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Le triomphe de la vérité

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EDITORIAL: La spoliation pédagogique


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Les communiqués se sont faits tapageurs ces deux derniers jours. Les enseignants reversés du secondaire sont en formation dès aujourd’hui. Il s’agit pour le gouvernement d’exorciser le mal de l’absence d’une formation pédagogique de base pour ces milliers d’enseignants. Et de fait, près de 70% du personnel enseignant de nos lycées et collèges sont dépourvus de ce minimum. Il est vrai que, envoyés comme des cobayes dans une profession dont ils n’ont pas suffisamment maîtrisé les règles, ils finissent par massacrer les apprenants.

Pour redresser cette barre tordue, il faut plusieurs années de pratique continue avant de corriger quelque peu les impairs. Pendant ce temps, ce sont des générations de Béninois que l’école a sacrifiées et continue de sacrifier. La multiplication de la population scolaire ces dix dernières années se conjugue avec une raréfaction des ressources dans un environnement où l’improvisation règne.

Car les « formations» octroyées dans les écoles professionnelles sont de plus en plus dépassées par le colmatage pédagogique qui est de règle sous les cieux de l’Approche par compétence (APC). Cette approche pédagogique qui accorde une place de choix à l’apprenant devenu artisan de son propre savoir, repose malheureusement sur des bases matérielles et didactiques très fragiles. Par exemple, chaque année, les programmes sont remaniés de classe en classe, de matière en matière.

Les corrections apportées sont quotidiennes, tandis que les conseillers pédagogiques et inspecteurs, même parmi les plus compétents d’entre eux, se voient obligés d’inventer à leurs propres aunes des règles remises en cause par d’autres. Cette fabrication artisanale de règles qui changent à tout bout de champ (à tout bout de «formation») sape les bases de la formation elle-même. De sorte que les «doyens» eux-mêmes se perdent dans les nouvelles règles et préfèrent ressasser leurs anciennes fiches. Les enseignants sont alors confrontés à une multiplicité de concepts aussi flous que pertinents…mais dont l’ensemble concourt à les embrouiller pour de bon. Il était important voire salutaire que l’Etat arrête le massacre en imposant clairement des choix responsables pour le futur.

C’est-à-dire mettre fin à l’APC dans les matières où l’impréparation a atteint un seuil critique. Non, depuis que le forum sur le secteur de l’éducation a recommandé la poursuite des nouveaux programmes baptisés APC, l’improvisation est allée de paire avec les détresses du système qui sont : effectif pléthorique dans les classes, insuffisance d’outils didactiques, environnement institutionnel inapproprié…Mais le forum lui-même ne pouvait faire autre chose que cette recommandation puisqu’il a été animé de bout en bout par ceux qui ont conçu le programme et en ont bénéficié jusqu’ici. Ne leur demandez pas de tuer la poule qui les a si généreusement nourris des années durant.

Confrontés depuis tant d’années à l’exigüité de son budget éducatif, le gouvernement est aujourd’hui tenu de former par vagues entières une génération d’enseignants recrutés sur le tas lors des reversements massifs de 2006 et 2007. L’exercice a tout l’air d’un sauvetage en haute mer : il est risqué et périlleux. Ici, nous avons affaire à des milliers d’enseignants qui ont des diplômes universitaires ne correspondant pas toujours aux matières enseignées dans les classes.

 Des juristes enseignent le Français, des économistes tiennent des classes de terminales en mathématique et des spécialistes de psychologie font SVT. Dans le même temps, beaucoup ont les diplômes de leur matière d’enseignement. Ils seront pourtant tous titulaires des mêmes diplômes professionnels à la fin desdites «formations».

Le syndicalisme aidant, chacun sera protégé par les grèves et les pressions orchestrées sur les autorités pour faire valider l’incongru. S’il est vrai qu’en matière pédagogique seule la pratique continue confère une qualification réelle, il n’est pas vrai que l’Etat puisse institutionnaliser un telle complaisance.

La formation pédagogique qui commence ce jour pose ainsi des problèmes de fond qui tiennent moins à la nécessité pour l’Etat de recaser une frange d’enseignants, qu’à l’impératif absolu d’assurer un enseignement de qualité aux Béninois d’aujourd’hui pour le développement du Bénin de demain.

Olivier ALLOCHEME

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