuis 1960 : le système de santé, le système éducatif, le système de transport et le système alimentaire sont dans un état peu enviable, d’où ce que j’appelle « la dé-légitimation des élites ».

Béninoises, Béninois, mes chers compatriotes,
Plutôt que de doter le pays d’un fichier central d’état-civil, d’assurer l’autonomie en énergie du pays, de lotir et de bitumer les villes, nos élites politiques préfèrent pervertir notre démocratie par l’argent et la fraude massive, violer les lois qu’elles se sont librement données, alimenter les rumeurs sur la révision constitutionnelle pour permettre à un Président de la République de rester au pouvoir au-delà des termes constitutionnels.

Elites politiques du Bénin ! L’avenir du pays est entre nos mains ! Les pauvres populations ont besoin de nous pour s’en sortir. Mobilisons-nous pour relever le défi. Le Front Uni pour la République vous offre le creuset de cette mobilisation.

 (Ndlr : les intertitres insérés dans la présente réflexion ont été proposés par la rédaction du journal)

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