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Le triomphe de la vérité

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Interview avec le Secrétaire général de la Confédération des syndicats autonomes du Bénin (Csa-Bénin), Dieudonné Lokossou:« La restitution des défalcations ne sera pas une faiblesse du gouvernement»


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Reconduit Secrétaire général de la Confédération des syndicats autonomes du Bénin (Csa-Bénin), Dieudonné Lokossou est resté égal à lui-même malgré les montages de toutes pièces pour ébranler l’institution à la tête de laquelle ses syndiqués lui ont renouvelé leur confiance. Président de la commission éducative et des affaires sociales au Conseil économique et social (Ces), il donne à travers cette interview, son appréciation de la reprise prochaine par les enseignants du public des activités pédagogiques au détriment de leurs congés de Pâques.

A cet effet, le Haut conseiller de la République a invité le gouvernement à une restitution des défalcations opérées sur les salaires du mois de mars. Durant la demi heure de cet entretien, il n’a pas occulté de partager son opinion sur le récent remaniement technique et surtout l’an 1 de la refondation, qu’il qualifie d’échec inédit. Toutefois, il pense que l’espoir d’un retour à la stabilité socio-économique reste permis si le gouvernement arrivait à consulter les responsables syndicaux à travers des dialogues francs et sincères.

L’Evénement Précis : Comment va la Csa-Bénin après la réélection de Dieudonné Lokossou à la tête de l’institution?

Dieudonné Lokossou : D’abord, je vous remercie pour vos efforts à avoir les informations de bonnes sources. Comme vous le constatez, les bruits de bottes du départ se sont tus. La preuve est que vous m’avez vu dans mon bureau en train de travailler. Je crois que tout va bien contrairement à ce qui est distillé. Les manœuvres étaient montées de toutes pièces, et nous savons d’où ça vient. Et comme cela a échoué, ils ont compris que ma réélection ne souffre d’aucune contestation. On doit donc ranger les armes et fait appel à tous ceux qui se sont sentis frustrés afin que nous bâtissions la Csa-Bénin. Il ne faut pas voir les hommes. La Csa est une institution. Moi, je vais passer et l’institution restera. C’est Dieu qui donne le pouvoir et c’est lui qui le retire.

Quels sont les prochains défis du nouveau secrétaire général que vous incarnez ?

Les défis sont nombreux et se basent sur l’amélioration des conditions de vie et de travail des syndiqués. On a beau dire qu’on a augmenté les salaires et que les enseignants sont à une rémunération appréciable. Mais malheureusement quand vous prenez le Smig aujourd’hui, c’est moins de 40.000 fcfa. Or, ils doivent faire face aux besoins quotidiens. Nous avons donc un chantier en friche et tous les jours que Dieu fait, quelqu’un vient vers nous ici à la Bourse du travail se plaindre. En réalité, le rôle du syndicat n’est pas d’attaquer le pouvoir en place mais de construire le pays à travers ses différents domaines. Je suis plutôt dans une dynamique de négociations et non d’aplatissement ? Ma confédération ne doit donc pas être un appendice du gouvernement. Il faut que cela soit clair.

Alors en ce qui concerne le système éducatif, les cours reprennent ce lundi après une harmonisation du calendrier scolaire par le Haut conseil syndical et les ministres des enseignements. Est-ce la fin de la crise ?

La crise au niveau du secteur de l’enseignement a été vécue de façon dramatique. En raison du fait que les parents d’élèves, élèves et enseignants en ont souffert du fait de la précarité dans laquelle vit le pays, il fallait trouver un terrain d’entente. Maintenant, la solution ne devrait pas être prise de façon brutale. Il s’agit de s’asseoir pour réfléchir afin de parvenir à un consensus parce que les revendications des enseignants étaient légitimes. Malheureusement, cela a été mal compris et suivi des campagnes d’intoxication et de dénigrement développées sur toute l’étendue du territoire national.

Ce qui a nui aux négociations. Néanmoins les confédérations qui sont toujours à l’avant-garde pour défendre les intérêts matériels et moraux des travailleurs ont joué leur partition et finalement, il y a eu accalmie. Là où le problème se pose, c’est au niveau des mesures coercitives qui ont suivi. Elles ont été mal prises avec les défalcations sauvages sur les salaires. Un acte qui a été suivi de l’imposition d’un calendrier réaménagé de façon unilatérale et récemment l’interdiction des congés de Pâques aux mêmes enseignants. Donc, je crois que tout ça constitue des mesures maladroites de la part du gouvernement. Maintenant, c’est vous qui m’annoncez cette reprise, sinon je n’ai pas encore vu les miens pour savoir la suite donnée. S’ils sont parvenus à un accord qui permet de reprendre le lundi, je ne peux que dire bravo.

