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Le triomphe de la vérité

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Editorial:Le scandale du bois


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Il faut reconnaitre une évidence : quand Blaise Ahanhanzo décide de frapper fort, il le fait, et avec la manière. Fin avril, il a fait une descente à Akassato où il a surpris des exploitants illégaux de bois. Pour la première fois, les caméras de télévision ont pu filmer des milliers de billes sommairement tronçonnées entreposées pour être chargées dans des conteneurs.

Depuis des années, le trafic illégal du bois s’est fait florissant entre les forêts classées du septentrion d’où les trafiquants font leurs coupes sauvages et la côte d’où des milliers de conteneurs chargés à ras bord sont convoyés sur la Chine. Les trafiquants en question auraient pu être arrêtés depuis longtemps s’ils ne faisaient pas partie de l’entourage proche du Chef de l’Etat.

Depuis septembre 2011, c’est-à-dire depuis au moins huit mois, un journaliste a publié un article effarant sur le sujet. Personne ne pouvait donc ignorer au ministère de l’environnement que les forêts classées de Kouandé (notamment celles de Sékogourou, Tikou, Nièkèrè-Bansou, Sonboko, Niaro-son, Makrou, Guilmaro), celles de la Sota (dans l’Alibori), de Tchaourou, Toui, Kilibo et d’autres réserves ont été systématiquement dévastées, au mépris des normes. Toutes les forêts classées de l’Alibori supérieur ont été dévastées. Il n’y a aujourd’hui que des troncs d’à peine 0,5 mètre de diamètre.

Ces massifs forestiers pillés ont réveillé la colère des élus locaux et des associations de développement. Certains d’entre eux ont été arrêtés et conduits à la police où ils ont fait quelques jours en garde à vue, pour avoir osé élever la voix sur les proches du Chef de l’Etat qui détruisaient avec une hargne peu ordinaire le riche patrimoine forestier de leurs localités. Parmi ces malheureux, il s’est même trouvé une religieuse gardée à Natitingou, comme les autres.

Les dégâts opérés avaient pu faire sortir le ministre de ses gonds. En septembre, il a fait interdire les coupes sauvages sur les sites en question. Sa visite sur les lieux à Kouandé, Kérou et Wassa Péhunco lui a montré une dévastation que rien ne saurait expliquer. Ces forêts classées, aujourd’hui martyrisées, avaient été reboisées à grands frais grâce à l’appui de la Banque Mondiale à travers le Projet de Gestion des Ressources Naturelles (PGRN). Il était apparu impérieux de reverdir ces forêts pour préserver ces vastes étendues de l’avancée du désert.

Tout le monde peut alors se demander ce que faisaient les agents des eaux et forêts pendant que les pillards qu’ils sont précisément chargés de dissuader se livraient à un tel carnage. Tout le monde peut alors se demander comment les ministres successifs de l’environnement ont pu rester aveugles, sourds et muets face à ce péril qui menace et l’environnement et la respectabilité du Bénin face à un bailleur de fonds comme la Banque Mondiale. Tout le monde peut enfin s’apercevoir que des agents assermentés qui auraient dû donner l’alerte, que des maires qui auraient dû se révolter, que même des députés qui auraient dû dire non comme ils savent si bien le faire, ont pactisé avec le mal. Impunément.

Cette conspiration du silence est l’un des paradoxes du Bénin démocratique. Derrière le mur des médias qui se déploient par centaines, derrière le foisonnement des partis et autres mouvements et associations politiques, subsiste un vieux fond moyenâgeux qui fait perdurer les habitudes antiques. La forfaiture la plus abjecte passe comme une lettre à la poste au nez et à la barbe de tout le monde, tandis que tous nous crions liberté, démocratie, constitution. De grands mots face aux réalités élémentaires contre lesquelles bute notre entendement démocratique trop souvent ancré sur la politique politicienne. Voilà le péril.

Le péril également, c’est cet entourage présidentiel si souvent décrié à tort, mais finalement à raison pour ses pratiques d’un autre âge contre lesquelles le commun des Béninois, y compris ceux qui sont en haut lieu, restent sans arme. Les instructions données au nom du Chef de l’Etat depuis le salon présidentiel ou sa chambre à coucher, sont plus puissantes que les siennes propres. Elles surpassent bien souvent les lois de la République, au point où les fonctionnaires et autres agents assermentés préfèrent laisser faire pour ne pas perdre leurs postes. C’est une pourriture en chaîne.

Que fera maintenant le ministre de l’environnement ? Face à de telles puissances qu’il lui faudra affronter, je crains fort qu’il ne laisse tomber les suites judiciaires que le scandale du bois devrait avoir. Pour conserver son fauteuil. Lui aussi.

Olivier ALLOCHEME

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