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Le triomphe de la vérité

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Editorial:La mouvance dépassée


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Je n’ose pas imaginer l’état psychologique des pontes de la mouvance actuellement. La vague de limogeages en cours traduit chez leur idole une rage destructrice qui risque de tout emporter : soit eux-mêmes ou leurs proches nommés à des postes plus ou moins juteux de la hiérarchie administrative.

La machine infernale qui frappe sans sommation et sans ménagement remet en cause en effet les bases de la république bananière en place depuis l’avènement du changement. Jusqu’ici, la gestion administrative la plus banale a d’abord mis en avant les critères régionaux, religieux et politiques. Ceux-ci font le lit de l’incompétence et des prévarications en tout genre qui n’ont pas cessé de gangréner le système politique et surtout de déstabiliser l’administration publique depuis six ans.

Personne n’a été étonné de l’échec retentissant de toutes les réformes majeures initiées sous le changement et même sous la refondation. Car, aucun régime ainsi désarticulé ne peut générer des actions d’envergure sans avoir à se saborder d’abord. Il lui faut, à tout prix, détruire l’ancien système avant de fonder une nouvelle conscience politique. En clair, il faut comme un électrochoc salvateur qui, secouant les vieilles torpeurs, met en place les linéaments de la nouvelle république, celle que nous appelons de tous nos vœux.

Lorsqu’il arriva au pouvoir en 1985 et qu’il vit le niveau de décrépitude de l’URSS, Michail Gorbatchev ne pouvait qu’inventer sa Pérestroïka et sa Glasnost pour tenter de sauver ce qui pouvait encore l’être. Ce fut une remise en cause du système communiste fondé jusque-là sur le pouvoir de quelques apparatchiks vieillissants et un nombre incalculable de mensonges d’Etat. On sait ce qui advint par la suite. Il a fallu saborder tout le système gangréné de l’intérieur, tant et si bien que le coup d’Etat d’août 1991 vint parachever son travail.

La leçon soviétique, pas si loin de nous, enseigne qu’un système politique fondé sur la négation de la compétence en ne célébrant que l’opportunisme rampant de quelques cadres et des commerçants, mène fatalement à sa ruine. Même les tentatives de sauvetage sont dans ces cas aussi dangereuses que les leaderships bancals ayant conduit à ce délitement.

Beaucoup de commentateurs avaient pu voir dans le ralliement spectaculaire de Issa Salifou, le signe d’une possible capitulation du Chef de l’Etat habitué par le passé à ne tirer que sur les ficelles politiques. Le patron de Bell Bénin savait bien pouvoir le mener dans ce bateau-là en le tournant en bourrique à travers quelques « prières » et quelques « marches ». Mais le refus cinglant apporté par le communiqué d’hier constitue la manifestation la plus éclatante de ce que l’ancien Yayi est mort dans le nouveau.

Les limogeages en série appuyés par le communiqué de clarification d’hier, nous révèlent le point de non-retour auquel le Chef de l’Etat est parvenu. Il ne peut faire machine arrière, au risque de saborder son propre régime. Jusqu’ici, les petits arrangements entre partenaires permettaient de donner tel poste à tel homme politique ou à tel autre. Jusqu’ici, on pouvait boire son petit lait après quelques marches de soutien généreusement payées. Jusqu’ici, la corruption était au cœur du système, elle était le système.

Mais aujourd’hui, la base « idéologique » s’effondre. La détermination de Boni Yayi à lutter contre la mauvaise gouvernance n’a jamais été aussi fulgurante que maintenant. Les mesures prises donnent un signal fort. Ils sonnent comme un coup de boutoir, d’autant que plus personne n’est à l’abri, depuis le ministre jusqu’aux échelons les plus bas de la hiérarchie administrative. Pis encore, les récents déboires de Patrice Talon ont alerté tout le monde. L’opération main propre a atteint sa maison à un moment où il s’attendait à recevoir les récompenses de son soutien à Yayi. Et dans les rangs de la mouvance l’incompréhension, la peur et la résignation…

La vraie question est de savoir s’il pourra tenir ce train d’enfer. Eloigner sa base politique par une indépendance contrastant avec ses anciennes allégeances, revient à créer l’électrochoc de Gorbatchev. Seulement, pour qui connait le destin de l’URSS après la pérestroïka, nous ne pouvons que prier.

Olivier ALLOCHEME

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