Nous vous informons que c’est fait. Alors quelle est votre appréciation ?

Personne ne veut d’une année blanche. Les parents ne peuvent pas investir si gros et que finalement on ne puisse pas faire passer les examens aux enfants. Et il n’y a pas que les écoles publiques, il y a également les écoles privées qui sont aussi dans le secteur et ont un poids. Donc tout cela mis bout à bout, recommande que nous jouions un peu au fair play pour trouver un terrain d’entente. Les syndicalistes sont toujours prêts pour un dialogue. Mais pas pour un dialogue hypocrite. On veut des dialogues constructifs et sincères. Donc je ne peux qu’accompagner le dénouement que vous m’annoncez.

Mais qu’en est-il des négociations gouvernement-confédérations et centrales syndicales ?

Je crois que ce gouvernement est celui qui fait face constamment aux crises sur le plan social et économique. Vous êtes un historien quotidien des faits en tant que journaliste. Alors nous aux lendemains de la reprise des cours, à notre demande aux divers protagonistes qui étaient en mouvement, nous avons estimé nécessaire d’interpeller le gouvernement. Donc, les confédérations les plus représentatives qui s’entendent, ont écrit au président de la commission, le premier ministre de convoquer une séance extraordinaire pour que nous puissions nous pencher sur la question afin d’aboutir de façon responsable à une solution qui soit acceptée des uns et des autres. Donc nous sommes dans cette attente et la balle reste dans le camp du gouvernement.

Pensez-vous que le gouvernement pourra au moins restituer les sous défalqués sur le salaire du mois de mars?

C’est fortement notre souhait. Ce dont il s’agit ici, ne sont pas de nouvelles revendications mais des droits acquis. Donc les textes régissant les droits de grève en son article 5, donnent les dispositions. Lorsqu’il s’agit des droits acquis on ne doit pas défalquer. Donc toute autre disposition tendant à une défalcation serait une erreur de la part du gouvernement. Ainsi dans le cadre de la recherche de solution d’apaisement le gouvernement a intérêt à restituer les défalcations opérées qui ont mis encore les enseignants dans le désarroi. Il faut à cet effet dire que ce ne serait pas un signe de faiblesse pour le gouvernement de restituer les sous défalqués. Nous avons chacun un effort à faire pour ramener le calme et consolider la paix sociale.

Restant toujours dans l’actualité, le dernier remaniement opéré par le Chef de l’Etat, était-il nécessaire ?

En réalité, le Chef de l’Etat a les pouvoirs les plus étendus du point de vue constitutionnel pour opérer de remaniement technique. Donc cela relève de son pouvoir discrétionnaire que personne ne peut contester. Pour moi, par rapport à l’acte posé, il a respecté la procédure et a également requis l’avis consultatif du Président de l’Assemblée nationale et de son bureau, ce qui lui a été accepté. Donc il est en plein dans son droit. En réalité, ma confédération n’a pas pour vocation la conquête du pouvoir.

Maintenant à partir du K.O époustouflant dont tout le monde a été témoin, les partis qui devaient jouer leur rôle de gardiens ont baissé le bras sauf le parti communiste qui a gardé sa position en sortant de temps en temps des papiers. Donc, en notre qualité de défenseurs d’un certain nombre de principes démocratiques, nous intervenons de temps en temps. Quand nous avons eu l’information, on a pensé que ce remaniement technique viendrait réduire les portefeuilles ministériels pour être compatible avec les charges qui défraient la chronique. Car, le gouvernement a souvent dire que nous n’avons pas de l’or, du pétrole, du diamant.

Mais tout ce qu’on constate est qu’il réagit comme si le pays est bien loti. Alors lorsque nous autres demandons qu’on nous accorde nos avantages, il nous sert l’argument selon lequel, dans l’Uemoa, il y a une règle de convergence et tout le monde doit rester dans une certaine norme. Plus récent, lorsque nous prenons le cas du Sénégal, le nouveau Président a réduit les portefeuilles de 40 à 25 ministères. Contrairement au Bénin, on voit que les portefeuilles ont été rallongés de 26 à 27. On s’est retrouvé à 27 postes avec la création du ministère chargé des affaires présidentielles. Cela prouve que tout est rose et on peut répondre favorable revendications des travailleurs. Il a posé son acte et nous aviserons.

