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ECONOMIE:Le wax hollandais en pleine tourmente


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Myriam Kalépé revendeuse de tissu au grand marché Adawlato de Lomé

Mahmoud est content de ses produits. Sur l’avenue Delorme à Cotonou, sa boutique propose aux clients qui affluent des tissus imprimés aux couleurs chatoyantes. « Ici, c’est un wax hollandais », dit-il en soupesant le tissu de ses doigts agiles. « C’est 45 000f mon ami » indique ce Pakistanais immigré au Bénin depuis 2004. Après un moment d’hésitation, il corrige : « Si tu veux, nous avons aussi des wax de petit prix ».

D’un autre rayon situé non loin, il sort alors d’autres rouleaux identiques aux premiers mais de « petit prix ». Pour 7 000, 10 000 ou au plus 14 000 FCFA, on peut se procurer la pièce de douze yards qui coûte normalement deux à trois fois plus cher. Ce sont les wax contrefaits qui inondent le marché, posant de sérieux problèmes d’identification aux clients. A Missèbo même, le célèbre marché de friperie et véritable prolongement du grand marché Dantokpa de Cotonou, d’autres boutiques présentent les mêmes produits avec les mêmes caractéristiques.

Certains tissus wax sont présentés dans des emballages plastiques avec la mention « Véritable Wax Hollandais Vlisco ». « C’est des faux wax » rectifie une revendeuse croisée dans le marché. Affectueusement appelée Maman Khadidja, cette commerçante de tissus attire notre attention sur la lisière de certains des pagnes. Elle porte des estampilles imitant Vlisco, la maison mère des tissus wax : « Vasco » pour certains, « Blisco Super Hollandais » pour d’autres, ils coûtent entre 7 000 et 14 000FCFA « à débattre », comme indiqué sur les étiquettes.

Une grande marque contrefaite

Vlisco, nom de marque de PF Van Vlissingen & Co (Vlisco), est une société fondée en 1846 à Helmond au sud de la Hollande, par Pieter Fentener Van Vlissingen. Il est le fabricant du wax hollandais, un tissu obtenu grâce à une technique proche du batik indonésien. Vers la fin du XIXè siècle, ses tissus arrivent sur la côte ouest-africaine à travers le Ghana. C’est le début d’un commerce florissant qui va rendre célèbres les Nana Benz.

Surnommées ainsi du fait de leurs rutilantes berlines Mercedes Benz, ces commerçantes du gros ont fait fortune dans le wax au Togo. Dans la capitale togolaise, Vlisco African Company (VAC), représentant local de Vlisco, inonde le marché africain de wax qui devient très tôt une marque de prestige et de grand luxe particulièrement prisée chez les femmes. Mais aujourd’hui, la génération des Nana Benz a pratiquement disparu. « Tous les dessins de Vlisco sont aujourd’hui copiés en Chine » avoue, un brin inquiète Ayaba Sivomey-Mensah, fille et petite fille de Nana Benz à Lomé. Dans le grand marché Adawlato de la capitale togolaise, elle perpétue l’héritage parental, malgré les difficultés nées de la contrefaçon et de la crise économique.

« C’est vrai que pour la clientèle togolaise, c’est difficile mais d’autres dames de la sous-région ne jurent que par notre marque, heureusement, d’ailleurs. Et j’espère que ça reviendra petit à petit » dit-elle. Aujourd’hui propriétaire elle-même de sa propre boutique Vlisco, elle se lance le défi de reconquérir une clientèle aisée qui se fait rare. Sa mère, Dédé Rose Creppy, Présidente de l’Association des revendeuses professionnelles de pagnes regrette encore le passé faste et jette un regard sombre sur l’avenir. « Je plains vraiment la jeune génération.

