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Le triomphe de la vérité

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Editorial:La CEDEAO des policiers


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On voulait une CEDEAO des peuples, nous voilà avec une CEDEAO des policiers. Au moment où se tient le quarantième sommet des chefs d’Etats et de gouvernement de la zone, il est presque impossible de circuler sur les routes de la CEDEAO sans subir la loi des hommes en uniforme. Gendarmes, policiers, militaires, tous instaurent aujourd’hui un rançonnement systématique des usagers, notamment de ceux qui ne sont pas ressortissants de leurs Etats.

 Passer sans problème de la frontière de Pamalap en Guinée pour la Sierra-Léone, de Ouangoulou au Burkina-Faso pour la Côte-d’Ivoire ou encore d’Aflao au Togo pour le Ghana relève d’une véritable gageure. C’est encore pire lorsqu’il s’agit des marchandises. Flairant le gras à plein nez, les hommes en uniforme deviennent intransigeants, irascibles et intraitables. A l’intérieur des frontières, les commerçants originaires de la communauté ne peuvent faire passer leurs marchandises qu’à force de pots-de-vin et autres dessous de table payés aux barrages sans nombre que l’on multiplie à volonté pour engraisser les hiérarchies policières.

Si au Bénin, les marchandises en transit vers les pays de l’hinterland sont relativement protégées de cette corruption rampante, il n’en est pas de même pour les personnes ou pour les produits en provenance de nos marchés. Sur les axes routiers, ils sont systématiquement rançonnés. Ainsi, les ressortissants de la sous-région en visite chez nous se plaignent au quotidien des misères qui leur sont faites par les forces de l’ordre qui ignorent royalement tous les traités et protocoles de la CEDEAO et de l’UEMOA.

 Idem pour les autres pays. De Dakar à Bamako, ce sont des centaines de postes de contrôle qui sont érigés. Ils assombrissent l’horizon de la libre circulation des biens, des personnes et des services. Conséquence logique, au Bénin, au Togo, en Guinée comme au Sénégal, les prix des denrées montent et les populations gémissent. La loi ici n’appartient pas aux Chefs d’Etat et de gouvernement qui ont adopté depuis 1979 le Protocole A/P1/5/79 portant sur la Libre Circulation des Personnes, protocole auxquels se sont ajoutés d’autres textes additionnels.

Elle est entre les mains de certaines autorités galonnées écumant nos axes routiers, au nez et à la barbe des gouvernements qui laissent faire. Et ils laissent faire parce que la situation semble arranger tous les Etats. Semble-t-il, c’est plus facile de ne rien faire pour punir les agents indélicats que de mettre en œuvre des actions concrètes pour assurer l’effectivité de la libre circulation des personnes et des biens.

Mieux, la protection des entreprises communautaires est aussi en cause. Dans les textes d’une générosité réellement angélique adoptés par les Chefs d’Etat et de gouvernement, le droit d’établissement est formellement reconnu. Ainsi, un Chef d’entreprise originaire du Burkina-Faso peut bien établir son unité de production à Cotonou sans aucun problème, comme à Lomé ou Accra. Mais tous les connaisseurs vous diront qu’il s’agit d’une simple théorie.

Des réglementations fallacieuses sont érigées dans les Etats pour protéger les opérateurs économiques nationaux. Paradoxalement, à l’heure où l’invasion des produits chinois se fait massive dans tous les Etats de la zone, les artifices employés avec intelligence pour écarter les industriels de la communauté sont vite oubliés. L’industrie chinoise prospère sous nos cieux et tue les initiatives locales.

Pour se protéger, l’Etat chinois se montre d’une générosité d’emprunt en construisant ici des routes, là des ponts ou des échangeurs, là encore quelques édifices de luxe à l’architecture futuriste qui font rêver nos têtes chenues. Pendant ce temps, les Chinois s’installent, les emplois se font rares chez nous et nos industriels ne peuvent même pas passer d’un pays à un autre sans éveiller l’instinct corruptif des forces de sécurité…

Mais la CEDEAO se trouve aujourd’hui à un carrefour. Soit elle oblige les Etats à appliquer les textes qu’ils ont eux-mêmes adoptés afin de sauver la crédibilité de l’institution, soit elle laisse faire, le temps que le pourrissement empêche définitivement tous les efforts d’intégration et tue nos entreprises qui ont besoin d’un marché conséquent pour se développer et faire face à la concurrence.

Et l’on peut voir que seule la première option tient compte de la volonté manifeste des Etats et des peuples d’aller de l’avant. Aucun fleuve ne roule ses eaux à rebours, dit-on. Il est temps de sauvegarder tant d’espoirs. Il est temps de libérer nos routes de l’emprise de policiers, de militaires et de gendarmes sans foi ni loi.

Olivier ALLOCHEME

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