Boni Yayi, ministre de la défense. Quelle lecture en fait la Csa-Bénin ?

(Sourire) ! Je ne suis pas dans le secret des dieux pour savoir ce qu’il pense. Est-ce que celui qui était là, a mal joué son rôle ? Pour ce qui nous concerne, cela ne nous effraie guère. Nous sommes très vigilants et assez mûrs. Donc la présence de Yayi à la tête du ministère de la défense, n’inquiète pas. Surtout qu’il n’a pas pris l’habitude de toucher à ses droits salariaux. Je crois qu’au niveau du ministère de la défense, il n’aura pas aussi de salaire.

Est-ce possible qu’un Chef d’Etat exerce sa fonction sans toucher à son salaire ?

Le ministre qui l’a proclamé urbi et orbi avec grand tapage au Palais vient d’être malheureusement éjecté du système, sinon victime du système. Je crois que je ne suis pas de la dernière pluie. Lorsqu’on me dit que le Président exerce gratuitement la fonction présidentielle, j’ai des doutes. Tout simplement parce que la constitution n’a pas prévu qu’une fonction présidentielle soit exercée gratuitement.

Comment appréciez-vous à cet effet le limogeage du Directeur général du trésor accusé de légèreté dans l’exercice de sa fonction?

Je crois qu’il faut que les cadres à qui l’on confie des charges puissent les assumer en toute responsabilité et avec une certaine indépendance et non exécuter aveuglement les ordres. Ce que j’entends par rapport au départ du ministre et de celui précipité du Directeur général, m’écœure. Remercier les cadres de tel niveau de telle façon me fait exprimer des inquiétudes et des doutes sur la sincérité des actes posés.

C’est vrai, ce n’est pas une affaire de syndicaliste mais je crois qu’en tant que citoyen, lorsque vous êtes attaqués de telle façon où pour certains, on a porté atteinte à votre dignité, il va falloir que vous vous défendiez. Moi, si j’étais à la place de ce directeur, du moment où de part ce limogeage, il est sorti des devoirs de réserves, il doit s’exprimer et donner sa part de vérité. S’il ne le fait pas, on peut dire comme le dit l’adage, « qui ne dit rien, consent ».

Des observateurs estiment que Yayi renvoie les opérateurs économiques béninois tels que Martin Rodriguez, Patrice Talon, Sébastien Adjavon….. Etes-vous de leur avis ?

Je ne connais pas Martin Rodriguez. Je vois Patrice Talon mais on n’a jamais eu de contact physique. Mais je connais Sébastien Adjavon avec qui nous avons des contacts parce que, Président du patronat. En tant que secrétaire général de confédération, il y a beaucoup d’activités qui nous réunissent. C’est vrai, on ne doit pas se servir du fisc pour régler des comptes. Les actes que l’on pose doivent être des actes responsables parce que ces opérateurs économiques sont des créateurs d’emplois. Il ne faut pas que pour un «Oui » ou un « Non » qu’ils ferment leurs usines pour que nous nous retrouvions dans le spectre du chômage.

 Je crois que c’est ça qui doit être le souhait du gouvernement. Pour moi, lorsqu’il y a des différends, il faudrait qu’on s’assaye pour discuter afin d’aboutir à un consensus. Je ne suis pas là pour défendre un opérateur économique. Car lors de la signature du contrat, il n’y a pas de bruit autour. Je n’ai même pas vu le contenu avant que les attaques ne commencent. Je crois que, Talon est un opérateur économique qui a tous les atouts pour se défendre lui-même.

Alors, quelle lecture faites-vous donc de l’an 1 de la refondation ?

(Silence) ! On est parti de l’émergence pour le changement et brutalement on est tombé dans la refondation dont les opportunistes de tout genre se sont emparés et les commentaires vont bon train. Si bien qu’on dirait que celui qui a introduit le concept s’en soit dessaisi et il y a de bruit autour. Pour moi, j’aurais souhaité que l’on fasse le bilan du changement puisque c’est ça qui était le leitmotiv en 2006. Brutalement, il y a une sorte de séisme et on est tombé sur un autre concept qu’est la refondation.