 Elle n’a pas d’avenir dans les pagnes. C’en est véritablement fini des Nanas Benz et des Nénettes, leurs filles » confiait-elle au magazine Jeune Afrique il y a six ans. Myriam Kalépé, revendeuse de tissus d’origine chinoise estime que le déclin est dû à des causes économiques. « Je vends aussi des Vlisco, mais c’est peut-être une pièce qu’on arrive à écouler en deux semaines. Les gens préfèrent les Hitarget, les Super et les Binta wax parce que c’est moins cher », dit-elle. Résultat, devant les étalages de tissu Vlisco, la clientèle se fait rare.

Un impact direct sur le commerce local

Au marché Dantokpa de Cotonou, la situation est presque identique. Au premier étage de l’immeuble principal du marché Madame AGBAZAHOU M. Pierrette, Vendeuse de wax, reconnaît la mévente. Pour la journée du lundi 27 juin 2011 où nous l’avons rencontrée, elle n’a enregistré son premier client que vers 15h « et très difficilement », a-t-elle précisé.

 « La présence sur le marché des faux Vlisco rend les clients très méfiants, même si une vendeuse attitrée du produit montre aux clients tous les papiers réglementaires attestant sa bonne foi », confie-t-elle. Sa voisine appelle les autorités au secours, du fait que, selon elle, la situation va de mal en pis. Mais le Directeur de la Promotion du commerce Intérieur du Ministère de l’Industrie et du Commerce assure que l’Etat ne peut pas agir si la société distributrice ne dispose pas d’un titre de propriété sur les dessins qui seraient frauduleusement copiés par les usines chinoises.

Pour Claude Allagbé, il n’appartient pas à l’Etat de jouer le rôle de l’importateur à sa place. Même son de cloche du côté de François Miton Adandé, Directeur de l’Agence Nationale de la Propriété Industrielle. Pour lui, les accords de Bangui en vigueur depuis 1977 et révisés en 1999 protègent les détenteurs de titres de propriété. « Mais, vous n’êtes pas tenu de saisir les tribunaux si vous vous estimez lésés par les contrefacteurs », précise-t-il.

Une menace qui plane toujours

Avec l’avènement du programme de vérification des importations « Nouvelle Génération » (PVI) en vigueur désormais au port et aux frontières terrestres du Bénin, les rares clients s’attendent à un nouveau renchérissement des prix du wax. « Le wax est aujourd’hui dédouané à 14 millions environs alors que le conteneur devrait l’être à 40 millions de FCFA au moins », assure l’inspecteur des Douanes Maurice Emiola Adéfalou en service au Port de Cotonou. Depuis toujours, l’Etat béninois a choisi de subventionner le wax pour des raisons sociales.

Pour le moment, l’utilisation des valeurs consensuelles de dédouanement est encore en vigueur pour le wax, malgré l’avènement du PVI. Ce qui n’est pas du tout du goût de la société en charge de la gestion du PVI pour le compte de la Douane béninoise, Benin Control. « Cette solution consistant à subventionner des produits importés depuis des décennies est-elle la bonne alors qu’elle détruit l’industrie locale ? » se demande Anicet C. Houngbo, responsable des Opérations de la société Benin Control, avant d’ajouter : « Aucun Béninois ne devrait l’accepter. »

A cette menace s’ajoute la croissance exponentielle des relations commerciales entre la Chine et le Bénin. Dans une interview accordée au quotidien Nouvelle expression en février 2011, l’ambassadeur de Chine près le Bénin Geng Wenbing a assuré que ces relations croissent d’environ 65% chaque année. Et la Chine est l’un des principaux bailleurs de fonds du pays, ce qui s’accompagne de la présence massive de ses produits sur le marché béninois.

 C’est dire que les faux wax ne sont pas prêts d’être éradiqués. A contrecourant de ces menaces, Vlisco a lancé mi-juillet 2011 une nouvelle collection présentée comme une continuation du luxe d’antan et un sommet de raffinement. Son nom : « Trésor brillant ».

Olivier ALLOCHEME & Flore S. NOBIME

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