L’an 1 de cette refondation a été marqué par plusieurs crises, de grèves et d’agitations au point où les douaniers ont été privés de leur liberté avec violation des droits syndicaux. La situation économique reste ce qu’elle est. On nous a promis monts et ciel que la refondation va apporter le sourire ou la prospérité partagée. Malheureusement trois (03) mois après sa mise en œuvre, on se retrouve dans le K.O. Je crois que si je dois juger sans parti pris, je dirai que c’est un échec inédit.

A vous entendre, on a l’impression que tout est noir sous Yayi. Le confirmez-vous ?

On ne noircit pas la gestion mais plutôt on dit ce qui est. Je sais que des efforts ont été faits. Par exemple sur le plan de l’amélioration des conditions de vie des travailleurs, quelque chose a été fait. Il y a eu la valorisation du point indiciaire des travailleurs. Au niveau du secteur privé aussi les travailleurs ont eu d’amélioration du point de vue salarial. Il y a aussi le domaine des infrastructures. Et là, c’est des programmes, le gouvernement n’est pas arrivé les mains libres. Il est tenu de faire toutes ces réalisations. Toutefois, on a des problèmes de liberté dans le pays même si les partis politiques qui doivent animer la vie politique sont en hibernation et développent la politique du silence avec des réactions timides.

Le Prd s’est officiellement déclaré de l’Opposition.

Je suis heureux qu’enfin le Prd après le K.O politique reprenne du poids en annonçant qu’il est un parti de l’opposition. Cela veut dire qu’après le K.O, il y avait du flou artistique. Il va donc falloir que d’autres puissent se prononcer de cette façon pour que nous sachions dans le pays, qui est qui et qui fait quoi. Donc voilà un peu ce que je pense de cette première année de la refondation qui est pour moi une année de calvaire moral.

On a l’impression que la question sur la révision de la constitution n’intéresse pas les syndicalistes

C’est encore un autre combat qui s’annonce. La révision de la constitution, oui. Mais on doit vulgariser le contenu. Nous, nous sommes les acteurs clés du vrai changement. Avant que le changement de Yayi ne soit annoncé, il y a eu beaucoup de tractations. Les syndicalistes et les partis politiques se sont concertés.

Par exemple sur la question selon laquelle, pour être candidat il faut que le candidat soit domicilié ici pour six mois, nous avons œuvré pour obtenir du pouvoir un renoncement à des velléités de blocage de l’évolution de notre pays sur le plan démocratique. On n’est pas contre une révision mais pas de révision opportuniste. La révision ne doit pas être une affaire de couvent. Il faut que ça sorte et qu’on vulgarise. Nous, nous avons refusé de signer la charte nationale tout simplement parce que cela n’a pas pris par les canaux qu’il faut. Donc, la constitution est une bible nationale qui doit être connue du grand public.

On dit qu’on donne la charte aux maires, or les maires sont des affidés du pouvoir. Les partis d’opposition ont combien de maires ? Ce n’est donc pas une affaire de mairie. Il faut que l’on descende dans la société civile pour vulgariser le document afin que l’on se prononce sur les points clés à revoir. Donc ça ne doit pas être une affaire pressée alors que la Lépi est là et nous tendons vers les élections communales. On doit donc s’attendre à d’autres K.O. J’ai entendu le Président de l’Assemblée nationale dans son discours inaugural d’hier demander que la balle doit être mise à terre. Il faut dire que la balle est dans leur camp.

 Car c’est la majorité qui a introduit le document sans l’avis de la minorité. Il ne s’agit pas de déposer copie du document traité par certains de façon clandestine dans les mairies. Ceux qui sont à la Bourse du travail constituent aussi une majorité non négligeable car ils dirigent aussi les travailleurs. Donc on ne peut pas mettre le peuple devant le fait accompli. Si c’est dans ce dessein qu’on cache des choses, je crois qu’ici n’est pas là-bas. Ça ne se passera pas.

Faites-vous des propositions au gouvernement pour l’amélioration de sa stratégie de gestion ?

On n’a jamais demandé nos contributions et le gouvernement a assez de conseillers. On ne peut donc pas se passer des conseillers inamovibles pour nous demander des apports.

Propos recueillis par

Emmanuel GBETO

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